Pilhouë est un Sunfizz de 40 pieds, étroit, profilé, qui a le même âge que moi, 25 ans. François Bordes, mon skippeur, l'a en sa possession depuis 93. Il est tout en vieux bois à l'intérieur, mais il est en parfait état de marche. Pas d'eau dans le fond, les attaches des hautbans ne sont pas rouillées, les voiles sont belles, et il trace, malgré son poids. On a beaucoup d'espace, il y a plétore de coffres de rangement. Si fait que rien ne traîne sur le pont ou dans le cockpit, on peut s'étaler, se promener, on est libre. Au portant, on a l'impression de voler, le voilier ondule grâcieusement sur l'océan, donne une sensation de glisse sans pareille, et visuellement, son bois et ses voiles, sur la mer luisant au soleil, offrent un spectacle éblouissant.
François, Nyels et moi nous entendons à merveille, et avons déjà, au bout de deux jours, trouvé notre rythme de croisière.
Je commencerai le récit de nos journées par les quarts. Nyels fait le quart dit "du chien", de 2h du mat à 8h, et moi, l'autre, de 20h à 2h. Je prends de l'eau, des cloppes, le yukulélé, un bouquin, le mp3, et c'est parti pour 6h de veille. Ou 6h de Martin, parce que les deux derniers quarts je les ai passé à penser à Martin, à faire le souhait de pouvoir le retrouver un jour dès que je voyais une étoile filante (et j'en ai vu beaucoup...), et à composer une chanson pour lui, en anglais pour qu'il puisse la comprendre, tout simplement intitulée "I want you so badly". Je l'enregistrerai et lui enverrai. François m'a appris à remplir le carnet de bord toutes les heures. J'y note la force du vent, la direction, le log du bateau, sa vitesse, la pression atmosphérique, la position, l'heure et le jour estimé d'arrivée à destination, et des observations, s'il y en a. A 2h, Nyels vient prendre son quart, et je le rejoins vers 6-7h, pour regarder le lever de soleil. Ensuite nyels et moi on va se coucher et on se réveille entre 10h et midi. François prépare le dej, s'il y a des manoeuvres à faire ils les font tous les deux, pendant que je les regarde, concentrée, pour apprendre un max de choses. je fais la vaisselle, reste un peu sur le pont, et vais faire la sieste. J'ai beaucoup dormi, car j'ai beaucoup de sommeil à rattrapper. Ce mois-ci fut très éprouvant, tant physiquement que psycholigiquement, j'ai fait beaucoup de choses nouvelles, vécu des émotions très fortes, et sur le bateau, je n'ai ni terrasse, ni touristes, ni tchèques, ni N, autant dire que c'est le repos du guerrier. Au crépuscule on apérotte, on dîne, et s'est reparti pour un tour.
La femme de François, Nicole, va arriver cette semaine, et je n'ai qu'une angoisse, qu'elle me pique la responsabilité de la vaisselle, j'y tiens plus qu'a ma vie, c'est MON utilité sur Pilhouë...