jeudi 31 décembre 2009
Tristes tropiques
Il pleut. Des cordes, un troupeau de vaches qui pissent, des chiens, des chats, une vraie ménagerie qui s´abat sur notre petite île. Ça ne s´arrête plus, 24h qu´on est sous une douche permanente. Les ruelles en pentes se sont transformées en torrents, l´avenue principale du centre ville est une rivière, hier j´avais de l´eau jusqu´à mi-mollet! C´est pas bon, pas bon du tout! Surtout pour mon petit buisness qui est stand-bye. Chômmage technique, horreur! On est tous désespérés, surtout que depuis ce matin, il n´y a plus l´electricité ni l´eau courante. Du coup, j´ai dû, comble du malheur, me rendre sur le continent en bateau à moteur, pour pouvoir faire quelque chose de ma journée, et utiliser internet. A la base je voulais m´acheter un notebook, mais j´ai appris avec bonheur en téléphonant en France qu´il y en avait un qui arriverait en même temps que ma bonne copine qui vient me visiter, joie! Je vais pouvoir blogger à toute heure du jour et de la nuit!
Mais il pleut toujours, et ça c´est pas cool. J´avais démarré sur les chapeaux de roues, des centaines de reais m´étaient promis, surtout en cette période du nouvel an, et me voilà réduite au silence parce que le ciel fait un peu trop parler de lui. Il n´y a rien que je puisse faire. Comble de mon malheur, je me suis fait voler mes superbes tongues en cuir et en daim que j´avais acheté en patagonie. Je suis partie de la plage, je les y ai oubliées, et 5mn plus tard je suis revenue en courant comme un lapin, les tongues n´étaient plus là. Puis il s´est mis à pleuvoir, à tel point que je n´ai pas racheté de tongues, car je les perdrais dans l´eau. Je vais complètement pieds nus depuis 24h et mes plantes sont d´une propreté impeccable, surreáliste! La pluie va durer jusqu´au 6 janvier, je vais me tourner les pouces sévère, et je pense que je vais déménager mon bardas dans ma pousada et répéter dans ma chambre pendant que Jade et Roberto seront au boulot. Mon public trop facile ne me pousse pas à l´effort, il faut que je m´y mette toute seule. On va tirer profit cette saleté de pluie!
mercredi 30 décembre 2009
Let´s make some cash!
J´avais de grandes appréhensions à chanter sur cette île. Que des jeunes, des brésiliens, des européens, des bombes, des beaux gosses, trop la honte. J´ai mis 4 jour a me décider. Pourquoi tout d´un coup me suis-je lancée? Il n´y a pas de distributeur de billets ici, et je n´ai plus de cash. J´ai le choix, prendre un bateau (hors de question, je ne remets plus les pieds sur une embarcation, quelle qu´elle soit!), ou faire les poches des touristes. J´ai choisi de faire les poches aux toutous. Je traîne mon charriot, je m´installe à l´heure du dej, entre deux terrasses. Je commence comme d´hab par Liberta de Pep´s, on applaudit, ouf! je me présente ensuite, en portugais, presque impeccable, et j´ai un paquet de choses à raconter. je m´appelle Anne, je suis française, ça fait quatre mois que je voyage en bateau pour arriver jusqu´à vous, me suis même tapée une traversée de l´Atlantique seule avec deux mecs pendant 15 jours, pouvez pas savoir ce que je suis contente d´être enfin sur la terre ferme. Déjà ça fait son p´tit effet. Je suis passée par l´île de Madère, des Canaries, par le Maroc, le Senegal, le Cap vert et Salvador de Bahia. Autre petit effet. A chaque fois je chante dans les escales, dans la rue, pour assurer mon voyage, et me faire plaisir. Je vis comme ça, je voyage, je chante, je voyage, je chante, sympa non? Ça en fait rêver plus d´un... Déja ils arrivent vers la boîte et glissent des billets. Ils ne sont pas du tout exigeants, ils affluent vers ma panthère de toute part, du coup je ne me casse pas la tête,
j´impressionne la galerie en chantant en français, portugais, espagnol, anglais, arabe et hébreu, je boucle une chanson, invite quelqu´un à danser (toujours piocher dans un gros groupe, ils sont trop contents et dégaînent leur appareils photos, et après ils viennent remplir la boîte), je fais les acrobaties, en une demie-heure j´ai tout torché, et je me fais du 100 reais (45 euros) minimum à tous les coups. Hier, 2 petites heures en tout, bilan 310 reais, ça fait plus de 100 euros (130). Ce matin, une demie-heure à peine, 119 reais, malheureusement il s´est mis à pleuvoir, je vais devoir passer entre les gouttes s´il pleut encore ce soir. Je joue à l´heure du dej, à l´heure de l´apéro et du dîner, à côté des restos, et non contente de voir les gens venir jusqu´à ma panthère pour y glisser leur générosité, je fais ensuite le tour des tables pour faire cracher ceux qui ont eu la flegme de se lever. Les restaurateurs sont tous très contents et me laissent faire... trop facile, trop simple, trop chouette!
Entre temps je traîne sur la plage, ou dans la pousada de Felipe,
ou avec Jade, mon colloc, qui dort sur le lit superposé au mien, et qui est serveur du resto qui garde mes affaires. Il est complètement gay, je dirais même que c´est une grande folle, il chante tout le temps, et il est trop sympa, trop marrant! Ce matin on est allés tous deux à la plage en passant par la forêt, on s´est fait un peeling au sable noir plein de fer très bon pour la peau, on a dansé la salsa et le forro grâce à la musique de son portable, on a couru sur la plage et on s´est baignés sous la pluie, juste parfait!
j´impressionne la galerie en chantant en français, portugais, espagnol, anglais, arabe et hébreu, je boucle une chanson, invite quelqu´un à danser (toujours piocher dans un gros groupe, ils sont trop contents et dégaînent leur appareils photos, et après ils viennent remplir la boîte), je fais les acrobaties, en une demie-heure j´ai tout torché, et je me fais du 100 reais (45 euros) minimum à tous les coups. Hier, 2 petites heures en tout, bilan 310 reais, ça fait plus de 100 euros (130). Ce matin, une demie-heure à peine, 119 reais, malheureusement il s´est mis à pleuvoir, je vais devoir passer entre les gouttes s´il pleut encore ce soir. Je joue à l´heure du dej, à l´heure de l´apéro et du dîner, à côté des restos, et non contente de voir les gens venir jusqu´à ma panthère pour y glisser leur générosité, je fais ensuite le tour des tables pour faire cracher ceux qui ont eu la flegme de se lever. Les restaurateurs sont tous très contents et me laissent faire... trop facile, trop simple, trop chouette!
Entre temps je traîne sur la plage, ou dans la pousada de Felipe,
ou avec Jade, mon colloc, qui dort sur le lit superposé au mien, et qui est serveur du resto qui garde mes affaires. Il est complètement gay, je dirais même que c´est une grande folle, il chante tout le temps, et il est trop sympa, trop marrant! Ce matin on est allés tous deux à la plage en passant par la forêt, on s´est fait un peeling au sable noir plein de fer très bon pour la peau, on a dansé la salsa et le forro grâce à la musique de son portable, on a couru sur la plage et on s´est baignés sous la pluie, juste parfait!
dimanche 27 décembre 2009
Des équipiers
J´ignore totalement quelle est la norme en matière d´équipiers. Quel est le comportement idéal á adopter, la dose d´investissement nécessaire à la satisfaction de votre skippeur, à la marche de votre bateau? Pour ma part je pensais avoir trouvé ma place. Mes atouts: je n´ai pas peur de l´éponge et du balais brosse, de la casserole et des couverts de service. Je suis mobile, me déplace facilement dans des espaces restreints, tout en laissant quelques coins de portes et tranches de placards venir me coincer le doigts ou bosser la tête, mais ça, on va dire que ce sont les aléas du métier. J´ai bon caractère quand tout va bien, et je ne manque pas d´enthousiasme. Donc en gros, je suis bonne à faire la counchite et la causette, et franchement c´est déjà pas mal! Anne la bateau-stoppeuse dit même que c´est énorme, et qu´elle est bien soulagée, elle qui est tout le temps à la manoeuvre, de ne jamais avoir à se soucier des questions d´intendance et de maintenance. Je tiens bien mes quarts, et bichonne mon équipage, je les laisse dormir un peu plus longtemps, et leur prépare des petits casse-croûte, comme aux choux, deux petits sandwichs jambon de parme-philadelphia, 5 petits gateaux sucrés, et un carré de chocolat de ma réserve personnelle. Plus du chocolat chaud avec du vrai chocolat de ma réserve personnelle (l´importance de la réserve personnelle sur un bateau, l´importance!!!) pour Nyels, et un thernos de thé chaud pour François. J´ai tout arrêté au lendemain de la grosse dispute, révolte sourde de mon sommeil contrarié. Mes défauts: si je me sens coincée, rien ne va plus. Souvent je me sens coincée quand je ne peux pas faire ce que je veux. Quand je ne peux pas faire ce que je veux je pête un câble! Mais quoiqu´il en soit, moi et mon équipage, c´est á la vie à la mort, je suis une nounou en exercice, qui prépare, lave et chouchoutte, je suis la fille au pair de Pilou.
les autres équipiers sont tous différents. Il y a les fous de la voile, qui sont partout sur le bateau, et trouvent toujours une manille à graisser, un bout à rallonger ou une lessive à lancer. Il y a ceux qui s´en foutent royalement et sont là en touristes, pour voir du pays. Il y a ceux qui comme moi, s´intéressent, s´investissent, mais ne se donnent pas à fond. Le bateau j´aime ça, mais c´est avant tout un moyen de transport, qui me permet doucement d´accéder à mes rêves. Pour être efficace et engagée, un tant soit peu, dans sa bonnne marche, il faut que le bateau me fasse rêver, qu´il se fasse sentir, et je ne peux pas sentir quelque chose qui m´épuise, et m´arrache à ma liberté de rêver, à ma liberté de ne rien faire et de tout penser.
Dans la marina, l´infatigable paresseuse que je suis s´amuse à regarder les sur-équipiers s´activer à la coque, au pont, à l´étrave et au mât. Je suis confortablement calée, à l´ombre, sur un coffre de cockpit, ma guitare à la main, un petit jus frais pas trop loin, une cigarette dans un coin, et j´admire la capacité de ces marins à savoir et pouvoir réellement faire passer le bateau avant eux. Ils ont la mer dans le sang. Moi je l´ai dans le coeur, mais pas dans la tête, dans ma tête il y a de la musique, des copains et du soleil, de la terre, des gens, et du temps, beaucoup de temps, pour savourer le bonheur, sans le laisser filer trop vite.
les autres équipiers sont tous différents. Il y a les fous de la voile, qui sont partout sur le bateau, et trouvent toujours une manille à graisser, un bout à rallonger ou une lessive à lancer. Il y a ceux qui s´en foutent royalement et sont là en touristes, pour voir du pays. Il y a ceux qui comme moi, s´intéressent, s´investissent, mais ne se donnent pas à fond. Le bateau j´aime ça, mais c´est avant tout un moyen de transport, qui me permet doucement d´accéder à mes rêves. Pour être efficace et engagée, un tant soit peu, dans sa bonnne marche, il faut que le bateau me fasse rêver, qu´il se fasse sentir, et je ne peux pas sentir quelque chose qui m´épuise, et m´arrache à ma liberté de rêver, à ma liberté de ne rien faire et de tout penser.
Dans la marina, l´infatigable paresseuse que je suis s´amuse à regarder les sur-équipiers s´activer à la coque, au pont, à l´étrave et au mât. Je suis confortablement calée, à l´ombre, sur un coffre de cockpit, ma guitare à la main, un petit jus frais pas trop loin, une cigarette dans un coin, et j´admire la capacité de ces marins à savoir et pouvoir réellement faire passer le bateau avant eux. Ils ont la mer dans le sang. Moi je l´ai dans le coeur, mais pas dans la tête, dans ma tête il y a de la musique, des copains et du soleil, de la terre, des gens, et du temps, beaucoup de temps, pour savourer le bonheur, sans le laisser filer trop vite.
Le journal de de bord de la grande traversée, Pot au Noir
Le 06 décembre 09
Aujourd´hui c´est la Saint-Nicolas, et c´est une sale journée. On est dans le pot au noir, et c´est pas beau à voir; ça crache, ça refuse, ça adonne, ça affale, ça largue, ça souffle et ça pétole. Le ciel est sombre, il y a des gros amas de nuages bien bas, et bien lourds au dessus de nos têtes, il fait une chaleur de bête dans la cabine, et dehors c´est tout mouillé. Va savoir pourquoi, on a choisi ce jour-là précisément pour s´activer sur Pilou comme les abeilles dans la ruche. On s´est peut-être dit, tant qu´à en chier, autant en chier jusqu´au bout. On se lève, je balaie, lessive et nettoie toute la cabine, sur toutes ses surfaces, Nyels se fait le cockpit, les garçons envoient le spi, l´affalent, je vide et nettoie le frigo, François prépare le dej. Mais! Avant qu´on puisse planter nos fourchettes affamées dans la tendre chair du filet de viande rouge qui trône dans nos assiettes, Ti-Ouane, un Ovni de 45 pieds, nous appelle à la VHF. Ils ont pêché un énorme thon rouge d´1m45 et 54 kilos (10 kg de plus que moi, sacré morceau quand même...), ils vont le répartir entre nous et Dame Oui, parce qu´íls ne peuvent pas garder une aussi grosse bête à bord, et parce qu´on est à peu-près tous les trois dans la même zone. Joie! Allégresse! Du poisson frais! En sashimis, en pavés, en crumble, à tous les repas, à toutes les sauces! Mais ce transfert de thon, c´est tout un bordel, parce qu´on va pas se le lancer comme un frizby... Et pour se refiler des trucs de bateau à bateau, c´est pas simple. Ti´OUane va procéder de la manière suivante: il vont ficeler le poisson façon gigot avec un bout, il accrochera ce bout à un pare-bat´qu´il laissera trainer au bout d´un autre bout assez long, à l´arrière de son bateau. Aprés expliaction de la manoeuvre, Ti´Ouane rapplique vers nous, c´est trop la fête, salut! Coucou! Youhouuuuuuuuuu!!! T´as vu le morecau??!! ´Mais c´est énorme, c´est énorme!!!. Il se place devant nous, lâche la bête, un monstre, un pachiderme! Pendant que François manoeuvre à la barre, Nyels va chopper le thon avec la gaffe, il le remonte, le décroche, renvoie son par-bat´à Ti Ouane, qui récupère tout et repart comme il est venu, Jésus marchant sur l´eau après la multiplication des omégas 3. On se retrouve avec un demi-thon qui prend quasi tout le cockpit, on le lave, on le sèche, on le maquille, on lui colle un noeud pap´ et on se tire le portrait avec. On a jamais vu de bête aussi grosse, et encore, elle n´est même pas entière.... François le découpe en immenses pavés qu´on met dans des tuperwears géants. Estimation, verdict, on a du thon pour jusqu´à la fin de la traversée, incroyable. Histoire de rendre à la merveille les hommages qui lui sont dûs, François suggère de dégivrer le gigot afin de faire à nos 15 prochain repas une place de choix. Je re-vide la frigo entièrement, le dégivre, le pompe, le sèche et le re-remplis, et le thon prend ses quartiers, bien au fond, tout au frais. La cabine est sans dessus-dessous, je la re-nettoie, et la range, pendant que les hommes sont au bricolage sous la pluie, sur le pont, pour réparer une latte de têtière de Grand voile qui s´est cassée. Je vais faire une courte sieste, à 18h je me réveille, prépare le dîner, on déguste en remerciant Ti´OUane à la VHF, je fais la vaisselle et c´est déjà l´heure de mon quart. Quart pot au noir, quart tout mouillé. Journée crevante. Pas le temps de perdre du temps, tous les uns sur les autres, pas de décrochage, pas d´évasion, j´ai trouvé cela très désagréable. Je me couche absolument nase, physiquement et moralement, sommeil sans rêves, lourd. Le pot au noir, c´est pas simple.
07 décembre 09
Joyeux anniversaire Sophie!
Journée chargée sur Pilou. Chargée d´éléctricité; de l´eau dans le gaz, des éclats de voix. Ce matin je me réveille vers 8h comme d´hab, mais je suis plus crevée que jamais, et sur le point de me jeter par dessus bord quand je me rends compte que je suis encore et toujours sur Pilou, que Pilou est encore et toujours dans le pot au noir. Je ne peux plus voir un bateau en aquarelle, je ne peux plus voir la mer, je ne peux plus, je n´en peux plus, et ça fait deux minutes que j´ai ouvert les yeux... La journée de la veille a éte assez éprouvante. Les grains nous ont obligé à nous cloisonner dans la cabine, tous les trois les uns sur les autres, toute la journée, journée que j´ai passée à me contorsionner dans tous les sens, à me cogner dans tous les coins, pour nettoyer les sols, les placards, vider, re-vider re-re-vider le frigo qui est tellement profond que je pourrais m´y tenir toute entière à genoux. Il faisait lourd, moite, c´était hardcore. Ce matin je n´ai pas envie de voir un poil hargneux de spontex, ni le profil menaçant d´une cuiller en bois, je ne veux pas faire un seul geste, ni émettre un seul son. J´ai besoin, pour mon équilibre et ma santé mentale, de me terrer et d´oublier Pilhouë. La sempiternelle répétition d´un quotidien toujours égal me bouffe, ce matin j´ai besoin de briser la routine, alors je reste dans ma cabine, sans dormir. J´en ai marre de faire tout le temps la vaisselle, de sortir et rentrer les choses des placards, des équipets, du frigo, des fonds, je passe mon temps à ça, quand je fais quelque chose, je ne fais que ça. Je me plie à ces devoirs avec d´habitude entrain et bonne volonté, car ce sont les tâches que je sais le mieux accomplir, c´est là qu´est ma place, c´est lá que je suis le plus utile et efficace. Mais ça fait 7 jours que je répète les mêmes gestes, je suis devenue un robot-ménager, et là, après la journée "pot au noir", le robot a besoin de recharger ses batteries. Juste un peu, juste un p´tit coup, pour repartir de plus belle, comme en quarante. Donc je reste à rêvasser dans ma couchette. C´est trop chouette! Je suis allongée bien confortablement, bien douillettement, je ne pense à rien, je lis des magazines idiots, et je me dis que je peux, que j´ai le droit, parce que la veille j´ai bien donné, parce qu´on on a tous bien donné. Le chef reconnaîtra sûrement qu´on est pas des machines de guerre. Je suis seule dans mon petit monde, je décroche, je recharge. Une fois les batteries à bloc vers 11h30, je remonte à la surface, dans les meilleures dispositions pour attaquer la journée, déjà bien entamée. Mais François n´a pas vu d´un bon oeil que je prenne délibérément la décision d´hiberner. Il a raison au fond, parce qu´on a tous bien sué, et j´aurais dû demander leur avis à mes équipiers avant de m´accorder mon repos. "T´es censée être de quart, ça fait 12h que t´es dans ta cabine, mois ça fait depuis 4h du mat´que je suis debout", ou plutot, assis au bureau devant l´ordi du bord. Ça fait une drôle d´impression quand-même, ces skippeurs qui passent plus de temps à la table à carte que sur le pont. Certes ils font marcher le bateau, mais quand même, ça n´en donne pas l´impression, et c´est assez désagréable de s´activer et se faire des bleus partout pendant que votre capitaine confortablement assis sur son popotin vous injoncte à sortir ceci, emballer cela... et vous taxe de fainéantise, bien campé sur son derrière, quand par malheur vous vous laissez aller trois heures de paresse. François râle, sermonne, et j´éclate:" J´avais juste envie d´oublier le bateau 5 minutes, hier on a bossé comme des malades, on est pas des machines! Tu vois bien que je m´active pour le bateau, j´t´ai prouvé que j´étais pas une branleuse, j´ai le droit de me poser putain!!" Dieu du ciel! je perds les pédales, et suis plus vulgaire que jamais, une vraie poissonnière de Rungis! François se transforme en Oncle Charles, excéde par mes explications vociférantes, il me hurle dessus:" Ta gueule!!! TA GUEUUUUUULE!!!!!!" Je ne me gueule pas, je continue; et patati, et patata, il me reproche d´être trop souvent fatiguée, et je le renvoie à tous les quarts du chien que je me tape depuis le début, il me taxe de ne penser qu´à ma gueule, et je lui rappelle toutes les fois ou j´ai rallongé mes veilles pour raccourcir les siennes, et préparé des petits en cas de nuit gourmands pour mon seigneur et maître. On ne trouve pas de terrain d´entente, chacun reste sur ses positions, François dans la cabine, moi sur le pont. Nyels pendant ce temps là est parti se réfugier à l´ètrave. Pas folle, l´oie sauvage ne veut pas s´immiscer. Faut - il que je sois lessivée pour autant débloquer. D´un naturel colérique, c´est quand je garde mon sang-froid que je dépense le plus d´énergie. Me laisser aller au cris, ça me détend presque autant que de regadrer la Starac´et je ne suis jamais aussi relax que quand je regarde la Starac´. Je dois être bien nase, je décompresse à tout va, j´attaque des vigiles de trois fois mon poids, dis des mots à des skippeurs de trois fois mon âge, plus rien ne m´arrête, je suis un rouleau décompresseur! Je mets un pied dans ce que je tiens à ce moment là comme étant l´anti-chambre de l´enfer; la cabine, où se trouvent tous les objets de mes pires cauchemards, mes instruments de torture, spontex, vaisselier, frigo. Je crois mourir d´appoplexie, je dois me tenir aux murs, quand j´entends François me dire, toujoiurs assis à son bureau: "Bon! Va falloir nettoyer la cabine maintenant!". AAAAAAAHHHHHHHH!!!! Je vais le planter! Là! Maintenant! Avec le couteau de cuisine, je le plante, je le débite et on aura du gigot et du filet frippon pour toute la traversée. "Ah non! je nettoie pas la putain de cabine, je vais pas le faire tous les jours, nen mais faut pas rêver!" Je continue dans ma litanie de jurons et de refus catégoriques. Rien, il n´obtiendra absolument rien de moi aujourd´hui. J´étais sortie de mes petites vacances matinales dans les meilleures dispositions, et ben maintenant, j´en foutrai pas une, et pis c´est tout! Je suis d´une humeur de rotweiler mal dressé. Je suis toute chamboullée. On est dans l´pot au noir, on est pas prêt d´en sortir, 7 jours qu´on est partis, encore 8 à tirer, j´en peux plus, je pète un câble!!! Je vais me calmer à l`étrave. Quand je reviens dans la cabine, François est gai comme un pinson, et d´une affabilité sans pareille. Mais quelle mouche l´a piqué? Je suis en admiration devant sa capacité à s´adoucir aussi vite, et oublier la tempête. Pour ma part, le vent souffle toujours aussi fort, et il n´ est pas prêt de tomber. Autrement dit je fais la gueule, et je fais le minimum. Je coupe des crudités pour une salade histoire de, me mets en mode mono-syllabe, je ne peux pas passer des larmes aux rires, aujourd´hui ce talent me fait défaut. J´ai gardé mon mutisme jusqu´aprés l´heure du déjeuner. Je me réfugie á l´étrave, me pose sur le balcon, un peu en déséquilibre, tout à l´avant du bateau, complètement au dessus de l´eau. Pilou tape sur les vagues, les monte et les descend, ce qui me procure moults sensations de montagnes russe, et m´arrache des petits cris de joies. Je décroche, je recharge. Quand je reviens, je suis toute apaisée. François me propose de prendre une douche, trop sympa, j´accepte, souris enfin, et nous retrouvons, équipière et skipper, toute l´harmonie qui fait notre bonheur.
Aujourd´hui c´est la Saint-Nicolas, et c´est une sale journée. On est dans le pot au noir, et c´est pas beau à voir; ça crache, ça refuse, ça adonne, ça affale, ça largue, ça souffle et ça pétole. Le ciel est sombre, il y a des gros amas de nuages bien bas, et bien lourds au dessus de nos têtes, il fait une chaleur de bête dans la cabine, et dehors c´est tout mouillé. Va savoir pourquoi, on a choisi ce jour-là précisément pour s´activer sur Pilou comme les abeilles dans la ruche. On s´est peut-être dit, tant qu´à en chier, autant en chier jusqu´au bout. On se lève, je balaie, lessive et nettoie toute la cabine, sur toutes ses surfaces, Nyels se fait le cockpit, les garçons envoient le spi, l´affalent, je vide et nettoie le frigo, François prépare le dej. Mais! Avant qu´on puisse planter nos fourchettes affamées dans la tendre chair du filet de viande rouge qui trône dans nos assiettes, Ti-Ouane, un Ovni de 45 pieds, nous appelle à la VHF. Ils ont pêché un énorme thon rouge d´1m45 et 54 kilos (10 kg de plus que moi, sacré morceau quand même...), ils vont le répartir entre nous et Dame Oui, parce qu´íls ne peuvent pas garder une aussi grosse bête à bord, et parce qu´on est à peu-près tous les trois dans la même zone. Joie! Allégresse! Du poisson frais! En sashimis, en pavés, en crumble, à tous les repas, à toutes les sauces! Mais ce transfert de thon, c´est tout un bordel, parce qu´on va pas se le lancer comme un frizby... Et pour se refiler des trucs de bateau à bateau, c´est pas simple. Ti´OUane va procéder de la manière suivante: il vont ficeler le poisson façon gigot avec un bout, il accrochera ce bout à un pare-bat´qu´il laissera trainer au bout d´un autre bout assez long, à l´arrière de son bateau. Aprés expliaction de la manoeuvre, Ti´Ouane rapplique vers nous, c´est trop la fête, salut! Coucou! Youhouuuuuuuuuu!!! T´as vu le morecau??!! ´Mais c´est énorme, c´est énorme!!!. Il se place devant nous, lâche la bête, un monstre, un pachiderme! Pendant que François manoeuvre à la barre, Nyels va chopper le thon avec la gaffe, il le remonte, le décroche, renvoie son par-bat´à Ti Ouane, qui récupère tout et repart comme il est venu, Jésus marchant sur l´eau après la multiplication des omégas 3. On se retrouve avec un demi-thon qui prend quasi tout le cockpit, on le lave, on le sèche, on le maquille, on lui colle un noeud pap´ et on se tire le portrait avec. On a jamais vu de bête aussi grosse, et encore, elle n´est même pas entière.... François le découpe en immenses pavés qu´on met dans des tuperwears géants. Estimation, verdict, on a du thon pour jusqu´à la fin de la traversée, incroyable. Histoire de rendre à la merveille les hommages qui lui sont dûs, François suggère de dégivrer le gigot afin de faire à nos 15 prochain repas une place de choix. Je re-vide la frigo entièrement, le dégivre, le pompe, le sèche et le re-remplis, et le thon prend ses quartiers, bien au fond, tout au frais. La cabine est sans dessus-dessous, je la re-nettoie, et la range, pendant que les hommes sont au bricolage sous la pluie, sur le pont, pour réparer une latte de têtière de Grand voile qui s´est cassée. Je vais faire une courte sieste, à 18h je me réveille, prépare le dîner, on déguste en remerciant Ti´OUane à la VHF, je fais la vaisselle et c´est déjà l´heure de mon quart. Quart pot au noir, quart tout mouillé. Journée crevante. Pas le temps de perdre du temps, tous les uns sur les autres, pas de décrochage, pas d´évasion, j´ai trouvé cela très désagréable. Je me couche absolument nase, physiquement et moralement, sommeil sans rêves, lourd. Le pot au noir, c´est pas simple.
07 décembre 09
Joyeux anniversaire Sophie!
Journée chargée sur Pilou. Chargée d´éléctricité; de l´eau dans le gaz, des éclats de voix. Ce matin je me réveille vers 8h comme d´hab, mais je suis plus crevée que jamais, et sur le point de me jeter par dessus bord quand je me rends compte que je suis encore et toujours sur Pilou, que Pilou est encore et toujours dans le pot au noir. Je ne peux plus voir un bateau en aquarelle, je ne peux plus voir la mer, je ne peux plus, je n´en peux plus, et ça fait deux minutes que j´ai ouvert les yeux... La journée de la veille a éte assez éprouvante. Les grains nous ont obligé à nous cloisonner dans la cabine, tous les trois les uns sur les autres, toute la journée, journée que j´ai passée à me contorsionner dans tous les sens, à me cogner dans tous les coins, pour nettoyer les sols, les placards, vider, re-vider re-re-vider le frigo qui est tellement profond que je pourrais m´y tenir toute entière à genoux. Il faisait lourd, moite, c´était hardcore. Ce matin je n´ai pas envie de voir un poil hargneux de spontex, ni le profil menaçant d´une cuiller en bois, je ne veux pas faire un seul geste, ni émettre un seul son. J´ai besoin, pour mon équilibre et ma santé mentale, de me terrer et d´oublier Pilhouë. La sempiternelle répétition d´un quotidien toujours égal me bouffe, ce matin j´ai besoin de briser la routine, alors je reste dans ma cabine, sans dormir. J´en ai marre de faire tout le temps la vaisselle, de sortir et rentrer les choses des placards, des équipets, du frigo, des fonds, je passe mon temps à ça, quand je fais quelque chose, je ne fais que ça. Je me plie à ces devoirs avec d´habitude entrain et bonne volonté, car ce sont les tâches que je sais le mieux accomplir, c´est là qu´est ma place, c´est lá que je suis le plus utile et efficace. Mais ça fait 7 jours que je répète les mêmes gestes, je suis devenue un robot-ménager, et là, après la journée "pot au noir", le robot a besoin de recharger ses batteries. Juste un peu, juste un p´tit coup, pour repartir de plus belle, comme en quarante. Donc je reste à rêvasser dans ma couchette. C´est trop chouette! Je suis allongée bien confortablement, bien douillettement, je ne pense à rien, je lis des magazines idiots, et je me dis que je peux, que j´ai le droit, parce que la veille j´ai bien donné, parce qu´on on a tous bien donné. Le chef reconnaîtra sûrement qu´on est pas des machines de guerre. Je suis seule dans mon petit monde, je décroche, je recharge. Une fois les batteries à bloc vers 11h30, je remonte à la surface, dans les meilleures dispositions pour attaquer la journée, déjà bien entamée. Mais François n´a pas vu d´un bon oeil que je prenne délibérément la décision d´hiberner. Il a raison au fond, parce qu´on a tous bien sué, et j´aurais dû demander leur avis à mes équipiers avant de m´accorder mon repos. "T´es censée être de quart, ça fait 12h que t´es dans ta cabine, mois ça fait depuis 4h du mat´que je suis debout", ou plutot, assis au bureau devant l´ordi du bord. Ça fait une drôle d´impression quand-même, ces skippeurs qui passent plus de temps à la table à carte que sur le pont. Certes ils font marcher le bateau, mais quand même, ça n´en donne pas l´impression, et c´est assez désagréable de s´activer et se faire des bleus partout pendant que votre capitaine confortablement assis sur son popotin vous injoncte à sortir ceci, emballer cela... et vous taxe de fainéantise, bien campé sur son derrière, quand par malheur vous vous laissez aller trois heures de paresse. François râle, sermonne, et j´éclate:" J´avais juste envie d´oublier le bateau 5 minutes, hier on a bossé comme des malades, on est pas des machines! Tu vois bien que je m´active pour le bateau, j´t´ai prouvé que j´étais pas une branleuse, j´ai le droit de me poser putain!!" Dieu du ciel! je perds les pédales, et suis plus vulgaire que jamais, une vraie poissonnière de Rungis! François se transforme en Oncle Charles, excéde par mes explications vociférantes, il me hurle dessus:" Ta gueule!!! TA GUEUUUUUULE!!!!!!" Je ne me gueule pas, je continue; et patati, et patata, il me reproche d´être trop souvent fatiguée, et je le renvoie à tous les quarts du chien que je me tape depuis le début, il me taxe de ne penser qu´à ma gueule, et je lui rappelle toutes les fois ou j´ai rallongé mes veilles pour raccourcir les siennes, et préparé des petits en cas de nuit gourmands pour mon seigneur et maître. On ne trouve pas de terrain d´entente, chacun reste sur ses positions, François dans la cabine, moi sur le pont. Nyels pendant ce temps là est parti se réfugier à l´ètrave. Pas folle, l´oie sauvage ne veut pas s´immiscer. Faut - il que je sois lessivée pour autant débloquer. D´un naturel colérique, c´est quand je garde mon sang-froid que je dépense le plus d´énergie. Me laisser aller au cris, ça me détend presque autant que de regadrer la Starac´et je ne suis jamais aussi relax que quand je regarde la Starac´. Je dois être bien nase, je décompresse à tout va, j´attaque des vigiles de trois fois mon poids, dis des mots à des skippeurs de trois fois mon âge, plus rien ne m´arrête, je suis un rouleau décompresseur! Je mets un pied dans ce que je tiens à ce moment là comme étant l´anti-chambre de l´enfer; la cabine, où se trouvent tous les objets de mes pires cauchemards, mes instruments de torture, spontex, vaisselier, frigo. Je crois mourir d´appoplexie, je dois me tenir aux murs, quand j´entends François me dire, toujoiurs assis à son bureau: "Bon! Va falloir nettoyer la cabine maintenant!". AAAAAAAHHHHHHHH!!!! Je vais le planter! Là! Maintenant! Avec le couteau de cuisine, je le plante, je le débite et on aura du gigot et du filet frippon pour toute la traversée. "Ah non! je nettoie pas la putain de cabine, je vais pas le faire tous les jours, nen mais faut pas rêver!" Je continue dans ma litanie de jurons et de refus catégoriques. Rien, il n´obtiendra absolument rien de moi aujourd´hui. J´étais sortie de mes petites vacances matinales dans les meilleures dispositions, et ben maintenant, j´en foutrai pas une, et pis c´est tout! Je suis d´une humeur de rotweiler mal dressé. Je suis toute chamboullée. On est dans l´pot au noir, on est pas prêt d´en sortir, 7 jours qu´on est partis, encore 8 à tirer, j´en peux plus, je pète un câble!!! Je vais me calmer à l`étrave. Quand je reviens dans la cabine, François est gai comme un pinson, et d´une affabilité sans pareille. Mais quelle mouche l´a piqué? Je suis en admiration devant sa capacité à s´adoucir aussi vite, et oublier la tempête. Pour ma part, le vent souffle toujours aussi fort, et il n´ est pas prêt de tomber. Autrement dit je fais la gueule, et je fais le minimum. Je coupe des crudités pour une salade histoire de, me mets en mode mono-syllabe, je ne peux pas passer des larmes aux rires, aujourd´hui ce talent me fait défaut. J´ai gardé mon mutisme jusqu´aprés l´heure du déjeuner. Je me réfugie á l´étrave, me pose sur le balcon, un peu en déséquilibre, tout à l´avant du bateau, complètement au dessus de l´eau. Pilou tape sur les vagues, les monte et les descend, ce qui me procure moults sensations de montagnes russe, et m´arrache des petits cris de joies. Je décroche, je recharge. Quand je reviens, je suis toute apaisée. François me propose de prendre une douche, trop sympa, j´accepte, souris enfin, et nous retrouvons, équipière et skipper, toute l´harmonie qui fait notre bonheur.
Holidays
Journée de nav très cool sur Solo. Pas de vent ou très peu, on se promène au moteur, et à la voile, entre 2 et 5,5 noeuds. Je sieste, Eric, sieste, je re-sieste, on déjeune, on discute, c´ est très tranquille, très pépère. Vers 18h on voit l´île, j´ai décidé d´y débarquer, trop besoin de la terre, trop besoin d´être complètement seule. Magiques heures passées dans le bus, seule parmis les autres, personne que je connaisse, personne qui me connaisse, observer tout le monde, se sentir toute petite, et ne jamais parler. La bouche fermée, les yeux grand ouverts, 30h de bus certes, mais 30h de calme, et de liberté. Encore, s´il vous plaît. J´adore Solo, Eric est trop cool, mais je veux à noueveau me sentir minus, perdue, muette. On mouille à l´ancre, devant le paradisiaque petit village, coloré, nature, gai. Dès notre arrivée nous sommes salués par un argentin, un brésilien et un américain qui se balladent en canoë dans le mouillage et tombent en pamoison devant Solo qui en impose, du long de ses 20 mètres. On se baigne, on se douche, on débarque en annexe. On part à la recherche d´un hostel pas cher pour moi. L´île regorge de pousadas, de touristes en maillot de bain, de rastas, de chiens sauvages, de restos, de boutiques de plage, d´agences de promènes-toutous. Il y a de la vie, il y a de l´argent, tout ce qu´il faut pour être bien. Eric et moi nous perdons. Je vais l´attendre sur la plage, à l´annexe. Je suis seule, personne ne vient troubler ma quietude, je fais mumuse avec le mode ciel étoilé de mon appareil photo, et me repaît de la beauté nocturne de l´endroit. Quelques brèves rencontres, le brésilien de l´après-midi qui dit être natif de l´île, un aborigène quoi, et un jeune guide carioca qui me fait une demo de capoeira, Enfin, je tombe sur Eric qui me cherchait partout, et nous rentrons sagement sur Solo en annexe. Le lendemain, à peine levée, Eric me hèle un taxi-boat, j´y charge tout mon bordel, puis le débarque au débarquadère, le re-charge sur une charrette porte-bagage, me rend dans l´HI, complet depuis la veille. J´avais pas réservé, idiote, me voilà sans toit, avec tout mon bardas sur les bras. Je vais voir Felipe. La veille, le 25 décembre, je cherchais un cyber d´ouvert, il n´y en avait évidemment pas, alors je suis allée dans un hostel, au hasard, demander au réceptionniste de me prêter sa machine, et récupérer le numéro d´Eric, pour pouvoir l´appeler et le retrouver. Felipe m´a très gentiment laissé son fauteuil, la connexion était tellement lente qu´on a largement eu le temps de sympatiser, et puis il m´a accompagnée à un téléphone public pour que je puisse tenter de retrouver Eric. Ensuite il est reparti travailler. Ce matin donc, je vais revoir Felipe et lui confie mon désarrois, tous les hotels sont complets, ou trop chers, c´est la cata. Il appelle Kátia avec son portable, qui vient à la rescousse, me dit qu´elle connaît une posada pas chère, oú il reste une seule place, mais mais mais, c´est en haut de la colline, mais mais mais, ça fait les fesses. N´en dis pas plus, tu m´as convaincue! On monte en haut de la colline, on transpire, la pousada est cachée dans un jardin tropical au fond duquel coule une petite cascade, dans deux píscines d´eau naturelles. Petite maison colorée en rose, salle à manger en plein air sous un charmant prèau de bois où des chats et des châtons se prélassent paresseusement. Chambre avec deux lits superposés, propre, claire, fraîche, salle de bain privative, neuve et immaculée, tout pour plaire, c´est où qu´on signe? Par contre, j´ai juste un léger souci, je suis chanteuse, je joue dans la rue, dans les centres villes, et je me vois mal monter et descendre mon bardas tous les jours, bien que la perspective d´un fessier à la mode brésilienne me fasse baver d´énergie... Pas de problème dit Teresa, j´ai un resto en bas dans le centre ou tu peux entreposer tes affaires. Yes! On recapitule; c´est 35 reais par jour (15 euros, c´est cher mais à part le camping, c´est ce qu´on trouve de plus économique, et je compte faire une caisse journalière du double de ce montant au moins), petit- dej de roi inclus ( buffet avec orange pressée, fromage, jambon, oeufs brouillés, gateau maison, pain, beurre, céreales, café, thé, fruits frais, ce matin c´était melon et papaye...tout ça a volonté, inutile de vous dire que je me suis fait un petit doggy-bag pour la journée, repas gratos!), le ménage tous les jours, le jardin avec la cascade (baignade dans l´eau fraîche dès le sortir du lit ce matin... le rêve!), et repas gratis du réveillon organisé pour tous les résidents de l´hostel (que des brésiliens) dans le resto de la patronne au centre ville, plus gardiennage gratuit de ma meute de machines. Du tout bon, du bonheur! Merci les cadeaux de Noël, vive les vacances! Ça ne durera qu´un temps, dans 48h je reprends le turbin, mais ça va faire du bien!
Noël
Nous avons appareillé Le 25 décembre, à 7h Du mat´, pensez si j´ étais ravie de me lever encore et toujours aux aurores, le jour de Noel en plus.... Nous allons dans un endroit ou l´eau est pure, Eric doit y plonger pour nettoyer la coque du bateau. On va au moteur, il y a deux noeuds de vent, je ne verrai pas les 10-12 noeuds que promet Solo. Eric est mon premier skipper jeune. Il dit qu´il en a 35 (notez la nuance... je ne veux vexer personne.). Il n´a pas de cheveux blancs, pas de poils au nez, ni aux oreilles, il n´a pas l´air caractériel, ni pervers, Eric a l´air d´être tout ce qu´il y a de plus normal. Il parle beaucoup de lui, mais je crois que c´est un trait de personnalité commun à beaucoup de capitaines de bateaux. Un bateau, c´est une histoire, un avant, un après, des galères, des grands bonheurs, les voyages, les rencontres, la mer, les océans, la terre, les hommes, un bateau c´est absolument tout ça. Les marins disent qu´ils sont de grands solitaires, mais ils cherchent beaucoup la reconnaissance, l´admiration, le tribut que leur vaut le dur choix qu´ils ont fait de tout donner à l´eau. Parce qu´en bateau, il n´y a pas de demi-mesure, c´est tout ou rien. Du moment ou vous possédez la moindre coquille de noix, vous vous engagez à la faire marcher, à l´entretenir, à la bichonner. Si vous la laissez à l´abandon, c´est très simple, elle coule. Un bateau c´est comme un enfant, ça demande autant d´investissement physique, intellectuel, et financier. Et comme c´est dangereux, ça demande des couilles, surtout pour le skippeur, qui connait tout les risques et les dangers de la bête, et doit en préserver son bord. On sait que le skippeur a conscience de la lourdeur de sa tâche, de la responsabilité qui lui incombe, c´est une charge à laquelle il se sacrifie volontier car la récompense que lui permettent ses efforts n´a pas de prix. Et elle se raconte, inlassablement, des centaines de fois, toute la vie durant. Leurs sempiternelles histoires nous font les yeux ronds, nous y jettent de la poudre, on écarquille, on ouvre grand la bouche, sauf qu´au bout d´un moment, on a tellement bavé qu´on a plus de salive, en en a tellement entendu qu´on a plus de tympans. Malgré tout, ça vaut toujours le coup de prêter une oreille attentive aux contes des skippers. Avec le temps vous avez appris à discerner le vrai du faux, un regard franc et sincère accompagne le récit d´une vie qui vous donne la chair de poule, et vous reconnaissez que les skippeurs, et leurs histoires, c´est un tout auquel vous ne devez pas échapper. Eric donc, se raconte au bout de deux minutes, comme la plupart des marins (souvent à l´abordage de la retraite) que j´ai rencontré jusqu´ici. J´écoute, mais c´est marrant, je n´ai pas le 'Oh lala' aussi fréquent que d´habitude, je me blase un peu, ça fait tout drôle. Il faut dire que j´étais tellement impressionnable et désepérante de naïveté! Le constat de mon imperceptible froideur me rassure un peu, ça va dans le bon sens, je serais presque sceptique par moment, on croit rêver!
Eric donc, malgré le fait qu´il en fasse des tonnes, est un personnage très sympathique, simple et direct. Son bateau est comme lui, sportif, sobre, et il en jette. Ou voudrait en jeter, parce qu´a 2,5 noeuds, on est pas au summum de l´extase, mais on sent que Solo n´attend que le vent pour filer comme une fusée. Je suis assez amusée aujourd´hui par le débrief que je me fais de ma journée de la veille, la journée du réveillon de Noël. Je l´ai passée dans un bus, j´ai mangé 4 pommes, fumé 5 clopes, bu un demi-litre de café au lait et un litre d´eau, dormi, lu, écouté de la musique en regardant le paysage, pensé au saussay,je suis arrivée à Rio, je me suis stressée pour un taxi, j´en ai trouvé un, j´ai traversé la ville sur le siège passager en devisant gaiement avec le chauffeur qui était de fort bonne humeur, halluciné sur la grandeur et la chaleur de Rio, sa beauté et son dynamisme, puis j´ai embarqué sur un énorme bateau avec un mec que je ne connais pas, que je n´ai jamais vu (il avait engagé un skippeur pour la transat 6,50, je ne l´avais meme pas rencontré à Madère, c´est pour ça que je ne me souvenais pas bien de lui....), on a mangé des patates et une salade, et on est allés se coucher, à 23h, on a même pas attendu que le petit Jésus soit né! Mais! Chose incroyable et complètement magique, de la magie de Noël, nous étions au mouillage a Urca, quartier trés chic, au Iate Club de Rio, dans une marina qui nous offrait une vue imprenable sur le Pain de sucre et le Corcovado, éclairé! J´ai vu le grand Jésus debout tout illuminé, et quelques feux d´artifices qui venaient lui chatouiller les pieds. Rio était ce soir là, la plus grande crêche du monde. Assez sensationnel pour le coup, et surréaliste. Se retrouver lá, après 30h de bus, le soir du réveillon, avec un inconnu, devant le Christ Rédempteur, imposant ses mains sur une ville géante, un monstre fascinant, avec lequel j´ai accroché dès que j´en ai fait le premier tour en taxi. Rio je vais y retourner et y vivre un peu, ça a juste l´air génial, surtout la nuit, la nuit c´est trop beau (elle est folle). Passage éclair, mais très impactant.
Eric donc, malgré le fait qu´il en fasse des tonnes, est un personnage très sympathique, simple et direct. Son bateau est comme lui, sportif, sobre, et il en jette. Ou voudrait en jeter, parce qu´a 2,5 noeuds, on est pas au summum de l´extase, mais on sent que Solo n´attend que le vent pour filer comme une fusée. Je suis assez amusée aujourd´hui par le débrief que je me fais de ma journée de la veille, la journée du réveillon de Noël. Je l´ai passée dans un bus, j´ai mangé 4 pommes, fumé 5 clopes, bu un demi-litre de café au lait et un litre d´eau, dormi, lu, écouté de la musique en regardant le paysage, pensé au saussay,je suis arrivée à Rio, je me suis stressée pour un taxi, j´en ai trouvé un, j´ai traversé la ville sur le siège passager en devisant gaiement avec le chauffeur qui était de fort bonne humeur, halluciné sur la grandeur et la chaleur de Rio, sa beauté et son dynamisme, puis j´ai embarqué sur un énorme bateau avec un mec que je ne connais pas, que je n´ai jamais vu (il avait engagé un skippeur pour la transat 6,50, je ne l´avais meme pas rencontré à Madère, c´est pour ça que je ne me souvenais pas bien de lui....), on a mangé des patates et une salade, et on est allés se coucher, à 23h, on a même pas attendu que le petit Jésus soit né! Mais! Chose incroyable et complètement magique, de la magie de Noël, nous étions au mouillage a Urca, quartier trés chic, au Iate Club de Rio, dans une marina qui nous offrait une vue imprenable sur le Pain de sucre et le Corcovado, éclairé! J´ai vu le grand Jésus debout tout illuminé, et quelques feux d´artifices qui venaient lui chatouiller les pieds. Rio était ce soir là, la plus grande crêche du monde. Assez sensationnel pour le coup, et surréaliste. Se retrouver lá, après 30h de bus, le soir du réveillon, avec un inconnu, devant le Christ Rédempteur, imposant ses mains sur une ville géante, un monstre fascinant, avec lequel j´ai accroché dès que j´en ai fait le premier tour en taxi. Rio je vais y retourner et y vivre un peu, ça a juste l´air génial, surtout la nuit, la nuit c´est trop beau (elle est folle). Passage éclair, mais très impactant.
samedi 26 décembre 2009
Enfin seule!
Enfin seule, enfin! Autant de terre que je le veux, autant de grasses matinées que je l´éxige, mes décisions, mes droits, mes devoirs, ma liberté! Quatre mois, presque quatre mois que je me tape du bateau, des skippers, le rallye, la mer, la bouffe, le ménage, la vaisselle, les courses, les obligations, les chiottes immondes, les douches communes, les vieilles à poil, les tea-bags qui pendent... Et me voilà ici, dans ce petit coin d´paradis, perdue dans une île, seule, seule avec moi-même, sans dieu, ni maître, ni loi, avec l´ínnébranlable conviction que maintenant tout peut arriver, surtout le meilleur. Je suis lâchée, personne ici qui me connaisse, pas de skippeur, pas de N, pas de rallye, les chats sont partis, la souris va danser!!!! AAAAAAAAAAAhhhhhhhhhhhhhh!!! Bonheur...
Au départ je devais rester jusqu´au 10 janvier sur Solo, naviguer encore et toujours, mais sur un superbe bateau. Seulement, une fois Solo ayant quitté sa bouée, une fois sa grand-voile envoyée, je me rends-compte que Solo reste un bateau, que la mer reste salée, le vent capricieux, et que je reste une équipíère, seule avec un skipper. Ça ne me plaît pas. Solo est beau, majestueux, impressionnant, mais il ne m´impressionne pas, et je veux débarquer. J´en peux plus de la mer! Heureusement pour moi, Eric reçoit un coup de fil comme quoi il y a six brésiliens qui viennent réveillonner sur la bête pendant une semaine. Ah! Moi j´ai dit, fais pas la conchita, je débarque ici, dans ce paradis, pas de problèmes, je me démerde, rén fais pas pour moi, on se re-catche plus tard...youhou!!!! A moi le gros caillou, à moi la terre!!!
Au départ je devais rester jusqu´au 10 janvier sur Solo, naviguer encore et toujours, mais sur un superbe bateau. Seulement, une fois Solo ayant quitté sa bouée, une fois sa grand-voile envoyée, je me rends-compte que Solo reste un bateau, que la mer reste salée, le vent capricieux, et que je reste une équipíère, seule avec un skipper. Ça ne me plaît pas. Solo est beau, majestueux, impressionnant, mais il ne m´impressionne pas, et je veux débarquer. J´en peux plus de la mer! Heureusement pour moi, Eric reçoit un coup de fil comme quoi il y a six brésiliens qui viennent réveillonner sur la bête pendant une semaine. Ah! Moi j´ai dit, fais pas la conchita, je débarque ici, dans ce paradis, pas de problèmes, je me démerde, rén fais pas pour moi, on se re-catche plus tard...youhou!!!! A moi le gros caillou, à moi la terre!!!
mardi 22 décembre 2009
Virement de bord
Cette année le père Noel me gâte, et m'offre une virée gratuite sur "Solo", (un monocoque de 20 metres de long, 6 de large, participant du Vendée Globe en 92), en compagnie de son skippeur, Eric Dumont, le propriétaire de la bête. Solo accompagnait la course mini-transat 6.5 sur laquelle j'essayais d'embarquer à Madère, Eric Dumont s'est souvenu de moi qui harcelait les skippeurs des voiliers accompagnants , et m'a contacté pendant que je traversais le grand bleu. A la base il voulait que j'embarque pour une semaine sur son bateau, il avait besoin de quelqu'un pour servir l'apéro aux chefs d'entreprises, qui paient une petite fortune pour venir naviguer sur son bateau. Mais finalement rien ne s'est fait, et le bonhomme m'a dit que je pouvais venir avec lui quand même. A son premier message, j'avais dit que je ne viendrais pas mais que je voulais monter un projet de reportages voyages. Je lui ai demandé si, dans le cas ou je trouverais un cameraman, il était possible que nous montions a bord a l'occasion. Il m'a alors répondu qu'il filmait et montait des images pour faire des courtes videos sur ses expériences avec son bateau, et qu'il pouvait tres bien me filmer en train de chanter à terre, et faire des petites vidèos...Il a quatre cameras, j'ai vu ses montages, ils sont un peu "bateau" mais au moins il sait cadrer et monter. J'étais emballée, mais quand même chiffonée a l'idee de faire la serveuse, de faire de la mer (j 'en peux plus de la mer!), et j'hésitais au point qe j'ai dit aux parents hier que je restais à Salvador et n'y allait pas. J'ai eu pour la pemiere fois le skippeur au téléphone aujourd'hui, il m'a donc dit que finalement le bateau n'était pas loué (donc pas d'apéro), que je pouvais venir quand même, qu'on ne ferait jamais plus de 24h de nav (pas trop de mer), qu'on allait caboter et mouiller l'ancre dans des iles a côté de Rio, puis remonter sur Salvador pour y arriver le 10 janvier. A chaque escale, tous les jours ou presque, je chante, le skippeur me filme, on monte, on poste. Je ne pouvais franchement pas rêver meilleure configuration pour mon petit projet, j'ai donc viré de bord et fais cap demain su Rio en autocarro, 27h de route, avec toute ma joyeuse bande de toujours, le sac a dos, la gratte, la batterie, l'ampli, etc etc... Solo remonte ensuite sur les Caraibes, et devinez par où il passe? Par Saint-Martin! Et qui y a-t-il à Saint-Martin? Les tchèques, les crazy tchèques, les copains de toujours, les frères, mon sang, ma chair! Fakt dubri curva ty vole!
samedi 19 décembre 2009
Le journal de bord de la grande traversée, suite
Le 03 décembre 09
François est du dernier quart, Nyels et moi grasse-matinons jusqu’à 9h. Petit dej vite fait, suivi d’un grand nettoyage du bateau, cabine pour moi, cockpit pour Nyels. François, lui, très pro, assure la vacation de 9h30. Il nous propose ensuite de prendre une douche, nous acceptons avec joie. On met la musique à fond sur le pont et nous frottons à tour de rôle au son des violons irlandais. Il y a une gaieté sans précédent dans l’air, nous sommes en mode spectaculaire ! Le luxe de la douche, le doux balancis de Pilou, l’entrain qui sort des enceintes de cockpits, nous mettent dans une joie presque transcendantale. Nous sommes aux anges. Mais Nyels et moi on est toujours H.S et on part siester pendant que François met la dernière main au colombo qu’il a mitonné la veille, et dont nous allons nous régaler au déjeuner. Pour nous faire sortir de nos couchettes, il met la musique à tue-tête, et nous accourons faire ripaille du délicieux plat qu’il a préparé. Succulent déjeuner qui s’achève avec une salade de fruits, c’est équilibré, sain, énergétique, tout ce qu’on aime ! Nous sommes à présent tous les trois sur le pont, et les deux hommes sirotent un café digestif pendant que je fais le présent récit de la mélodie du bonheur que nous chantons tous les trois sur Pilou. Ils viennent tous les deux me rejoindre là ou je me suis posée, sur le rouf, pour tenter de me déconcentrer. On est tous les trois, là, ensemble. Ce ne sont pas Nyels et moi, les deux jeunes, et François, le skippeur, le vieux de la vieille. Non. C’est Nyels, Anne et François, les trois matelots, qui traversent ensemble l’atlantique. Je sens notre petite bande solidaire, soudée, on s’aime quoi. Et on ne peut pas en dire autant de tous les autres équipages sur le RIDS. L’instant carte noire passé, try to remember when life when so tender, nous siestons à tour de rôle. A mon réveil à 16h30, Nyels dort, François est debout. Je quitte la position allongée de ma couchette pour m’étendre dans l’exacte même position sur les coffres de cockpit, et offrir mon corps de sirène aux tendres rayons du soleil qui viennent dorer un peu plus le caramel de ma peau cuivrée….oui oui oui ! François passe du cockpit à la cuisine car il prépare une tortilla, et nous conversons gaiement. Il est très détendu, je dirais même, ultra-relax. Il me fait rigoler, je le fais rigoler, c’est le mode complicité, nous sommes deux adultes (ou presque, en ce qui me concerne, bientôt, bientôt !), redevenus un peu enfants, étant donné la légèreté de nos propos, et nous nous amusons bien ensemble. Je ressens une joie et une décontraction sans pareilles. Je suis heureuse de voir mon skippeur à l’aise, jovial et souriant. On connaît les skippeurs, on sait qu’ils ne sont pas faciles, on sait que la cohabitation de deux ou trois personnes qui ne se connaissent ni d’Eve ni d’Adam à la base, peut parfois donner des résultats catastrophiques. Point n’est le cas sur notre bord. Chacun y a sa place, son rôle, chacun y trouve son bonheur. François est notre super-skippeur-chef cuisinier, Nyels son premier équipier surqualifié, et moi la petite fée du voilier. Chacun sa route, chacun son chemin, mais un pour tous et tous pour un. Nyels nous rejoint, constate en regardant les photos que j’ai prises avec son appareil que le chef et moi nous sommes bien amusés, je le lui confirme. Petite chanson à la VHF, apéro, dîner de la succulente tortilla, tout cela dans l’entrain et l’enthousiasme que François pour beaucoup, nous communique.
4 décembre 09
Ce matin Nyels, petit marmiton, grand prince, nous prépare un petit déjeuner de rois. Oranges pressées, café chaud, brioche grillée. Il pense même à mon petit yaourt ! Notre habituelle bonne-humeur anime ce début de journée, ce qui ne m’empêche pas d’aller me recoucher une fois la vaisselle achevée. Je suis absolument crevée, et ne comprends pas pourquoi. Le sommeil, sur une longue traversée comme celle-ci, est quelque chose de très délicat à gérer. Surtout que nous ne faisons jamais les mêmes quarts et ne savons pas vraiment à l’avance lequel nous allons faire, donc si vous avez siesté de 16 à 18, et qu’à 20h vous devez aller vous re-coucher pour dormir quatre heures, vous etes foutus. La journée, tout vous pousse à dormir. Les mouvements suaves et fluides du voilier qui vous bercent, la moite chaleur de l’équateur approchant, l’oisiveté des moments ou vous n’etes pas en train de manœuvrer ou d’œuvrer pour votre bateau. C’est pour cela qu’il faut tous les jours vous trouver une occupation. Pour le skippeur, c’est facile, il a toujours une épissure à coudre, une lumière à régler, une installation à peaufiner. Pour l’équipier un peu tir-au flanc, classe dont je pense très largement faire partie, il est plus difficile de s’arracher volontairement à la douce paresse dans laquelle on se complait allègrement. Ces longues journées qui vous offrent les promesse d’heures interminables passées à roupiller, rêver ou bronzer, vous plongent dans un monde merveilleux ou chaque devoir, chaque obligation, vient gêner votre insatiable envie de n’absolument rien faire. Heureusement, heureusement ! Que vous aimez votre bateau, son équipage, et que, par affection pour eux, vous concédez de temps à autre, et parfois même, de votre propre initiative, à vous remuer le popotin…. ! Bien sur j’exagère, que mes parents se rassurent, je me fais un point d’honneur à être digne de l’éducation qu’ils m’ont donnée, et saute sur toute les assiettes, tous les placards, tous les fonds, mon rayon c’est l’intérieur, mon champs d’action y est illimité, les bacs à munitions, liquide vaisselle et sopalins, sont pleins. J’interdis formellement que quiconque touche à ma spontex, l’arme redoutable par excellence de la femme de ménage fatale que je suis devenue, Super-Conchita, !
L’oisiveté totale est donc proscrite, bannie. Tristesse, dépit, pour l’affreuse paresseuse que je suis. Mais bien heureusement, il y a 24h dans une journée, n’importe comment, on a quand même le temps de perdre du temps. Comme nous le faisons cette après-midi avec Nyels, pendant que le chef fait son somme. Nous sommes sur l’étrave, le mp3 dans les oreilles il fait beau et Pilou, coiffé de son spi, bombe. Nous nous faisons masser les pieds par les flots d’eau que sa coque soulève. On pourrait rester là toute la vie si le pilote, quatrième membre de notre joyeux équipage, ne décrochait pas de temps en temps, faisant partir notre bateau à l’abattée et manquer son cap. Sitôt qu’il sent Pilou abattre, Nyels bondit tel un kangourou affolé et court remettre la bête dans le droit chemin, d’une poigne ferme et experte… Le soleil est encore haut, le chef s’affaire maintenant en cuisine, il sort des aérateurs un doux fumet de risotto au vin blanc destiné à venir régaler nos papilles et réguler notre transit intestinal… Et toujours, le temps s’étire, le temps donne, et nous le prenons, quand un citadin dirait qu’il le perd. C’est trop bon. C’est trop bon de ne rien avoir à faire. Soudain, branle-bas de combat, c’est l’heure de l’apéro ! Tout le monde au front, les uns au frigo, les autres à la planche à découper, il faut en découdre avant l’heure du dîner, le temps fort de la journée. Mais ! Horreur, putréfaction, il va falloir affaler le spi, et, malédiction, je dois aider à la manœuvre. Non non non ! Je suis bien plus utile au fromage et au saucisson ! Je me résigne, je m’exécute et monte sur le pont. Anne ! tu vas aider Nyels à rentrer le spi ! Comment ça aider Nyels ???!!! Depuis quand Nyels a-t-il besoin qu’on l’aide ? On nage en plein délire ! Malgré toute l’incongruité de la situation, j’obéis aux ordres et vais aider Nyels. Le spi couché, (manœuvre géniale, il faut rentrer une voile d’une surface impressionnante à toute vitesse sur le pont sans lui faire toucher l’eau, juste grisant), nous attendons très impatiemment que François termine la vacation pour faire ripaille de son oh combien excellentissime et divinatoire risotto….
Le 05 décembre 09
Je passe un quart de nuit magique, comme le sont toujours ceux que l’on fait de 4h à 8h du mat’. Avant que n’apparaisse le soleil, vers 6h, le jour se lève, le ciel est bleu, clair, puis la grosse boule jaune orangée pointe à l’horizon et vous en met, comme d’habitude, plein les yeux. Il fait beau aujourd’hui et cela parait presque normal. Depuis que nous avons quitté Madère, tous les jours, le temps est au sourire… Je laisse les garçons dormir un maximum, chut plus de bruit, c’est la ronde de nuit…. Ou du petit matin plutôt. Ils se lèvent tous les deux à 8h30, je suis un peu déçue car je voulais qu’ils dorment plus. Nous petit déjeunons et je pars aussitôt me recoucher pour ne me réveiller qu’à midi. On se croirait un dimanche matin dans l’ouest parisien… ! François nous prépare un déjeuner impérial, encore une fois, et aujourd’hui c’est la Sicile qui est à l’honneur : haransina (risotto roulé en boules, panées, et frites à l’huile d’olive), émincés de poulet panés, et une salade sicilienne merveilleusement assaisonnée (poivrons tomates oignons, et oranges…). On prend des milliards de photos pour donner l’éternité qui lui sied à ce repas de chef. Avez-vous remarqué comme François cuisine ? Il adore ça. C’est une manière pour lui de démontrer à la fois son amour aux gens qui l’entourent et le talent dont il fait preuve pour le maniement du couteau et de la cuiller en bois. C’est un grand chef cuistot, il pourrait ouvrir un resto sans problème, aucun doutes là-dessus. Il n’aime rien tant que les rassemblements autour d’une table, ou l’on sirote de fins breuvages et déguste de délicats mets, que le plus souvent il offre ou prépare. On découvre son amour du partage, de la communication avec l’autre. Quand je lui dis que j’adore regarder seule un beau paysage, il me répond qu’il n’y a rien de tel que de faire la même chose en bonne compagnie. Il adore converser, raconter, donner. C’est un être généreux, qui n’a pas peur de transpirer des litres, au près, juste pour le plaisir d’offrir à son équipage méritant, un repas de qualité hautement supérieure. Il faut savoir que bien manger en hauturier c’est un luxe, surtout pendant une longue traversée de 15 jours comme celle que nous entreprenons. On ne peut pas se ravitailler en produits frais et beaucoup se tapent des conserves de lentilles et des pâtes saucées tout du long. Les plus paresseux et délicats ont acheté tout un stock de plats cuisinés sous vide, qu’ils font réchauffer à chaque repas, sacrilège, hérétiques ! Nous on bouffe comme des rois, du frais, cuisiné par François. Donc à ce repas là, encore une fois, on se lèche les babines, on se bouffe les doigts… yaourts, gâteaux, on se fait exploser le bide, on ne se refuse rien ! Parce qu’on le vaut bien…. ! Vaisselle, puis chacun vaque à ses petites occupations, je lave une équipée, François fait sa correspondance, Nyels entreprend une lessive de torchons. Puis les deux équipiers de Pilou, qui aujourd’hui, oh bonheur, est couronné de son spi, se retrouvent à leur qg, sur l’étrave, pendant le chef, lui, est tout à sa sieste. A l’étrave, on décroche. On ne pense plus à rien, ou alors, on pense à l’essentiel. On contemple, plus que jamais, le ciel, la mer, le soleil, les monceaux de flotte que remue Pilou en traçant à 7 nœuds. On s’allonge, et on voit le spi voler au dessus de nos têtes, onduler gracieusement, parfois faire un caprice, puis sagement revenir au raisonnable, grand, gonflé, puissant. A l’étrave, si on s’assoit sur le balcon, dos à l’horizon, on voit Pilou mieux que jamais, sous son plus beau profil. On admire son bois noble, ses courbes parfaites, l’harmonie de sa coque, du pont et de sa capote, la qualité de ses toiles, l’ordre de ses écoutes. A l’étrave, on est un quidam qui voyage sur l’eau. On est loin, je suis loin, et je reviens chez moi. Je pense à la France, à mon retour, à mes parents. J’ai hâte d’arriver au Brésil, mais si j’avais une baguette magique, je reviendrais bien, comme ça, un passage éclair, en un clin d’œil. Juste le temps d’embrasser, de serrer fort, de rigoler, et hop ! Je repartirais. Alors à l’étrave, je vous visualise, je vous imagine : elle doit être à la fac, il est à la table de son bureau, il écoute sagement la maîtresse, elle déjeune avec une copine, il persuade un client, elle regarde un court-métrage, il donne un cours de maths, elle charge des photos sur facebook, il cherche une bonne zik sur Internet, elle prépare à manger pour les choux. C’est fou, mais quand je suis parmi eux, en France, souvent je me terre et ne veux ni n’ai besoin d’avoir de nouvelles de personne, et maintenant que je suis loin, par moments j’adorerais pouvoir les accompagner dans le moindre de leurs faits et gestes. Loin des yeux, près du cœur….
Nyels et moi décrochons tous les deux à l’étrave, le soleil est de plomb, une petite brise douce vient nous rafraîchir, allongés, assis, n’importe comment, à l’étrave, on est toujours au top.
Soudain, branle-bas de combat, le chef se lève et lance le quart d’heure hygiène, tout le monde à la doudouche ! Tout le monde sur le pont, on attrape son maillot, son savon, et on se succède, les uns à la suite des autres, on se fait tous beaux. Le chef se rase, je me recoiffe, Nyels change de calcif, c’est le bal de la rose sur Pilou ! Tout le monde sent bon, tout le monde est content, on se sèche aux rayons du soleil, c’est encore et toujours le bonheur. Je retourne à l’étrave jusqu’à l’heure du dîner, l’étrave c’est un peu mon canapé, mon salon télé, ma chambre à coucher. La richesse des précédents repas me fait craindre la tellement redoutée prise de poids. Je suggère le menu du soir : légumes vapeurs, je vous en supplie !!!! On accède à ma requête. J’épluche, coupe et mets dans la cocotte pommes de terres, patates douces et carottes. En attendant que ça vaporise, je retourne à l’étrave. François remonte du bureau et s’assied dans le cockpit. Je le vois, il me sourit et lève le pouce, je lui souris et lève le pouce. Je reviens vers lui pour lui poser une question à propos de la meilleure démarche à suivre à en cas de tsunami, il me répond qu’un tsunami en pleine mer c’est impossible, un bref instant, je reprends place sur mon trône intersidérant de la connerie… Il me demande :
- Es-tu heureuse ?
- Oui François, je suis au comble du bonheur ! (c’est en partie du aux légumes vapeur, de la futilité d’être une femme….)
- Ça se voit, tu es rayonnante…
- C’est grâce à toi François, c’est grâce au Pilou !
- C’est sûrement aussi ce que tu portes en toi…
Ouououshhh je blushe….
C’est vrai que jamais, au grand jamais, je n’ai été aussi heureuse que depuis que j’ai quitté la France, le 5 septembre 2009, la veille de mes 25 ans. En voyant ce quart de siècle approcher, je me disais : « J’vais avoir 25 ans, va falloir que je fasse quelque chose, que je commence très sérieusement à me bouger. » Jusqu’ici je n’ai rien fait de vraiment important. J’ai certes, pu avoir une quelconque utilité dans certains domaines secondaires qui m’ont valu de frugales rémunérations. J’avais alors la douce illusion que même si mon rôle était sommaire, quel que soit celui que je joue, serveuse, vendeuse ou nounou, ni indispensable, ni irremplaçable, il avait son degré d’utilité, faible oui, mais bien réelle. Malgré cela une autre partie de moi-meme se disait, en même temps que mon entourage me le rabachait, mais tu ne vas pas faire serveuse ou nounou toute ta vie quand même ?! Cela ne m’a pas empêché d’éprouver une certaine passion, toujours éphémère, pour ces « sots » métiers. Dans un bar Erasmus de la contrescarpe j’ai vécu des bonheurs immenses. Une serveuse, moi, un barman iranien beau comme le jour, jeune comme l’aube, un patron libanais tout aussi qualifié pour remporter tous les suffrages, un bar rock, pas cher, des jeunes, des universitaires, des étrangers, tous les soirs, de 20h à 3h du mat’, plus les prolongations, au son de la guitare, aux sucre des cocktails, jouées rideaux fermées en petit comité, avec les meilleurs potes de chacun, petit cercles de privilégiés, qui font très souvent courtoisie de leur visite. J’étais payée à rigoler, boire, écouter de la bonne musique, à être gaie et charmante, avoir des nouveaux amis tous les jours, à voir mes copains, leur servir des coups, j’étais payée à être heureuse, et diable ! Je l’étais sacrément… ! Mais ça n’a pas duré. Trop fatiguant, et toujours, au bout d’un moment, une fierté mal placée me fait haïr des patrons qu’hier j’adulais. Je peux obéir, mais à petite dose, et souvent je fais preuve au début d’un tel zèle et d’un tel enthousiasme, que mes patrons ensuite, s’habituent, puis exigent de moi de plus en plus, m’exaspérant, me révoltant par là même, m’empêchant selon moi d’être libre et de n’en faire qu’à ma tête. Je finis toujours par fatiguer. Je ne supporte pas les patrons, ils m’usent. Ils sont exigeants, parfois méprisant, ils se croient tellement importants, remplissant la vacuité de leurs journées de tout un tas d’autorité, de soi-disant morale, d’airs prétentieux , de la petite importance qu’ils sont persuadés d’avoir. Ils bombent le torse, se raclent la gorge et vous crache dessus, ne voient que leur raison, n’écoutent que leur bon droit, ils aiment le pouvoir, ils en abusent. Les patrons ne sont pas heureux, sinon ils seraient plus sympas. Et encore je n’ai pas du subir les pires patrons que la terre puisse porter. La plupart du temps, j’ai aimé mes patrons, puis j’ai été déçue, et lasse de travailler pour eux. Après des expériences dans le milieu de la restauration, monde sauvage de bêtes féroces, de personnalités complètement farfelues faisant hautement démonstration d’un mélange d’extrême sympathie et de suprême autorité envers leur personnel, après les insupportables aberrations du restaurant le Flora en Argentine, ou j’ai transpiré, rit et halluciné total, je me suis dit, les patrons, plus ja-mais !!! Me voilà à présent, dans la rue (le plus grand théatre de toutes les libertés, y compris des plus immorales), toute seule, personne au-dessus de moi, personne en dessous, et je peux me faire plus de sousous que je n’en ai jamais fait auparavant, en tant qu’employée. C’est pas le bonheur ça ? Et je vais, à la voile de surcroît, dans un pays dont je rêve depuis près d’un an maintenant. Je vivrai au soleil, avec des gens sympas à qui je chanterai des chansons toute la journée, c’est pas pépère ça ? Personne qui m’ fait chier, personne à faire chier, je serai peinarde, tranquille ! S’ajoute à tout cela une traversée idyllique, vécue avec des gens formidables, deux hommes, deux personnalités, deux amis avec qui j’aime parler, rire et naviguer. Tu m’étonnes que je nage dans le bonheur François, jusqu’ici, tout baigne ! François est heureux de constater ma félicité, nous sommes tous heureux, la vie est belle !
Nous passons à table. Je vois ma joie décupler à la vue de tous ces bons légumes plein de vitamines, qui ne transpirent pas d’une seule goutte de graisse ; le bien manger c’est trop bon… ! François est de premier quart, j’ai celui du chien, que je passe à faire de la lecture, des mots fléchés, et à écrire ces pages.
François est du dernier quart, Nyels et moi grasse-matinons jusqu’à 9h. Petit dej vite fait, suivi d’un grand nettoyage du bateau, cabine pour moi, cockpit pour Nyels. François, lui, très pro, assure la vacation de 9h30. Il nous propose ensuite de prendre une douche, nous acceptons avec joie. On met la musique à fond sur le pont et nous frottons à tour de rôle au son des violons irlandais. Il y a une gaieté sans précédent dans l’air, nous sommes en mode spectaculaire ! Le luxe de la douche, le doux balancis de Pilou, l’entrain qui sort des enceintes de cockpits, nous mettent dans une joie presque transcendantale. Nous sommes aux anges. Mais Nyels et moi on est toujours H.S et on part siester pendant que François met la dernière main au colombo qu’il a mitonné la veille, et dont nous allons nous régaler au déjeuner. Pour nous faire sortir de nos couchettes, il met la musique à tue-tête, et nous accourons faire ripaille du délicieux plat qu’il a préparé. Succulent déjeuner qui s’achève avec une salade de fruits, c’est équilibré, sain, énergétique, tout ce qu’on aime ! Nous sommes à présent tous les trois sur le pont, et les deux hommes sirotent un café digestif pendant que je fais le présent récit de la mélodie du bonheur que nous chantons tous les trois sur Pilou. Ils viennent tous les deux me rejoindre là ou je me suis posée, sur le rouf, pour tenter de me déconcentrer. On est tous les trois, là, ensemble. Ce ne sont pas Nyels et moi, les deux jeunes, et François, le skippeur, le vieux de la vieille. Non. C’est Nyels, Anne et François, les trois matelots, qui traversent ensemble l’atlantique. Je sens notre petite bande solidaire, soudée, on s’aime quoi. Et on ne peut pas en dire autant de tous les autres équipages sur le RIDS. L’instant carte noire passé, try to remember when life when so tender, nous siestons à tour de rôle. A mon réveil à 16h30, Nyels dort, François est debout. Je quitte la position allongée de ma couchette pour m’étendre dans l’exacte même position sur les coffres de cockpit, et offrir mon corps de sirène aux tendres rayons du soleil qui viennent dorer un peu plus le caramel de ma peau cuivrée….oui oui oui ! François passe du cockpit à la cuisine car il prépare une tortilla, et nous conversons gaiement. Il est très détendu, je dirais même, ultra-relax. Il me fait rigoler, je le fais rigoler, c’est le mode complicité, nous sommes deux adultes (ou presque, en ce qui me concerne, bientôt, bientôt !), redevenus un peu enfants, étant donné la légèreté de nos propos, et nous nous amusons bien ensemble. Je ressens une joie et une décontraction sans pareilles. Je suis heureuse de voir mon skippeur à l’aise, jovial et souriant. On connaît les skippeurs, on sait qu’ils ne sont pas faciles, on sait que la cohabitation de deux ou trois personnes qui ne se connaissent ni d’Eve ni d’Adam à la base, peut parfois donner des résultats catastrophiques. Point n’est le cas sur notre bord. Chacun y a sa place, son rôle, chacun y trouve son bonheur. François est notre super-skippeur-chef cuisinier, Nyels son premier équipier surqualifié, et moi la petite fée du voilier. Chacun sa route, chacun son chemin, mais un pour tous et tous pour un. Nyels nous rejoint, constate en regardant les photos que j’ai prises avec son appareil que le chef et moi nous sommes bien amusés, je le lui confirme. Petite chanson à la VHF, apéro, dîner de la succulente tortilla, tout cela dans l’entrain et l’enthousiasme que François pour beaucoup, nous communique.
4 décembre 09
Ce matin Nyels, petit marmiton, grand prince, nous prépare un petit déjeuner de rois. Oranges pressées, café chaud, brioche grillée. Il pense même à mon petit yaourt ! Notre habituelle bonne-humeur anime ce début de journée, ce qui ne m’empêche pas d’aller me recoucher une fois la vaisselle achevée. Je suis absolument crevée, et ne comprends pas pourquoi. Le sommeil, sur une longue traversée comme celle-ci, est quelque chose de très délicat à gérer. Surtout que nous ne faisons jamais les mêmes quarts et ne savons pas vraiment à l’avance lequel nous allons faire, donc si vous avez siesté de 16 à 18, et qu’à 20h vous devez aller vous re-coucher pour dormir quatre heures, vous etes foutus. La journée, tout vous pousse à dormir. Les mouvements suaves et fluides du voilier qui vous bercent, la moite chaleur de l’équateur approchant, l’oisiveté des moments ou vous n’etes pas en train de manœuvrer ou d’œuvrer pour votre bateau. C’est pour cela qu’il faut tous les jours vous trouver une occupation. Pour le skippeur, c’est facile, il a toujours une épissure à coudre, une lumière à régler, une installation à peaufiner. Pour l’équipier un peu tir-au flanc, classe dont je pense très largement faire partie, il est plus difficile de s’arracher volontairement à la douce paresse dans laquelle on se complait allègrement. Ces longues journées qui vous offrent les promesse d’heures interminables passées à roupiller, rêver ou bronzer, vous plongent dans un monde merveilleux ou chaque devoir, chaque obligation, vient gêner votre insatiable envie de n’absolument rien faire. Heureusement, heureusement ! Que vous aimez votre bateau, son équipage, et que, par affection pour eux, vous concédez de temps à autre, et parfois même, de votre propre initiative, à vous remuer le popotin…. ! Bien sur j’exagère, que mes parents se rassurent, je me fais un point d’honneur à être digne de l’éducation qu’ils m’ont donnée, et saute sur toute les assiettes, tous les placards, tous les fonds, mon rayon c’est l’intérieur, mon champs d’action y est illimité, les bacs à munitions, liquide vaisselle et sopalins, sont pleins. J’interdis formellement que quiconque touche à ma spontex, l’arme redoutable par excellence de la femme de ménage fatale que je suis devenue, Super-Conchita, !
L’oisiveté totale est donc proscrite, bannie. Tristesse, dépit, pour l’affreuse paresseuse que je suis. Mais bien heureusement, il y a 24h dans une journée, n’importe comment, on a quand même le temps de perdre du temps. Comme nous le faisons cette après-midi avec Nyels, pendant que le chef fait son somme. Nous sommes sur l’étrave, le mp3 dans les oreilles il fait beau et Pilou, coiffé de son spi, bombe. Nous nous faisons masser les pieds par les flots d’eau que sa coque soulève. On pourrait rester là toute la vie si le pilote, quatrième membre de notre joyeux équipage, ne décrochait pas de temps en temps, faisant partir notre bateau à l’abattée et manquer son cap. Sitôt qu’il sent Pilou abattre, Nyels bondit tel un kangourou affolé et court remettre la bête dans le droit chemin, d’une poigne ferme et experte… Le soleil est encore haut, le chef s’affaire maintenant en cuisine, il sort des aérateurs un doux fumet de risotto au vin blanc destiné à venir régaler nos papilles et réguler notre transit intestinal… Et toujours, le temps s’étire, le temps donne, et nous le prenons, quand un citadin dirait qu’il le perd. C’est trop bon. C’est trop bon de ne rien avoir à faire. Soudain, branle-bas de combat, c’est l’heure de l’apéro ! Tout le monde au front, les uns au frigo, les autres à la planche à découper, il faut en découdre avant l’heure du dîner, le temps fort de la journée. Mais ! Horreur, putréfaction, il va falloir affaler le spi, et, malédiction, je dois aider à la manœuvre. Non non non ! Je suis bien plus utile au fromage et au saucisson ! Je me résigne, je m’exécute et monte sur le pont. Anne ! tu vas aider Nyels à rentrer le spi ! Comment ça aider Nyels ???!!! Depuis quand Nyels a-t-il besoin qu’on l’aide ? On nage en plein délire ! Malgré toute l’incongruité de la situation, j’obéis aux ordres et vais aider Nyels. Le spi couché, (manœuvre géniale, il faut rentrer une voile d’une surface impressionnante à toute vitesse sur le pont sans lui faire toucher l’eau, juste grisant), nous attendons très impatiemment que François termine la vacation pour faire ripaille de son oh combien excellentissime et divinatoire risotto….
Le 05 décembre 09
Je passe un quart de nuit magique, comme le sont toujours ceux que l’on fait de 4h à 8h du mat’. Avant que n’apparaisse le soleil, vers 6h, le jour se lève, le ciel est bleu, clair, puis la grosse boule jaune orangée pointe à l’horizon et vous en met, comme d’habitude, plein les yeux. Il fait beau aujourd’hui et cela parait presque normal. Depuis que nous avons quitté Madère, tous les jours, le temps est au sourire… Je laisse les garçons dormir un maximum, chut plus de bruit, c’est la ronde de nuit…. Ou du petit matin plutôt. Ils se lèvent tous les deux à 8h30, je suis un peu déçue car je voulais qu’ils dorment plus. Nous petit déjeunons et je pars aussitôt me recoucher pour ne me réveiller qu’à midi. On se croirait un dimanche matin dans l’ouest parisien… ! François nous prépare un déjeuner impérial, encore une fois, et aujourd’hui c’est la Sicile qui est à l’honneur : haransina (risotto roulé en boules, panées, et frites à l’huile d’olive), émincés de poulet panés, et une salade sicilienne merveilleusement assaisonnée (poivrons tomates oignons, et oranges…). On prend des milliards de photos pour donner l’éternité qui lui sied à ce repas de chef. Avez-vous remarqué comme François cuisine ? Il adore ça. C’est une manière pour lui de démontrer à la fois son amour aux gens qui l’entourent et le talent dont il fait preuve pour le maniement du couteau et de la cuiller en bois. C’est un grand chef cuistot, il pourrait ouvrir un resto sans problème, aucun doutes là-dessus. Il n’aime rien tant que les rassemblements autour d’une table, ou l’on sirote de fins breuvages et déguste de délicats mets, que le plus souvent il offre ou prépare. On découvre son amour du partage, de la communication avec l’autre. Quand je lui dis que j’adore regarder seule un beau paysage, il me répond qu’il n’y a rien de tel que de faire la même chose en bonne compagnie. Il adore converser, raconter, donner. C’est un être généreux, qui n’a pas peur de transpirer des litres, au près, juste pour le plaisir d’offrir à son équipage méritant, un repas de qualité hautement supérieure. Il faut savoir que bien manger en hauturier c’est un luxe, surtout pendant une longue traversée de 15 jours comme celle que nous entreprenons. On ne peut pas se ravitailler en produits frais et beaucoup se tapent des conserves de lentilles et des pâtes saucées tout du long. Les plus paresseux et délicats ont acheté tout un stock de plats cuisinés sous vide, qu’ils font réchauffer à chaque repas, sacrilège, hérétiques ! Nous on bouffe comme des rois, du frais, cuisiné par François. Donc à ce repas là, encore une fois, on se lèche les babines, on se bouffe les doigts… yaourts, gâteaux, on se fait exploser le bide, on ne se refuse rien ! Parce qu’on le vaut bien…. ! Vaisselle, puis chacun vaque à ses petites occupations, je lave une équipée, François fait sa correspondance, Nyels entreprend une lessive de torchons. Puis les deux équipiers de Pilou, qui aujourd’hui, oh bonheur, est couronné de son spi, se retrouvent à leur qg, sur l’étrave, pendant le chef, lui, est tout à sa sieste. A l’étrave, on décroche. On ne pense plus à rien, ou alors, on pense à l’essentiel. On contemple, plus que jamais, le ciel, la mer, le soleil, les monceaux de flotte que remue Pilou en traçant à 7 nœuds. On s’allonge, et on voit le spi voler au dessus de nos têtes, onduler gracieusement, parfois faire un caprice, puis sagement revenir au raisonnable, grand, gonflé, puissant. A l’étrave, si on s’assoit sur le balcon, dos à l’horizon, on voit Pilou mieux que jamais, sous son plus beau profil. On admire son bois noble, ses courbes parfaites, l’harmonie de sa coque, du pont et de sa capote, la qualité de ses toiles, l’ordre de ses écoutes. A l’étrave, on est un quidam qui voyage sur l’eau. On est loin, je suis loin, et je reviens chez moi. Je pense à la France, à mon retour, à mes parents. J’ai hâte d’arriver au Brésil, mais si j’avais une baguette magique, je reviendrais bien, comme ça, un passage éclair, en un clin d’œil. Juste le temps d’embrasser, de serrer fort, de rigoler, et hop ! Je repartirais. Alors à l’étrave, je vous visualise, je vous imagine : elle doit être à la fac, il est à la table de son bureau, il écoute sagement la maîtresse, elle déjeune avec une copine, il persuade un client, elle regarde un court-métrage, il donne un cours de maths, elle charge des photos sur facebook, il cherche une bonne zik sur Internet, elle prépare à manger pour les choux. C’est fou, mais quand je suis parmi eux, en France, souvent je me terre et ne veux ni n’ai besoin d’avoir de nouvelles de personne, et maintenant que je suis loin, par moments j’adorerais pouvoir les accompagner dans le moindre de leurs faits et gestes. Loin des yeux, près du cœur….
Nyels et moi décrochons tous les deux à l’étrave, le soleil est de plomb, une petite brise douce vient nous rafraîchir, allongés, assis, n’importe comment, à l’étrave, on est toujours au top.
Soudain, branle-bas de combat, le chef se lève et lance le quart d’heure hygiène, tout le monde à la doudouche ! Tout le monde sur le pont, on attrape son maillot, son savon, et on se succède, les uns à la suite des autres, on se fait tous beaux. Le chef se rase, je me recoiffe, Nyels change de calcif, c’est le bal de la rose sur Pilou ! Tout le monde sent bon, tout le monde est content, on se sèche aux rayons du soleil, c’est encore et toujours le bonheur. Je retourne à l’étrave jusqu’à l’heure du dîner, l’étrave c’est un peu mon canapé, mon salon télé, ma chambre à coucher. La richesse des précédents repas me fait craindre la tellement redoutée prise de poids. Je suggère le menu du soir : légumes vapeurs, je vous en supplie !!!! On accède à ma requête. J’épluche, coupe et mets dans la cocotte pommes de terres, patates douces et carottes. En attendant que ça vaporise, je retourne à l’étrave. François remonte du bureau et s’assied dans le cockpit. Je le vois, il me sourit et lève le pouce, je lui souris et lève le pouce. Je reviens vers lui pour lui poser une question à propos de la meilleure démarche à suivre à en cas de tsunami, il me répond qu’un tsunami en pleine mer c’est impossible, un bref instant, je reprends place sur mon trône intersidérant de la connerie… Il me demande :
- Es-tu heureuse ?
- Oui François, je suis au comble du bonheur ! (c’est en partie du aux légumes vapeur, de la futilité d’être une femme….)
- Ça se voit, tu es rayonnante…
- C’est grâce à toi François, c’est grâce au Pilou !
- C’est sûrement aussi ce que tu portes en toi…
Ouououshhh je blushe….
C’est vrai que jamais, au grand jamais, je n’ai été aussi heureuse que depuis que j’ai quitté la France, le 5 septembre 2009, la veille de mes 25 ans. En voyant ce quart de siècle approcher, je me disais : « J’vais avoir 25 ans, va falloir que je fasse quelque chose, que je commence très sérieusement à me bouger. » Jusqu’ici je n’ai rien fait de vraiment important. J’ai certes, pu avoir une quelconque utilité dans certains domaines secondaires qui m’ont valu de frugales rémunérations. J’avais alors la douce illusion que même si mon rôle était sommaire, quel que soit celui que je joue, serveuse, vendeuse ou nounou, ni indispensable, ni irremplaçable, il avait son degré d’utilité, faible oui, mais bien réelle. Malgré cela une autre partie de moi-meme se disait, en même temps que mon entourage me le rabachait, mais tu ne vas pas faire serveuse ou nounou toute ta vie quand même ?! Cela ne m’a pas empêché d’éprouver une certaine passion, toujours éphémère, pour ces « sots » métiers. Dans un bar Erasmus de la contrescarpe j’ai vécu des bonheurs immenses. Une serveuse, moi, un barman iranien beau comme le jour, jeune comme l’aube, un patron libanais tout aussi qualifié pour remporter tous les suffrages, un bar rock, pas cher, des jeunes, des universitaires, des étrangers, tous les soirs, de 20h à 3h du mat’, plus les prolongations, au son de la guitare, aux sucre des cocktails, jouées rideaux fermées en petit comité, avec les meilleurs potes de chacun, petit cercles de privilégiés, qui font très souvent courtoisie de leur visite. J’étais payée à rigoler, boire, écouter de la bonne musique, à être gaie et charmante, avoir des nouveaux amis tous les jours, à voir mes copains, leur servir des coups, j’étais payée à être heureuse, et diable ! Je l’étais sacrément… ! Mais ça n’a pas duré. Trop fatiguant, et toujours, au bout d’un moment, une fierté mal placée me fait haïr des patrons qu’hier j’adulais. Je peux obéir, mais à petite dose, et souvent je fais preuve au début d’un tel zèle et d’un tel enthousiasme, que mes patrons ensuite, s’habituent, puis exigent de moi de plus en plus, m’exaspérant, me révoltant par là même, m’empêchant selon moi d’être libre et de n’en faire qu’à ma tête. Je finis toujours par fatiguer. Je ne supporte pas les patrons, ils m’usent. Ils sont exigeants, parfois méprisant, ils se croient tellement importants, remplissant la vacuité de leurs journées de tout un tas d’autorité, de soi-disant morale, d’airs prétentieux , de la petite importance qu’ils sont persuadés d’avoir. Ils bombent le torse, se raclent la gorge et vous crache dessus, ne voient que leur raison, n’écoutent que leur bon droit, ils aiment le pouvoir, ils en abusent. Les patrons ne sont pas heureux, sinon ils seraient plus sympas. Et encore je n’ai pas du subir les pires patrons que la terre puisse porter. La plupart du temps, j’ai aimé mes patrons, puis j’ai été déçue, et lasse de travailler pour eux. Après des expériences dans le milieu de la restauration, monde sauvage de bêtes féroces, de personnalités complètement farfelues faisant hautement démonstration d’un mélange d’extrême sympathie et de suprême autorité envers leur personnel, après les insupportables aberrations du restaurant le Flora en Argentine, ou j’ai transpiré, rit et halluciné total, je me suis dit, les patrons, plus ja-mais !!! Me voilà à présent, dans la rue (le plus grand théatre de toutes les libertés, y compris des plus immorales), toute seule, personne au-dessus de moi, personne en dessous, et je peux me faire plus de sousous que je n’en ai jamais fait auparavant, en tant qu’employée. C’est pas le bonheur ça ? Et je vais, à la voile de surcroît, dans un pays dont je rêve depuis près d’un an maintenant. Je vivrai au soleil, avec des gens sympas à qui je chanterai des chansons toute la journée, c’est pas pépère ça ? Personne qui m’ fait chier, personne à faire chier, je serai peinarde, tranquille ! S’ajoute à tout cela une traversée idyllique, vécue avec des gens formidables, deux hommes, deux personnalités, deux amis avec qui j’aime parler, rire et naviguer. Tu m’étonnes que je nage dans le bonheur François, jusqu’ici, tout baigne ! François est heureux de constater ma félicité, nous sommes tous heureux, la vie est belle !
Nous passons à table. Je vois ma joie décupler à la vue de tous ces bons légumes plein de vitamines, qui ne transpirent pas d’une seule goutte de graisse ; le bien manger c’est trop bon… ! François est de premier quart, j’ai celui du chien, que je passe à faire de la lecture, des mots fléchés, et à écrire ces pages.
vendredi 18 décembre 2009
Nyels, ou l´oie sauvage
Nyels est mon équipier, mon pote, mon frère. Dès notre première rencontre, j´ai su d´instinct qu´on s´entendrait à merveille.
Il est breton. On le saura. Comme beaucoup de bretons, il est plus breton que français. Il a même apporté un drapeau de sa belle région, qu´íl a accroché dans le bar le plus sympa de Mindelo, O Clube Nautico. Nyels est assez parfait, comme ami, comme équipier. Tout d´abord, il est beau. Superbe même, grand, fin, élancé, une bouille d´ange, des immenses yeux rêveurs. Il ne laisse pas les filles indiférentes et nombreuses sont celles qui lui font des oeillades langoureuses dans la rue... Mais mais mais, Nyels s´en fout, car Nyels est amoureux, très très amoureux. Par discrétion pour sa douce, je l´apellerai M. M est sacrément jolie, et sacrément chanceuse. Elle a trouvé une perle rare, fidèle en plus, c´est pas tous les jours... M manque énormément à Nyels, et c´est un peu le bonheur sur Pilou quand il a de ses nouvelles par téléphone ou qu´il lui parle par facebook, l´oie sauvage bat gaiement des ailes, et une bonne humeur irresistible plane au dessus de nos têtes. C´est Noel quoi! Mais, Nyels a une maitresse. Exigeante, parfois douce, d´autres, impitoyable. Elle est d´une beauté sans pareille, sans limites, elle est grande, envoûtante, mystérieuse. Cette maîtresse, M la connait, elle l´aime aussi, cette maîtresse, c´est la mer. Harmonieux ménage à trois, M n´est pas de celles qui qui disent, c´est elle ou moi. Une perle, rare.
Nyels est un ami. Un des meilleurs. Je peux lui faire une confiance absolue, totale, je sais qu´il ne me trahira pas. Il est droit, honnête, et courageux. Il est aussi très libre, et ça, c´est patate. Je suis du genre indépendante, et volage. Il m´arrive souvent de quitter subitement les gens avec lesquels je me trouve, pour aller vadrouiller ailleurs, sans mots dire à personne. Nyels, jamais, ne m´en tient rigueur. Il part aussi de son côté, et de toute façon, nous savons toujours que nous nous retrouverons sur Pilhouë. Notre humeur est toujours bonne, gaie, et je n´apprécie rien tant que les matin bonheur que nous partageons, à petit déjeuner sur Pilhouë, en musique, en danse, en joie! Nous avons la même passion pour l´image, l´appareil photo, et nous mitraillons à tout va, c´est à qui dégainera le plus vite. Nous avons la même passion pour les gens, les rencontres, la gentillesse gratuite, les petites histoires, les grandes anecdotes, les coups à boire... Nyels a une sacrée descente d´ailleurs, c´est bien dommage que je ne supporte plus trop l´alcool, on pourrait faire de sacrés concours, car à une époque, j´étais une sacrée pochtronne, et pouvait piccoler comme un homme, sans vomir, exploit! Force de la nature. Mais maintenant c´est différent, l´alcool ça fait grossir, et c´est principalement la raison qui m´empêche d´en consommmer ( si les clopes pouvaient rendre obèse, je serais un exemple de santé...). Ça ne m´empêche pas de prendre quelques bonnes cuites, mais rarement. Hier matin je me suis retrouvée zigzaguant sur un catway, á 7h du mat, avec quelques anglais, et des français, et oh suprise, j´ai coiffé l´oie sauvage au poteau, qui est partie se coucher avant moi...Quand je m´y mets vraiment je suis imbattable...!
Nyels est un super équipier, un sur-équipier. Alerte, agile, observateur, logique, vif, bosseur. D´ailleurs dans le rallye, tout le monde rêve de l´avoir sur son bateau, et les propositions alléchantes ne manquent pas, caisse de bord gratuite, billets d´avions offerts pour la France... Mais il est sur Pilou, et il y reste, c´est nous qu´on l´a avec nous, c´est nous qu´on est content!!!!
Sur Pilou, déjà, quand il se lève pour son quart de nuit, la première chose qu´íl fait, il monte dans le cockpit à peine réveillé, voir comment se tient Pilou. Il pisse, et si réglages à faire il y a, il fait. Il remplit le livre de bord avec une précision métronomique, et ajuste sans cesses les voiles de`Pilou, même quand il y a 2 cm à border, il borde. Il insiste pour que je mette mon harnais, doit souvent me répéter, un homme à la mer est un homme mort. Il m´appris à faire sur la jupe et à l´étrave, grâce à lui je suis propre et n´ai plus à m´emmerder avec la pompe des chiottes du bord. Merci l´oie sauvage!
Nyels imite merveilleusement les animaux, et les gens. Il ferait un grand acteur. Son sens de l´oservation transparaît dans toute sa splendeur lorsqu´il imite pour nous les chèvres, les rossignols, les chats. Il a été au lycée agricole, c´est là qu´íl a appris avec talent le langage de nos amies les bêtes.
Je lui prédis un grand avenir. Il a du talent et de la personnalité, le sens des gens, le sens de l´autre. Il est présent, mais discret, droit et fier, il ne s´en laisse pas compter, mais fait preuve d´une grande générosité, et d´un sens de la solidarité qui lui vaut l´amitié et le respect de tous. L´oie sauvage (je l´appelle ainsi en référence au conte pour enfants que j´écoutais en boucle sur mon petit poste fisherprice étant petite, Niels Olgerson et les oies sauvages) volera plus loin que la Laponie, sans doute jusqu´ aux pôles. S´il veut faire du bateau sa vie, il ira aussi haut que ses rêves le porteront, car à coeur vaillant, sincère et pur, rien d´impossible.
Il est breton. On le saura. Comme beaucoup de bretons, il est plus breton que français. Il a même apporté un drapeau de sa belle région, qu´íl a accroché dans le bar le plus sympa de Mindelo, O Clube Nautico. Nyels est assez parfait, comme ami, comme équipier. Tout d´abord, il est beau. Superbe même, grand, fin, élancé, une bouille d´ange, des immenses yeux rêveurs. Il ne laisse pas les filles indiférentes et nombreuses sont celles qui lui font des oeillades langoureuses dans la rue... Mais mais mais, Nyels s´en fout, car Nyels est amoureux, très très amoureux. Par discrétion pour sa douce, je l´apellerai M. M est sacrément jolie, et sacrément chanceuse. Elle a trouvé une perle rare, fidèle en plus, c´est pas tous les jours... M manque énormément à Nyels, et c´est un peu le bonheur sur Pilou quand il a de ses nouvelles par téléphone ou qu´il lui parle par facebook, l´oie sauvage bat gaiement des ailes, et une bonne humeur irresistible plane au dessus de nos têtes. C´est Noel quoi! Mais, Nyels a une maitresse. Exigeante, parfois douce, d´autres, impitoyable. Elle est d´une beauté sans pareille, sans limites, elle est grande, envoûtante, mystérieuse. Cette maîtresse, M la connait, elle l´aime aussi, cette maîtresse, c´est la mer. Harmonieux ménage à trois, M n´est pas de celles qui qui disent, c´est elle ou moi. Une perle, rare.
Nyels est un ami. Un des meilleurs. Je peux lui faire une confiance absolue, totale, je sais qu´il ne me trahira pas. Il est droit, honnête, et courageux. Il est aussi très libre, et ça, c´est patate. Je suis du genre indépendante, et volage. Il m´arrive souvent de quitter subitement les gens avec lesquels je me trouve, pour aller vadrouiller ailleurs, sans mots dire à personne. Nyels, jamais, ne m´en tient rigueur. Il part aussi de son côté, et de toute façon, nous savons toujours que nous nous retrouverons sur Pilhouë. Notre humeur est toujours bonne, gaie, et je n´apprécie rien tant que les matin bonheur que nous partageons, à petit déjeuner sur Pilhouë, en musique, en danse, en joie! Nous avons la même passion pour l´image, l´appareil photo, et nous mitraillons à tout va, c´est à qui dégainera le plus vite. Nous avons la même passion pour les gens, les rencontres, la gentillesse gratuite, les petites histoires, les grandes anecdotes, les coups à boire... Nyels a une sacrée descente d´ailleurs, c´est bien dommage que je ne supporte plus trop l´alcool, on pourrait faire de sacrés concours, car à une époque, j´étais une sacrée pochtronne, et pouvait piccoler comme un homme, sans vomir, exploit! Force de la nature. Mais maintenant c´est différent, l´alcool ça fait grossir, et c´est principalement la raison qui m´empêche d´en consommmer ( si les clopes pouvaient rendre obèse, je serais un exemple de santé...). Ça ne m´empêche pas de prendre quelques bonnes cuites, mais rarement. Hier matin je me suis retrouvée zigzaguant sur un catway, á 7h du mat, avec quelques anglais, et des français, et oh suprise, j´ai coiffé l´oie sauvage au poteau, qui est partie se coucher avant moi...Quand je m´y mets vraiment je suis imbattable...!
Nyels est un super équipier, un sur-équipier. Alerte, agile, observateur, logique, vif, bosseur. D´ailleurs dans le rallye, tout le monde rêve de l´avoir sur son bateau, et les propositions alléchantes ne manquent pas, caisse de bord gratuite, billets d´avions offerts pour la France... Mais il est sur Pilou, et il y reste, c´est nous qu´on l´a avec nous, c´est nous qu´on est content!!!!
Sur Pilou, déjà, quand il se lève pour son quart de nuit, la première chose qu´íl fait, il monte dans le cockpit à peine réveillé, voir comment se tient Pilou. Il pisse, et si réglages à faire il y a, il fait. Il remplit le livre de bord avec une précision métronomique, et ajuste sans cesses les voiles de`Pilou, même quand il y a 2 cm à border, il borde. Il insiste pour que je mette mon harnais, doit souvent me répéter, un homme à la mer est un homme mort. Il m´appris à faire sur la jupe et à l´étrave, grâce à lui je suis propre et n´ai plus à m´emmerder avec la pompe des chiottes du bord. Merci l´oie sauvage!
Nyels imite merveilleusement les animaux, et les gens. Il ferait un grand acteur. Son sens de l´oservation transparaît dans toute sa splendeur lorsqu´il imite pour nous les chèvres, les rossignols, les chats. Il a été au lycée agricole, c´est là qu´íl a appris avec talent le langage de nos amies les bêtes.
Je lui prédis un grand avenir. Il a du talent et de la personnalité, le sens des gens, le sens de l´autre. Il est présent, mais discret, droit et fier, il ne s´en laisse pas compter, mais fait preuve d´une grande générosité, et d´un sens de la solidarité qui lui vaut l´amitié et le respect de tous. L´oie sauvage (je l´appelle ainsi en référence au conte pour enfants que j´écoutais en boucle sur mon petit poste fisherprice étant petite, Niels Olgerson et les oies sauvages) volera plus loin que la Laponie, sans doute jusqu´ aux pôles. S´il veut faire du bateau sa vie, il ira aussi haut que ses rêves le porteront, car à coeur vaillant, sincère et pur, rien d´impossible.
jeudi 17 décembre 2009
Le journal de bord de la grande traversée
Le 1er décembre 2009
14h30 : Nous nous apprêtons à appareiller. Tout le monde est là, sur le catway, pour assister à notre départ, Pilou est un peu une star ! C’est la joie, l’effervescence, l’excitation des grands au revoirs, nous bisous à toutes joues et bon-ventons allègrement. Ces au revoirs là ne sont pas nostalgiques, ils sont plein du rêve que nous promet la traversée. Enfin nous larguons la dernière amarre et ne sommes plus que bras agités et Pilou Pilou hurlés au vent. Il nous faut maintenant sortir du chenal, et prendre le large. Le vent souffle par force 7, la mer est agitée, Pilou, à la grand-voile duquel nous faisons prendre 1 ris, bombe à 9 noeuds ! Une fusée. Nous lui remettons deux autres ris dans la tronche, il trace encore à 7 nœuds. Nous tenons sa barre à la main pou le prévenir de l’assaut des vagues et des rafales.
Ce matin c’était le stress des grands départs, nous avons crapahuté dans toute la ville avec mon sur-équipier Nyels l’oie sauvage pour acheter pain, viande légumes. Nous avons préparé Pilou pour son grand voyage, appelé une dernière fois nos proches, et nous voilà maintenant, faisant cap au 180, partis, enfin pour le Brésil.
Le vent souffle fort, avec des pointes à 25 nœuds, il postillonne en permanence sur Pilou, au point que nous devons enfiler salopette cirée (bonheur !), et blouson. Nyels retrouve ses sensas et sa concentration toute professionnelle. Il a fière allure, debout, campé, les deux mains sur la roue, le regard vissé tantôt au compas, tantôt à l’horizon, il tient Pilou au respect, dans son cap, du sud du sud du sud. Il cogite, il pense ses petits réglages. Il y beaucoup d’air, Pilou est dur à la barre, il suggère le 3ème ris, nous le prenons. Nous sommes tous un peu vannés. Ce soir ça sera pâtes au beurre, point barre.
La navigation est affaire de bon sens. Vous avez trois données : le vent, la mer, le bateau. Votre bateau est comme un cheval que vous devez brider ou laisser partir. Votre bateau doit avancer en gardant une stabilité maximale, compte tenu de l’air qui le pousse, et de l’eau qui le porte. Si le vent est trop fort et la mer trop agitée, vous devez réduire les voiles, sinon votre bateau, trop toilé, part dans tous les sens. Il faut ajuster vos réglages, ce sont les réglages qui font votre performance, optimisent vitesse et équilibre. Il faut être à l’écoute des éléments et de votre voilier pour pouvoir tracer votre route au plus juste. Toutes ces petites leçons rentrent dans ma tête au fur et à mesure , grâce aux explications précises que donnent en réponse à mes nombreuses questions, François et Nyels qui sont à mes yeux les deux meilleurs matelots, du rallye, et très probablement, du monde.... Grâce à eux je me sens plus à l’aise, moins débile profonde !
J’ai hâte de retrouver ma couchette, je suis vannée. Je ne dors pas tranquillement, je ne suis pas tout à fait bien amarinée.
Le 2 décembre 09
A 7h, Nyels tape à mon hublot pour me faire admirer le lever du soleil. Nous retrouvons nos petits mécanismes, nos petites habitudes, à nous Pilou !
Je me lève, admire , puis vais préparer une salade de fruits pour le p’tit dej du bord. François se réveille, file aux petits coins, et pousse des hurlements, « Ah ! Mais c’est dégueulasse ! ».. Je suis tout de suite visée, évidemment, puisque Nyels n’utilise pas les toilettes. Mais cette fois-ci, je n’ai plus peur, je n’ai plus peur des skippeurs. Je gueule à mon tour, amusée, Ah non ! C’est pas moi , moi j’prends pas ! 30 fois je pompe, à chaque fois, du bras droit, du bras gauche, cette fois-ci, c’est pas moi, c’est pas possible que ça soit moi, y en a marre !!! Je n’en peux plus des histoires de chiottes, les chiottes, ça ME pompe ! Finalement le chef découvre qu’il y a des microfissures qui empêchent le mécanisme de bien s’enclencher, je suis innocentée. Nous filons à huit nœuds, parfois neuf, Pilou va bien, Pilou va vite. Nous récupérons en siestant à tour de rôle de la vie de bâton de chaise que nous menons aux escales.
Je fais une longue sieste 4h environ, c’est dire si je suis crevée. Je me réveille pile pour le coucher du soleil. En même temps se lève la lune. Pilou trace vers le sud, à son bâbord et à son tribord, les astres du jour et de la nuit se font face, et nous ne savons plus ou donner de la tête, ni de l’appareil photo. Ce soir nous dinapérons, nous découpons du fromage, du pain, du saucisson, et on se pourceotte en écoutant la super musique rock touareg de François. On est tellement contents qu’on danse ans le cockpit, c’est frissons de bonheur sur Pilou ! On va pousser l’enthousiasme jusqu’à introduire la vacation dont nous sommes responsables, en chanson. Qu’est-ce que la vacation ? La vacation, c’est la chose suivante : Nous sommes 38 bateaux faisant route vers le Brésil, divisés en trois groupes. Les plus lents sont partis en premier, le 30 novembre, les moyens en deuxième le 1er décembre (c’est nous !), et les plus rapides en dernier le 2 décembre. Un responsable de la vacation est désigné ou se propose, pour chaque groupe. Pour notre groupe, François s’est proposé. De fait, tous les matins à 9h30 et tous les soirs à 19h30, François appelle tous les bateaux de notre groupe pour leur demander si tout va bien à bord, et pour relever leur cap, leur allure, et leur voilure. C’est l’occasion de papoter avec chacun, c’est sympa, c’est RIDS ! Pour cette vacation-ci, j’entonne un Sodade qui nous ramène tous 150 miles en arrière, au Cap-Vert. Notre groupe salue avec joie cette lyrique introduction, on recommencera ! Déjà, il est 20h, l’heure du premier quart, le mien. Tout le monde va se coucher pendant que je veille sur un Pilou éclairé par une lune pleine et irradiante de lumière.
14h30 : Nous nous apprêtons à appareiller. Tout le monde est là, sur le catway, pour assister à notre départ, Pilou est un peu une star ! C’est la joie, l’effervescence, l’excitation des grands au revoirs, nous bisous à toutes joues et bon-ventons allègrement. Ces au revoirs là ne sont pas nostalgiques, ils sont plein du rêve que nous promet la traversée. Enfin nous larguons la dernière amarre et ne sommes plus que bras agités et Pilou Pilou hurlés au vent. Il nous faut maintenant sortir du chenal, et prendre le large. Le vent souffle par force 7, la mer est agitée, Pilou, à la grand-voile duquel nous faisons prendre 1 ris, bombe à 9 noeuds ! Une fusée. Nous lui remettons deux autres ris dans la tronche, il trace encore à 7 nœuds. Nous tenons sa barre à la main pou le prévenir de l’assaut des vagues et des rafales.
Ce matin c’était le stress des grands départs, nous avons crapahuté dans toute la ville avec mon sur-équipier Nyels l’oie sauvage pour acheter pain, viande légumes. Nous avons préparé Pilou pour son grand voyage, appelé une dernière fois nos proches, et nous voilà maintenant, faisant cap au 180, partis, enfin pour le Brésil.
Le vent souffle fort, avec des pointes à 25 nœuds, il postillonne en permanence sur Pilou, au point que nous devons enfiler salopette cirée (bonheur !), et blouson. Nyels retrouve ses sensas et sa concentration toute professionnelle. Il a fière allure, debout, campé, les deux mains sur la roue, le regard vissé tantôt au compas, tantôt à l’horizon, il tient Pilou au respect, dans son cap, du sud du sud du sud. Il cogite, il pense ses petits réglages. Il y beaucoup d’air, Pilou est dur à la barre, il suggère le 3ème ris, nous le prenons. Nous sommes tous un peu vannés. Ce soir ça sera pâtes au beurre, point barre.
La navigation est affaire de bon sens. Vous avez trois données : le vent, la mer, le bateau. Votre bateau est comme un cheval que vous devez brider ou laisser partir. Votre bateau doit avancer en gardant une stabilité maximale, compte tenu de l’air qui le pousse, et de l’eau qui le porte. Si le vent est trop fort et la mer trop agitée, vous devez réduire les voiles, sinon votre bateau, trop toilé, part dans tous les sens. Il faut ajuster vos réglages, ce sont les réglages qui font votre performance, optimisent vitesse et équilibre. Il faut être à l’écoute des éléments et de votre voilier pour pouvoir tracer votre route au plus juste. Toutes ces petites leçons rentrent dans ma tête au fur et à mesure , grâce aux explications précises que donnent en réponse à mes nombreuses questions, François et Nyels qui sont à mes yeux les deux meilleurs matelots, du rallye, et très probablement, du monde.... Grâce à eux je me sens plus à l’aise, moins débile profonde !
J’ai hâte de retrouver ma couchette, je suis vannée. Je ne dors pas tranquillement, je ne suis pas tout à fait bien amarinée.
Le 2 décembre 09
A 7h, Nyels tape à mon hublot pour me faire admirer le lever du soleil. Nous retrouvons nos petits mécanismes, nos petites habitudes, à nous Pilou !
Je me lève, admire , puis vais préparer une salade de fruits pour le p’tit dej du bord. François se réveille, file aux petits coins, et pousse des hurlements, « Ah ! Mais c’est dégueulasse ! ».. Je suis tout de suite visée, évidemment, puisque Nyels n’utilise pas les toilettes. Mais cette fois-ci, je n’ai plus peur, je n’ai plus peur des skippeurs. Je gueule à mon tour, amusée, Ah non ! C’est pas moi , moi j’prends pas ! 30 fois je pompe, à chaque fois, du bras droit, du bras gauche, cette fois-ci, c’est pas moi, c’est pas possible que ça soit moi, y en a marre !!! Je n’en peux plus des histoires de chiottes, les chiottes, ça ME pompe ! Finalement le chef découvre qu’il y a des microfissures qui empêchent le mécanisme de bien s’enclencher, je suis innocentée. Nous filons à huit nœuds, parfois neuf, Pilou va bien, Pilou va vite. Nous récupérons en siestant à tour de rôle de la vie de bâton de chaise que nous menons aux escales.
Je fais une longue sieste 4h environ, c’est dire si je suis crevée. Je me réveille pile pour le coucher du soleil. En même temps se lève la lune. Pilou trace vers le sud, à son bâbord et à son tribord, les astres du jour et de la nuit se font face, et nous ne savons plus ou donner de la tête, ni de l’appareil photo. Ce soir nous dinapérons, nous découpons du fromage, du pain, du saucisson, et on se pourceotte en écoutant la super musique rock touareg de François. On est tellement contents qu’on danse ans le cockpit, c’est frissons de bonheur sur Pilou ! On va pousser l’enthousiasme jusqu’à introduire la vacation dont nous sommes responsables, en chanson. Qu’est-ce que la vacation ? La vacation, c’est la chose suivante : Nous sommes 38 bateaux faisant route vers le Brésil, divisés en trois groupes. Les plus lents sont partis en premier, le 30 novembre, les moyens en deuxième le 1er décembre (c’est nous !), et les plus rapides en dernier le 2 décembre. Un responsable de la vacation est désigné ou se propose, pour chaque groupe. Pour notre groupe, François s’est proposé. De fait, tous les matins à 9h30 et tous les soirs à 19h30, François appelle tous les bateaux de notre groupe pour leur demander si tout va bien à bord, et pour relever leur cap, leur allure, et leur voilure. C’est l’occasion de papoter avec chacun, c’est sympa, c’est RIDS ! Pour cette vacation-ci, j’entonne un Sodade qui nous ramène tous 150 miles en arrière, au Cap-Vert. Notre groupe salue avec joie cette lyrique introduction, on recommencera ! Déjà, il est 20h, l’heure du premier quart, le mien. Tout le monde va se coucher pendant que je veille sur un Pilou éclairé par une lune pleine et irradiante de lumière.
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