jeudi 31 décembre 2009

Tristes tropiques



Il pleut. Des cordes, un troupeau de vaches qui pissent, des chiens, des chats, une vraie ménagerie qui s´abat sur notre petite île. Ça ne s´arrête plus, 24h qu´on est sous une douche permanente. Les ruelles en pentes se sont transformées en torrents, l´avenue principale du centre ville est une rivière, hier j´avais de l´eau jusqu´à mi-mollet! C´est pas bon, pas bon du tout! Surtout pour mon petit buisness qui est stand-bye. Chômmage technique, horreur! On est tous désespérés, surtout que depuis ce matin, il n´y a plus l´electricité ni l´eau courante. Du coup, j´ai dû, comble du malheur, me rendre sur le continent en bateau à moteur, pour pouvoir faire quelque chose de ma journée, et utiliser internet. A la base je voulais m´acheter un notebook, mais j´ai appris avec bonheur en téléphonant en France qu´il y en avait un qui arriverait en même temps que ma bonne copine qui vient me visiter, joie! Je vais pouvoir blogger à toute heure du jour et de la nuit!
Mais il pleut toujours, et ça c´est pas cool. J´avais démarré sur les chapeaux de roues, des centaines de reais m´étaient promis, surtout en cette période du nouvel an, et me voilà réduite au silence parce que le ciel fait un peu trop parler de lui. Il n´y a rien que je puisse faire. Comble de mon malheur, je me suis fait voler mes superbes tongues en cuir et en daim que j´avais acheté en patagonie. Je suis partie de la plage, je les y ai oubliées, et 5mn plus tard je suis revenue en courant comme un lapin, les tongues n´étaient plus là. Puis il s´est mis à pleuvoir, à tel point que je n´ai pas racheté de tongues, car je les perdrais dans l´eau. Je vais complètement pieds nus depuis 24h et mes plantes sont d´une propreté impeccable, surreáliste! La pluie va durer jusqu´au 6 janvier, je vais me tourner les pouces sévère, et je pense que je vais déménager mon bardas dans ma pousada et répéter dans ma chambre pendant que Jade et Roberto seront au boulot. Mon public trop facile ne me pousse pas à l´effort, il faut que je m´y mette toute seule. On va tirer profit cette saleté de pluie!

mercredi 30 décembre 2009

Let´s make some cash!

J´avais de grandes appréhensions à chanter sur cette île. Que des jeunes, des brésiliens, des européens, des bombes, des beaux gosses, trop la honte. J´ai mis 4 jour a me décider. Pourquoi tout d´un coup me suis-je lancée? Il n´y a pas de distributeur de billets ici, et je n´ai plus de cash. J´ai le choix, prendre un bateau (hors de question, je ne remets plus les pieds sur une embarcation, quelle qu´elle soit!), ou faire les poches des touristes. J´ai choisi de faire les poches aux toutous. Je traîne mon charriot, je m´installe à l´heure du dej, entre deux terrasses. Je commence comme d´hab par Liberta de Pep´s, on applaudit, ouf! je me présente ensuite, en portugais, presque impeccable, et j´ai un paquet de choses à raconter. je m´appelle Anne, je suis française, ça fait quatre mois que je voyage en bateau pour arriver jusqu´à vous, me suis même tapée une traversée de l´Atlantique seule avec deux mecs pendant 15 jours, pouvez pas savoir ce que je suis contente d´être enfin sur la terre ferme. Déjà ça fait son p´tit effet. Je suis passée par l´île de Madère, des Canaries, par le Maroc, le Senegal, le Cap vert et Salvador de Bahia. Autre petit effet. A chaque fois je chante dans les escales, dans la rue, pour assurer mon voyage, et me faire plaisir. Je vis comme ça, je voyage, je chante, je voyage, je chante, sympa non? Ça en fait rêver plus d´un... Déja ils arrivent vers la boîte et glissent des billets. Ils ne sont pas du tout exigeants, ils affluent vers ma panthère de toute part, du coup je ne me casse pas la tête,
j´impressionne la galerie en chantant en français, portugais, espagnol, anglais, arabe et hébreu, je boucle une chanson, invite quelqu´un à danser (toujours piocher dans un gros groupe, ils sont trop contents et dégaînent leur appareils photos, et après ils viennent remplir la boîte), je fais les acrobaties, en une demie-heure j´ai tout torché, et je me fais du 100 reais (45 euros) minimum à tous les coups. Hier, 2 petites heures en tout, bilan 310 reais, ça fait plus de 100 euros (130). Ce matin, une demie-heure à peine, 119 reais, malheureusement il s´est mis à pleuvoir, je vais devoir passer entre les gouttes s´il pleut encore ce soir. Je joue à l´heure du dej, à l´heure de l´apéro et du dîner, à côté des restos, et non contente de voir les gens venir jusqu´à ma panthère pour y glisser leur générosité, je fais ensuite le tour des tables pour faire cracher ceux qui ont eu la flegme de se lever. Les restaurateurs sont tous très contents et me laissent faire... trop facile, trop simple, trop chouette!

Entre temps je traîne sur la plage, ou dans la pousada de Felipe,
ou avec Jade, mon colloc, qui dort sur le lit superposé au mien, et qui est serveur du resto qui garde mes affaires. Il est complètement gay, je dirais même que c´est une grande folle, il chante tout le temps, et il est trop sympa, trop marrant! Ce matin on est allés tous deux à la plage en passant par la forêt, on s´est fait un peeling au sable noir plein de fer très bon pour la peau, on a dansé la salsa et le forro grâce à la musique de son portable, on a couru sur la plage et on s´est baignés sous la pluie, juste parfait!

dimanche 27 décembre 2009

Des équipiers

J´ignore totalement quelle est la norme en matière d´équipiers. Quel est le comportement idéal á adopter, la dose d´investissement nécessaire à la satisfaction de votre skippeur, à la marche de votre bateau? Pour ma part je pensais avoir trouvé ma place. Mes atouts: je n´ai pas peur de l´éponge et du balais brosse, de la casserole et des couverts de service. Je suis mobile, me déplace facilement dans des espaces restreints, tout en laissant quelques coins de portes et tranches de placards venir me coincer le doigts ou bosser la tête, mais ça, on va dire que ce sont les aléas du métier. J´ai bon caractère quand tout va bien, et je ne manque pas d´enthousiasme. Donc en gros, je suis bonne à faire la counchite et la causette, et franchement c´est déjà pas mal! Anne la bateau-stoppeuse dit même que c´est énorme, et qu´elle est bien soulagée, elle qui est tout le temps à la manoeuvre, de ne jamais avoir à se soucier des questions d´intendance et de maintenance. Je tiens bien mes quarts, et bichonne mon équipage, je les laisse dormir un peu plus longtemps, et leur prépare des petits casse-croûte, comme aux choux, deux petits sandwichs jambon de parme-philadelphia, 5 petits gateaux sucrés, et un carré de chocolat de ma réserve personnelle. Plus du chocolat chaud avec du vrai chocolat de ma réserve personnelle (l´importance de la réserve personnelle sur un bateau, l´importance!!!) pour Nyels, et un thernos de thé chaud pour François. J´ai tout arrêté au lendemain de la grosse dispute, révolte sourde de mon sommeil contrarié. Mes défauts: si je me sens coincée, rien ne va plus. Souvent je me sens coincée quand je ne peux pas faire ce que je veux. Quand je ne peux pas faire ce que je veux je pête un câble! Mais quoiqu´il en soit, moi et mon équipage, c´est á la vie à la mort, je suis une nounou en exercice, qui prépare, lave et chouchoutte, je suis la fille au pair de Pilou.

les autres équipiers sont tous différents. Il y a les fous de la voile, qui sont partout sur le bateau, et trouvent toujours une manille à graisser, un bout à rallonger ou une lessive à lancer. Il y a ceux qui s´en foutent royalement et sont là en touristes, pour voir du pays. Il y a ceux qui comme moi, s´intéressent, s´investissent, mais ne se donnent pas à fond. Le bateau j´aime ça, mais c´est avant tout un moyen de transport, qui me permet doucement d´accéder à mes rêves. Pour être efficace et engagée, un tant soit peu, dans sa bonnne marche, il faut que le bateau me fasse rêver, qu´il se fasse sentir, et je ne peux pas sentir quelque chose qui m´épuise, et m´arrache à ma liberté de rêver, à ma liberté de ne rien faire et de tout penser.
Dans la marina, l´infatigable paresseuse que je suis s´amuse à regarder les sur-équipiers s´activer à la coque, au pont, à l´étrave et au mât. Je suis confortablement calée, à l´ombre, sur un coffre de cockpit, ma guitare à la main, un petit jus frais pas trop loin, une cigarette dans un coin, et j´admire la capacité de ces marins à savoir et pouvoir réellement faire passer le bateau avant eux. Ils ont la mer dans le sang. Moi je l´ai dans le coeur, mais pas dans la tête, dans ma tête il y a de la musique, des copains et du soleil, de la terre, des gens, et du temps, beaucoup de temps, pour savourer le bonheur, sans le laisser filer trop vite.

Le journal de de bord de la grande traversée, Pot au Noir

Le 06 décembre 09

Aujourd´hui c´est la Saint-Nicolas, et c´est une sale journée. On est dans le pot au noir, et c´est pas beau à voir; ça crache, ça refuse, ça adonne, ça affale, ça largue, ça souffle et ça pétole. Le ciel est sombre, il y a des gros amas de nuages bien bas, et bien lourds au dessus de nos têtes, il fait une chaleur de bête dans la cabine, et dehors c´est tout mouillé. Va savoir pourquoi, on a choisi ce jour-là précisément pour s´activer sur Pilou comme les abeilles dans la ruche. On s´est peut-être dit, tant qu´à en chier, autant en chier jusqu´au bout. On se lève, je balaie, lessive et nettoie toute la cabine, sur toutes ses surfaces, Nyels se fait le cockpit, les garçons envoient le spi, l´affalent, je vide et nettoie le frigo, François prépare le dej. Mais! Avant qu´on puisse planter nos fourchettes affamées dans la tendre chair du filet de viande rouge qui trône dans nos assiettes, Ti-Ouane, un Ovni de 45 pieds, nous appelle à la VHF. Ils ont pêché un énorme thon rouge d´1m45 et 54 kilos (10 kg de plus que moi, sacré morceau quand même...), ils vont le répartir entre nous et Dame Oui, parce qu´íls ne peuvent pas garder une aussi grosse bête à bord, et parce qu´on est à peu-près tous les trois dans la même zone. Joie! Allégresse! Du poisson frais! En sashimis, en pavés, en crumble, à tous les repas, à toutes les sauces! Mais ce transfert de thon, c´est tout un bordel, parce qu´on va pas se le lancer comme un frizby... Et pour se refiler des trucs de bateau à bateau, c´est pas simple. Ti´OUane va procéder de la manière suivante: il vont ficeler le poisson façon gigot avec un bout, il accrochera ce bout à un pare-bat´qu´il laissera trainer au bout d´un autre bout assez long, à l´arrière de son bateau. Aprés expliaction de la manoeuvre, Ti´Ouane rapplique vers nous, c´est trop la fête, salut! Coucou! Youhouuuuuuuuuu!!! T´as vu le morecau??!! ´Mais c´est énorme, c´est énorme!!!. Il se place devant nous, lâche la bête, un monstre, un pachiderme! Pendant que François manoeuvre à la barre, Nyels va chopper le thon avec la gaffe, il le remonte, le décroche, renvoie son par-bat´à Ti Ouane, qui récupère tout et repart comme il est venu, Jésus marchant sur l´eau après la multiplication des omégas 3. On se retrouve avec un demi-thon qui prend quasi tout le cockpit, on le lave, on le sèche, on le maquille, on lui colle un noeud pap´ et on se tire le portrait avec. On a jamais vu de bête aussi grosse, et encore, elle n´est même pas entière.... François le découpe en immenses pavés qu´on met dans des tuperwears géants. Estimation, verdict, on a du thon pour jusqu´à la fin de la traversée, incroyable. Histoire de rendre à la merveille les hommages qui lui sont dûs, François suggère de dégivrer le gigot afin de faire à nos 15 prochain repas une place de choix. Je re-vide la frigo entièrement, le dégivre, le pompe, le sèche et le re-remplis, et le thon prend ses quartiers, bien au fond, tout au frais. La cabine est sans dessus-dessous, je la re-nettoie, et la range, pendant que les hommes sont au bricolage sous la pluie, sur le pont, pour réparer une latte de têtière de Grand voile qui s´est cassée. Je vais faire une courte sieste, à 18h je me réveille, prépare le dîner, on déguste en remerciant Ti´OUane à la VHF, je fais la vaisselle et c´est déjà l´heure de mon quart. Quart pot au noir, quart tout mouillé. Journée crevante. Pas le temps de perdre du temps, tous les uns sur les autres, pas de décrochage, pas d´évasion, j´ai trouvé cela très désagréable. Je me couche absolument nase, physiquement et moralement, sommeil sans rêves, lourd. Le pot au noir, c´est pas simple.

07 décembre 09

Joyeux anniversaire Sophie!

Journée chargée sur Pilou. Chargée d´éléctricité; de l´eau dans le gaz, des éclats de voix. Ce matin je me réveille vers 8h comme d´hab, mais je suis plus crevée que jamais, et sur le point de me jeter par dessus bord quand je me rends compte que je suis encore et toujours sur Pilou, que Pilou est encore et toujours dans le pot au noir. Je ne peux plus voir un bateau en aquarelle, je ne peux plus voir la mer, je ne peux plus, je n´en peux plus, et ça fait deux minutes que j´ai ouvert les yeux... La journée de la veille a éte assez éprouvante. Les grains nous ont obligé à nous cloisonner dans la cabine, tous les trois les uns sur les autres, toute la journée, journée que j´ai passée à me contorsionner dans tous les sens, à me cogner dans tous les coins, pour nettoyer les sols, les placards, vider, re-vider re-re-vider le frigo qui est tellement profond que je pourrais m´y tenir toute entière à genoux. Il faisait lourd, moite, c´était hardcore. Ce matin je n´ai pas envie de voir un poil hargneux de spontex, ni le profil menaçant d´une cuiller en bois, je ne veux pas faire un seul geste, ni émettre un seul son. J´ai besoin, pour mon équilibre et ma santé mentale, de me terrer et d´oublier Pilhouë. La sempiternelle répétition d´un quotidien toujours égal me bouffe, ce matin j´ai besoin de briser la routine, alors je reste dans ma cabine, sans dormir. J´en ai marre de faire tout le temps la vaisselle, de sortir et rentrer les choses des placards, des équipets, du frigo, des fonds, je passe mon temps à ça, quand je fais quelque chose, je ne fais que ça. Je me plie à ces devoirs avec d´habitude entrain et bonne volonté, car ce sont les tâches que je sais le mieux accomplir, c´est là qu´est ma place, c´est lá que je suis le plus utile et efficace. Mais ça fait 7 jours que je répète les mêmes gestes, je suis devenue un robot-ménager, et là, après la journée "pot au noir", le robot a besoin de recharger ses batteries. Juste un peu, juste un p´tit coup, pour repartir de plus belle, comme en quarante. Donc je reste à rêvasser dans ma couchette. C´est trop chouette! Je suis allongée bien confortablement, bien douillettement, je ne pense à rien, je lis des magazines idiots, et je me dis que je peux, que j´ai le droit, parce que la veille j´ai bien donné, parce qu´on on a tous bien donné. Le chef reconnaîtra sûrement qu´on est pas des machines de guerre. Je suis seule dans mon petit monde, je décroche, je recharge. Une fois les batteries à bloc vers 11h30, je remonte à la surface, dans les meilleures dispositions pour attaquer la journée, déjà bien entamée. Mais François n´a pas vu d´un bon oeil que je prenne délibérément la décision d´hiberner. Il a raison au fond, parce qu´on a tous bien sué, et j´aurais dû demander leur avis à mes équipiers avant de m´accorder mon repos. "T´es censée être de quart, ça fait 12h que t´es dans ta cabine, mois ça fait depuis 4h du mat´que je suis debout", ou plutot, assis au bureau devant l´ordi du bord. Ça fait une drôle d´impression quand-même, ces skippeurs qui passent plus de temps à la table à carte que sur le pont. Certes ils font marcher le bateau, mais quand même, ça n´en donne pas l´impression, et c´est assez désagréable de s´activer et se faire des bleus partout pendant que votre capitaine confortablement assis sur son popotin vous injoncte à sortir ceci, emballer cela... et vous taxe de fainéantise, bien campé sur son derrière, quand par malheur vous vous laissez aller trois heures de paresse. François râle, sermonne, et j´éclate:" J´avais juste envie d´oublier le bateau 5 minutes, hier on a bossé comme des malades, on est pas des machines! Tu vois bien que je m´active pour le bateau, j´t´ai prouvé que j´étais pas une branleuse, j´ai le droit de me poser putain!!" Dieu du ciel! je perds les pédales, et suis plus vulgaire que jamais, une vraie poissonnière de Rungis! François se transforme en Oncle Charles, excéde par mes explications vociférantes, il me hurle dessus:" Ta gueule!!! TA GUEUUUUUULE!!!!!!" Je ne me gueule pas, je continue; et patati, et patata, il me reproche d´être trop souvent fatiguée, et je le renvoie à tous les quarts du chien que je me tape depuis le début, il me taxe de ne penser qu´à ma gueule, et je lui rappelle toutes les fois ou j´ai rallongé mes veilles pour raccourcir les siennes, et préparé des petits en cas de nuit gourmands pour mon seigneur et maître. On ne trouve pas de terrain d´entente, chacun reste sur ses positions, François dans la cabine, moi sur le pont. Nyels pendant ce temps là est parti se réfugier à l´ètrave. Pas folle, l´oie sauvage ne veut pas s´immiscer. Faut - il que je sois lessivée pour autant débloquer. D´un naturel colérique, c´est quand je garde mon sang-froid que je dépense le plus d´énergie. Me laisser aller au cris, ça me détend presque autant que de regadrer la Starac´et je ne suis jamais aussi relax que quand je regarde la Starac´. Je dois être bien nase, je décompresse à tout va, j´attaque des vigiles de trois fois mon poids, dis des mots à des skippeurs de trois fois mon âge, plus rien ne m´arrête, je suis un rouleau décompresseur! Je mets un pied dans ce que je tiens à ce moment là comme étant l´anti-chambre de l´enfer; la cabine, où se trouvent tous les objets de mes pires cauchemards, mes instruments de torture, spontex, vaisselier, frigo. Je crois mourir d´appoplexie, je dois me tenir aux murs, quand j´entends François me dire, toujoiurs assis à son bureau: "Bon! Va falloir nettoyer la cabine maintenant!". AAAAAAAHHHHHHHH!!!! Je vais le planter! Là! Maintenant! Avec le couteau de cuisine, je le plante, je le débite et on aura du gigot et du filet frippon pour toute la traversée. "Ah non! je nettoie pas la putain de cabine, je vais pas le faire tous les jours, nen mais faut pas rêver!" Je continue dans ma litanie de jurons et de refus catégoriques. Rien, il n´obtiendra absolument rien de moi aujourd´hui. J´étais sortie de mes petites vacances matinales dans les meilleures dispositions, et ben maintenant, j´en foutrai pas une, et pis c´est tout! Je suis d´une humeur de rotweiler mal dressé. Je suis toute chamboullée. On est dans l´pot au noir, on est pas prêt d´en sortir, 7 jours qu´on est partis, encore 8 à tirer, j´en peux plus, je pète un câble!!! Je vais me calmer à l`étrave. Quand je reviens dans la cabine, François est gai comme un pinson, et d´une affabilité sans pareille. Mais quelle mouche l´a piqué? Je suis en admiration devant sa capacité à s´adoucir aussi vite, et oublier la tempête. Pour ma part, le vent souffle toujours aussi fort, et il n´ est pas prêt de tomber. Autrement dit je fais la gueule, et je fais le minimum. Je coupe des crudités pour une salade histoire de, me mets en mode mono-syllabe, je ne peux pas passer des larmes aux rires, aujourd´hui ce talent me fait défaut. J´ai gardé mon mutisme jusqu´aprés l´heure du déjeuner. Je me réfugie á l´étrave, me pose sur le balcon, un peu en déséquilibre, tout à l´avant du bateau, complètement au dessus de l´eau. Pilou tape sur les vagues, les monte et les descend, ce qui me procure moults sensations de montagnes russe, et m´arrache des petits cris de joies. Je décroche, je recharge. Quand je reviens, je suis toute apaisée. François me propose de prendre une douche, trop sympa, j´accepte, souris enfin, et nous retrouvons, équipière et skipper, toute l´harmonie qui fait notre bonheur.

Holidays

Journée de nav très cool sur Solo. Pas de vent ou très peu, on se promène au moteur, et à la voile, entre 2 et 5,5 noeuds. Je sieste, Eric, sieste, je re-sieste, on déjeune, on discute, c´ est très tranquille, très pépère. Vers 18h on voit l´île, j´ai décidé d´y débarquer, trop besoin de la terre, trop besoin d´être complètement seule. Magiques heures passées dans le bus, seule parmis les autres, personne que je connaisse, personne qui me connaisse, observer tout le monde, se sentir toute petite, et ne jamais parler. La bouche fermée, les yeux grand ouverts, 30h de bus certes, mais 30h de calme, et de liberté. Encore, s´il vous plaît. J´adore Solo, Eric est trop cool, mais je veux à noueveau me sentir minus, perdue, muette. On mouille à l´ancre, devant le paradisiaque petit village, coloré, nature, gai. Dès notre arrivée nous sommes salués par un argentin, un brésilien et un américain qui se balladent en canoë dans le mouillage et tombent en pamoison devant Solo qui en impose, du long de ses 20 mètres. On se baigne, on se douche, on débarque en annexe. On part à la recherche d´un hostel pas cher pour moi. L´île regorge de pousadas, de touristes en maillot de bain, de rastas, de chiens sauvages, de restos, de boutiques de plage, d´agences de promènes-toutous. Il y a de la vie, il y a de l´argent, tout ce qu´il faut pour être bien. Eric et moi nous perdons. Je vais l´attendre sur la plage, à l´annexe. Je suis seule, personne ne vient troubler ma quietude, je fais mumuse avec le mode ciel étoilé de mon appareil photo, et me repaît de la beauté nocturne de l´endroit. Quelques brèves rencontres, le brésilien de l´après-midi qui dit être natif de l´île, un aborigène quoi, et un jeune guide carioca qui me fait une demo de capoeira, Enfin, je tombe sur Eric qui me cherchait partout, et nous rentrons sagement sur Solo en annexe. Le lendemain, à peine levée, Eric me hèle un taxi-boat, j´y charge tout mon bordel, puis le débarque au débarquadère, le re-charge sur une charrette porte-bagage, me rend dans l´HI, complet depuis la veille. J´avais pas réservé, idiote, me voilà sans toit, avec tout mon bardas sur les bras. Je vais voir Felipe. La veille, le 25 décembre, je cherchais un cyber d´ouvert, il n´y en avait évidemment pas, alors je suis allée dans un hostel, au hasard, demander au réceptionniste de me prêter sa machine, et récupérer le numéro d´Eric, pour pouvoir l´appeler et le retrouver. Felipe m´a très gentiment laissé son fauteuil, la connexion était tellement lente qu´on a largement eu le temps de sympatiser, et puis il m´a accompagnée à un téléphone public pour que je puisse tenter de retrouver Eric. Ensuite il est reparti travailler. Ce matin donc, je vais revoir Felipe et lui confie mon désarrois, tous les hotels sont complets, ou trop chers, c´est la cata. Il appelle Kátia avec son portable, qui vient à la rescousse, me dit qu´elle connaît une posada pas chère, oú il reste une seule place, mais mais mais, c´est en haut de la colline, mais mais mais, ça fait les fesses. N´en dis pas plus, tu m´as convaincue! On monte en haut de la colline, on transpire, la pousada est cachée dans un jardin tropical au fond duquel coule une petite cascade, dans deux píscines d´eau naturelles. Petite maison colorée en rose, salle à manger en plein air sous un charmant prèau de bois où des chats et des châtons se prélassent paresseusement. Chambre avec deux lits superposés, propre, claire, fraîche, salle de bain privative, neuve et immaculée, tout pour plaire, c´est où qu´on signe? Par contre, j´ai juste un léger souci, je suis chanteuse, je joue dans la rue, dans les centres villes, et je me vois mal monter et descendre mon bardas tous les jours, bien que la perspective d´un fessier à la mode brésilienne me fasse baver d´énergie... Pas de problème dit Teresa, j´ai un resto en bas dans le centre ou tu peux entreposer tes affaires. Yes! On recapitule; c´est 35 reais par jour (15 euros, c´est cher mais à part le camping, c´est ce qu´on trouve de plus économique, et je compte faire une caisse journalière du double de ce montant au moins), petit- dej de roi inclus ( buffet avec orange pressée, fromage, jambon, oeufs brouillés, gateau maison, pain, beurre, céreales, café, thé, fruits frais, ce matin c´était melon et papaye...tout ça a volonté, inutile de vous dire que je me suis fait un petit doggy-bag pour la journée, repas gratos!), le ménage tous les jours, le jardin avec la cascade (baignade dans l´eau fraîche dès le sortir du lit ce matin... le rêve!), et repas gratis du réveillon organisé pour tous les résidents de l´hostel (que des brésiliens) dans le resto de la patronne au centre ville, plus gardiennage gratuit de ma meute de machines. Du tout bon, du bonheur! Merci les cadeaux de Noël, vive les vacances! Ça ne durera qu´un temps, dans 48h je reprends le turbin, mais ça va faire du bien!

Noël

Nous avons appareillé Le 25 décembre, à 7h Du mat´, pensez si j´ étais ravie de me lever encore et toujours aux aurores, le jour de Noel en plus.... Nous allons dans un endroit ou l´eau est pure, Eric doit y plonger pour nettoyer la coque du bateau. On va au moteur, il y a deux noeuds de vent, je ne verrai pas les 10-12 noeuds que promet Solo. Eric est mon premier skipper jeune. Il dit qu´il en a 35 (notez la nuance... je ne veux vexer personne.). Il n´a pas de cheveux blancs, pas de poils au nez, ni aux oreilles, il n´a pas l´air caractériel, ni pervers, Eric a l´air d´être tout ce qu´il y a de plus normal. Il parle beaucoup de lui, mais je crois que c´est un trait de personnalité commun à beaucoup de capitaines de bateaux. Un bateau, c´est une histoire, un avant, un après, des galères, des grands bonheurs, les voyages, les rencontres, la mer, les océans, la terre, les hommes, un bateau c´est absolument tout ça. Les marins disent qu´ils sont de grands solitaires, mais ils cherchent beaucoup la reconnaissance, l´admiration, le tribut que leur vaut le dur choix qu´ils ont fait de tout donner à l´eau. Parce qu´en bateau, il n´y a pas de demi-mesure, c´est tout ou rien. Du moment ou vous possédez la moindre coquille de noix, vous vous engagez à la faire marcher, à l´entretenir, à la bichonner. Si vous la laissez à l´abandon, c´est très simple, elle coule. Un bateau c´est comme un enfant, ça demande autant d´investissement physique, intellectuel, et financier. Et comme c´est dangereux, ça demande des couilles, surtout pour le skippeur, qui connait tout les risques et les dangers de la bête, et doit en préserver son bord. On sait que le skippeur a conscience de la lourdeur de sa tâche, de la responsabilité qui lui incombe, c´est une charge à laquelle il se sacrifie volontier car la récompense que lui permettent ses efforts n´a pas de prix. Et elle se raconte, inlassablement, des centaines de fois, toute la vie durant. Leurs sempiternelles histoires nous font les yeux ronds, nous y jettent de la poudre, on écarquille, on ouvre grand la bouche, sauf qu´au bout d´un moment, on a tellement bavé qu´on a plus de salive, en en a tellement entendu qu´on a plus de tympans. Malgré tout, ça vaut toujours le coup de prêter une oreille attentive aux contes des skippers. Avec le temps vous avez appris à discerner le vrai du faux, un regard franc et sincère accompagne le récit d´une vie qui vous donne la chair de poule, et vous reconnaissez que les skippeurs, et leurs histoires, c´est un tout auquel vous ne devez pas échapper. Eric donc, se raconte au bout de deux minutes, comme la plupart des marins (souvent à l´abordage de la retraite) que j´ai rencontré jusqu´ici. J´écoute, mais c´est marrant, je n´ai pas le 'Oh lala' aussi fréquent que d´habitude, je me blase un peu, ça fait tout drôle. Il faut dire que j´étais tellement impressionnable et désepérante de naïveté! Le constat de mon imperceptible froideur me rassure un peu, ça va dans le bon sens, je serais presque sceptique par moment, on croit rêver!

Eric donc, malgré le fait qu´il en fasse des tonnes, est un personnage très sympathique, simple et direct. Son bateau est comme lui, sportif, sobre, et il en jette. Ou voudrait en jeter, parce qu´a 2,5 noeuds, on est pas au summum de l´extase, mais on sent que Solo n´attend que le vent pour filer comme une fusée. Je suis assez amusée aujourd´hui par le débrief que je me fais de ma journée de la veille, la journée du réveillon de Noël. Je l´ai passée dans un bus, j´ai mangé 4 pommes, fumé 5 clopes, bu un demi-litre de café au lait et un litre d´eau, dormi, lu, écouté de la musique en regardant le paysage, pensé au saussay,je suis arrivée à Rio, je me suis stressée pour un taxi, j´en ai trouvé un, j´ai traversé la ville sur le siège passager en devisant gaiement avec le chauffeur qui était de fort bonne humeur, halluciné sur la grandeur et la chaleur de Rio, sa beauté et son dynamisme, puis j´ai embarqué sur un énorme bateau avec un mec que je ne connais pas, que je n´ai jamais vu (il avait engagé un skippeur pour la transat 6,50, je ne l´avais meme pas rencontré à Madère, c´est pour ça que je ne me souvenais pas bien de lui....), on a mangé des patates et une salade, et on est allés se coucher, à 23h, on a même pas attendu que le petit Jésus soit né! Mais! Chose incroyable et complètement magique, de la magie de Noël, nous étions au mouillage a Urca, quartier trés chic, au Iate Club de Rio, dans une marina qui nous offrait une vue imprenable sur le Pain de sucre et le Corcovado, éclairé! J´ai vu le grand Jésus debout tout illuminé, et quelques feux d´artifices qui venaient lui chatouiller les pieds. Rio était ce soir là, la plus grande crêche du monde. Assez sensationnel pour le coup, et surréaliste. Se retrouver lá, après 30h de bus, le soir du réveillon, avec un inconnu, devant le Christ Rédempteur, imposant ses mains sur une ville géante, un monstre fascinant, avec lequel j´ai accroché dès que j´en ai fait le premier tour en taxi. Rio je vais y retourner et y vivre un peu, ça a juste l´air génial, surtout la nuit, la nuit c´est trop beau (elle est folle). Passage éclair, mais très impactant.

samedi 26 décembre 2009

Enfin seule!

Enfin seule, enfin! Autant de terre que je le veux, autant de grasses matinées que je l´éxige, mes décisions, mes droits, mes devoirs, ma liberté! Quatre mois, presque quatre mois que je me tape du bateau, des skippers, le rallye, la mer, la bouffe, le ménage, la vaisselle, les courses, les obligations, les chiottes immondes, les douches communes, les vieilles à poil, les tea-bags qui pendent... Et me voilà ici, dans ce petit coin d´paradis, perdue dans une île, seule, seule avec moi-même, sans dieu, ni maître, ni loi, avec l´ínnébranlable conviction que maintenant tout peut arriver, surtout le meilleur. Je suis lâchée, personne ici qui me connaisse, pas de skippeur, pas de N, pas de rallye, les chats sont partis, la souris va danser!!!! AAAAAAAAAAAhhhhhhhhhhhhhh!!! Bonheur...

Au départ je devais rester jusqu´au 10 janvier sur Solo, naviguer encore et toujours, mais sur un superbe bateau. Seulement, une fois Solo ayant quitté sa bouée, une fois sa grand-voile envoyée, je me rends-compte que Solo reste un bateau, que la mer reste salée, le vent capricieux, et que je reste une équipíère, seule avec un skipper. Ça ne me plaît pas. Solo est beau, majestueux, impressionnant, mais il ne m´impressionne pas, et je veux débarquer. J´en peux plus de la mer! Heureusement pour moi, Eric reçoit un coup de fil comme quoi il y a six brésiliens qui viennent réveillonner sur la bête pendant une semaine. Ah! Moi j´ai dit, fais pas la conchita, je débarque ici, dans ce paradis, pas de problèmes, je me démerde, rén fais pas pour moi, on se re-catche plus tard...youhou!!!! A moi le gros caillou, à moi la terre!!!

mardi 22 décembre 2009

Virement de bord

Cette année le père Noel me gâte, et m'offre une virée gratuite sur "Solo", (un monocoque de 20 metres de long, 6 de large, participant du Vendée Globe en 92), en compagnie de son skippeur, Eric Dumont, le propriétaire de la bête. Solo accompagnait la course mini-transat 6.5 sur laquelle j'essayais d'embarquer à Madère, Eric Dumont s'est souvenu de moi qui harcelait les skippeurs des voiliers accompagnants , et m'a contacté pendant que je traversais le grand bleu. A la base il voulait que j'embarque pour une semaine sur son bateau, il avait besoin de quelqu'un pour servir l'apéro aux chefs d'entreprises, qui paient une petite fortune pour venir naviguer sur son bateau. Mais finalement rien ne s'est fait, et le bonhomme m'a dit que je pouvais venir avec lui quand même. A son premier message, j'avais dit que je ne viendrais pas mais que je voulais monter un projet de reportages voyages. Je lui ai demandé si, dans le cas ou je trouverais un cameraman, il était possible que nous montions a bord a l'occasion. Il m'a alors répondu qu'il filmait et montait des images pour faire des courtes videos sur ses expériences avec son bateau, et qu'il pouvait tres bien me filmer en train de chanter à terre, et faire des petites vidèos...Il a quatre cameras, j'ai vu ses montages, ils sont un peu "bateau" mais au moins il sait cadrer et monter. J'étais emballée, mais quand même chiffonée a l'idee de faire la serveuse, de faire de la mer (j 'en peux plus de la mer!), et j'hésitais au point qe j'ai dit aux parents hier que je restais à Salvador et n'y allait pas. J'ai eu pour la pemiere fois le skippeur au téléphone aujourd'hui, il m'a donc dit que finalement le bateau n'était pas loué (donc pas d'apéro), que je pouvais venir quand même, qu'on ne ferait jamais plus de 24h de nav (pas trop de mer), qu'on allait caboter et mouiller l'ancre dans des iles a côté de Rio, puis remonter sur Salvador pour y arriver le 10 janvier. A chaque escale, tous les jours ou presque, je chante, le skippeur me filme, on monte, on poste. Je ne pouvais franchement pas rêver meilleure configuration pour mon petit projet, j'ai donc viré de bord et fais cap demain su Rio en autocarro, 27h de route, avec toute ma joyeuse bande de toujours, le sac a dos, la gratte, la batterie, l'ampli, etc etc... Solo remonte ensuite sur les Caraibes, et devinez par où il passe? Par Saint-Martin! Et qui y a-t-il à Saint-Martin? Les tchèques, les crazy tchèques, les copains de toujours, les frères, mon sang, ma chair! Fakt dubri curva ty vole!

samedi 19 décembre 2009

Le journal de bord de la grande traversée, suite

Le 03 décembre 09

François est du dernier quart, Nyels et moi grasse-matinons jusqu’à 9h. Petit dej vite fait, suivi d’un grand nettoyage du bateau, cabine pour moi, cockpit pour Nyels. François, lui, très pro, assure la vacation de 9h30. Il nous propose ensuite de prendre une douche, nous acceptons avec joie. On met la musique à fond sur le pont et nous frottons à tour de rôle au son des violons irlandais. Il y a une gaieté sans précédent dans l’air, nous sommes en mode spectaculaire ! Le luxe de la douche, le doux balancis de Pilou, l’entrain qui sort des enceintes de cockpits, nous mettent dans une joie presque transcendantale. Nous sommes aux anges. Mais Nyels et moi on est toujours H.S et on part siester pendant que François met la dernière main au colombo qu’il a mitonné la veille, et dont nous allons nous régaler au déjeuner. Pour nous faire sortir de nos couchettes, il met la musique à tue-tête, et nous accourons faire ripaille du délicieux plat qu’il a préparé. Succulent déjeuner qui s’achève avec une salade de fruits, c’est équilibré, sain, énergétique, tout ce qu’on aime ! Nous sommes à présent tous les trois sur le pont, et les deux hommes sirotent un café digestif pendant que je fais le présent récit de la mélodie du bonheur que nous chantons tous les trois sur Pilou. Ils viennent tous les deux me rejoindre là ou je me suis posée, sur le rouf, pour tenter de me déconcentrer. On est tous les trois, là, ensemble. Ce ne sont pas Nyels et moi, les deux jeunes, et François, le skippeur, le vieux de la vieille. Non. C’est Nyels, Anne et François, les trois matelots, qui traversent ensemble l’atlantique. Je sens notre petite bande solidaire, soudée, on s’aime quoi. Et on ne peut pas en dire autant de tous les autres équipages sur le RIDS. L’instant carte noire passé, try to remember when life when so tender, nous siestons à tour de rôle. A mon réveil à 16h30, Nyels dort, François est debout. Je quitte la position allongée de ma couchette pour m’étendre dans l’exacte même position sur les coffres de cockpit, et offrir mon corps de sirène aux tendres rayons du soleil qui viennent dorer un peu plus le caramel de ma peau cuivrée….oui oui oui ! François passe du cockpit à la cuisine car il prépare une tortilla, et nous conversons gaiement. Il est très détendu, je dirais même, ultra-relax. Il me fait rigoler, je le fais rigoler, c’est le mode complicité, nous sommes deux adultes (ou presque, en ce qui me concerne, bientôt, bientôt !), redevenus un peu enfants, étant donné la légèreté de nos propos, et nous nous amusons bien ensemble. Je ressens une joie et une décontraction sans pareilles. Je suis heureuse de voir mon skippeur à l’aise, jovial et souriant. On connaît les skippeurs, on sait qu’ils ne sont pas faciles, on sait que la cohabitation de deux ou trois personnes qui ne se connaissent ni d’Eve ni d’Adam à la base, peut parfois donner des résultats catastrophiques. Point n’est le cas sur notre bord. Chacun y a sa place, son rôle, chacun y trouve son bonheur. François est notre super-skippeur-chef cuisinier, Nyels son premier équipier surqualifié, et moi la petite fée du voilier. Chacun sa route, chacun son chemin, mais un pour tous et tous pour un. Nyels nous rejoint, constate en regardant les photos que j’ai prises avec son appareil que le chef et moi nous sommes bien amusés, je le lui confirme. Petite chanson à la VHF, apéro, dîner de la succulente tortilla, tout cela dans l’entrain et l’enthousiasme que François pour beaucoup, nous communique.

4 décembre 09

Ce matin Nyels, petit marmiton, grand prince, nous prépare un petit déjeuner de rois. Oranges pressées, café chaud, brioche grillée. Il pense même à mon petit yaourt ! Notre habituelle bonne-humeur anime ce début de journée, ce qui ne m’empêche pas d’aller me recoucher une fois la vaisselle achevée. Je suis absolument crevée, et ne comprends pas pourquoi. Le sommeil, sur une longue traversée comme celle-ci, est quelque chose de très délicat à gérer. Surtout que nous ne faisons jamais les mêmes quarts et ne savons pas vraiment à l’avance lequel nous allons faire, donc si vous avez siesté de 16 à 18, et qu’à 20h vous devez aller vous re-coucher pour dormir quatre heures, vous etes foutus. La journée, tout vous pousse à dormir. Les mouvements suaves et fluides du voilier qui vous bercent, la moite chaleur de l’équateur approchant, l’oisiveté des moments ou vous n’etes pas en train de manœuvrer ou d’œuvrer pour votre bateau. C’est pour cela qu’il faut tous les jours vous trouver une occupation. Pour le skippeur, c’est facile, il a toujours une épissure à coudre, une lumière à régler, une installation à peaufiner. Pour l’équipier un peu tir-au flanc, classe dont je pense très largement faire partie, il est plus difficile de s’arracher volontairement à la douce paresse dans laquelle on se complait allègrement. Ces longues journées qui vous offrent les promesse d’heures interminables passées à roupiller, rêver ou bronzer, vous plongent dans un monde merveilleux ou chaque devoir, chaque obligation, vient gêner votre insatiable envie de n’absolument rien faire. Heureusement, heureusement ! Que vous aimez votre bateau, son équipage, et que, par affection pour eux, vous concédez de temps à autre, et parfois même, de votre propre initiative, à vous remuer le popotin…. ! Bien sur j’exagère, que mes parents se rassurent, je me fais un point d’honneur à être digne de l’éducation qu’ils m’ont donnée, et saute sur toute les assiettes, tous les placards, tous les fonds, mon rayon c’est l’intérieur, mon champs d’action y est illimité, les bacs à munitions, liquide vaisselle et sopalins, sont pleins. J’interdis formellement que quiconque touche à ma spontex, l’arme redoutable par excellence de la femme de ménage fatale que je suis devenue, Super-Conchita, !
L’oisiveté totale est donc proscrite, bannie. Tristesse, dépit, pour l’affreuse paresseuse que je suis. Mais bien heureusement, il y a 24h dans une journée, n’importe comment, on a quand même le temps de perdre du temps. Comme nous le faisons cette après-midi avec Nyels, pendant que le chef fait son somme. Nous sommes sur l’étrave, le mp3 dans les oreilles il fait beau et Pilou, coiffé de son spi, bombe. Nous nous faisons masser les pieds par les flots d’eau que sa coque soulève. On pourrait rester là toute la vie si le pilote, quatrième membre de notre joyeux équipage, ne décrochait pas de temps en temps, faisant partir notre bateau à l’abattée et manquer son cap. Sitôt qu’il sent Pilou abattre, Nyels bondit tel un kangourou affolé et court remettre la bête dans le droit chemin, d’une poigne ferme et experte… Le soleil est encore haut, le chef s’affaire maintenant en cuisine, il sort des aérateurs un doux fumet de risotto au vin blanc destiné à venir régaler nos papilles et réguler notre transit intestinal… Et toujours, le temps s’étire, le temps donne, et nous le prenons, quand un citadin dirait qu’il le perd. C’est trop bon. C’est trop bon de ne rien avoir à faire. Soudain, branle-bas de combat, c’est l’heure de l’apéro ! Tout le monde au front, les uns au frigo, les autres à la planche à découper, il faut en découdre avant l’heure du dîner, le temps fort de la journée. Mais ! Horreur, putréfaction, il va falloir affaler le spi, et, malédiction, je dois aider à la manœuvre. Non non non ! Je suis bien plus utile au fromage et au saucisson ! Je me résigne, je m’exécute et monte sur le pont. Anne ! tu vas aider Nyels à rentrer le spi ! Comment ça aider Nyels ???!!! Depuis quand Nyels a-t-il besoin qu’on l’aide ? On nage en plein délire ! Malgré toute l’incongruité de la situation, j’obéis aux ordres et vais aider Nyels. Le spi couché, (manœuvre géniale, il faut rentrer une voile d’une surface impressionnante à toute vitesse sur le pont sans lui faire toucher l’eau, juste grisant), nous attendons très impatiemment que François termine la vacation pour faire ripaille de son oh combien excellentissime et divinatoire risotto….

Le 05 décembre 09

Je passe un quart de nuit magique, comme le sont toujours ceux que l’on fait de 4h à 8h du mat’. Avant que n’apparaisse le soleil, vers 6h, le jour se lève, le ciel est bleu, clair, puis la grosse boule jaune orangée pointe à l’horizon et vous en met, comme d’habitude, plein les yeux. Il fait beau aujourd’hui et cela parait presque normal. Depuis que nous avons quitté Madère, tous les jours, le temps est au sourire… Je laisse les garçons dormir un maximum, chut plus de bruit, c’est la ronde de nuit…. Ou du petit matin plutôt. Ils se lèvent tous les deux à 8h30, je suis un peu déçue car je voulais qu’ils dorment plus. Nous petit déjeunons et je pars aussitôt me recoucher pour ne me réveiller qu’à midi. On se croirait un dimanche matin dans l’ouest parisien… ! François nous prépare un déjeuner impérial, encore une fois, et aujourd’hui c’est la Sicile qui est à l’honneur : haransina (risotto roulé en boules, panées, et frites à l’huile d’olive), émincés de poulet panés, et une salade sicilienne merveilleusement assaisonnée (poivrons tomates oignons, et oranges…). On prend des milliards de photos pour donner l’éternité qui lui sied à ce repas de chef. Avez-vous remarqué comme François cuisine ? Il adore ça. C’est une manière pour lui de démontrer à la fois son amour aux gens qui l’entourent et le talent dont il fait preuve pour le maniement du couteau et de la cuiller en bois. C’est un grand chef cuistot, il pourrait ouvrir un resto sans problème, aucun doutes là-dessus. Il n’aime rien tant que les rassemblements autour d’une table, ou l’on sirote de fins breuvages et déguste de délicats mets, que le plus souvent il offre ou prépare. On découvre son amour du partage, de la communication avec l’autre. Quand je lui dis que j’adore regarder seule un beau paysage, il me répond qu’il n’y a rien de tel que de faire la même chose en bonne compagnie. Il adore converser, raconter, donner. C’est un être généreux, qui n’a pas peur de transpirer des litres, au près, juste pour le plaisir d’offrir à son équipage méritant, un repas de qualité hautement supérieure. Il faut savoir que bien manger en hauturier c’est un luxe, surtout pendant une longue traversée de 15 jours comme celle que nous entreprenons. On ne peut pas se ravitailler en produits frais et beaucoup se tapent des conserves de lentilles et des pâtes saucées tout du long. Les plus paresseux et délicats ont acheté tout un stock de plats cuisinés sous vide, qu’ils font réchauffer à chaque repas, sacrilège, hérétiques ! Nous on bouffe comme des rois, du frais, cuisiné par François. Donc à ce repas là, encore une fois, on se lèche les babines, on se bouffe les doigts… yaourts, gâteaux, on se fait exploser le bide, on ne se refuse rien ! Parce qu’on le vaut bien…. ! Vaisselle, puis chacun vaque à ses petites occupations, je lave une équipée, François fait sa correspondance, Nyels entreprend une lessive de torchons. Puis les deux équipiers de Pilou, qui aujourd’hui, oh bonheur, est couronné de son spi, se retrouvent à leur qg, sur l’étrave, pendant le chef, lui, est tout à sa sieste. A l’étrave, on décroche. On ne pense plus à rien, ou alors, on pense à l’essentiel. On contemple, plus que jamais, le ciel, la mer, le soleil, les monceaux de flotte que remue Pilou en traçant à 7 nœuds. On s’allonge, et on voit le spi voler au dessus de nos têtes, onduler gracieusement, parfois faire un caprice, puis sagement revenir au raisonnable, grand, gonflé, puissant. A l’étrave, si on s’assoit sur le balcon, dos à l’horizon, on voit Pilou mieux que jamais, sous son plus beau profil. On admire son bois noble, ses courbes parfaites, l’harmonie de sa coque, du pont et de sa capote, la qualité de ses toiles, l’ordre de ses écoutes. A l’étrave, on est un quidam qui voyage sur l’eau. On est loin, je suis loin, et je reviens chez moi. Je pense à la France, à mon retour, à mes parents. J’ai hâte d’arriver au Brésil, mais si j’avais une baguette magique, je reviendrais bien, comme ça, un passage éclair, en un clin d’œil. Juste le temps d’embrasser, de serrer fort, de rigoler, et hop ! Je repartirais. Alors à l’étrave, je vous visualise, je vous imagine : elle doit être à la fac, il est à la table de son bureau, il écoute sagement la maîtresse, elle déjeune avec une copine, il persuade un client, elle regarde un court-métrage, il donne un cours de maths, elle charge des photos sur facebook, il cherche une bonne zik sur Internet, elle prépare à manger pour les choux. C’est fou, mais quand je suis parmi eux, en France, souvent je me terre et ne veux ni n’ai besoin d’avoir de nouvelles de personne, et maintenant que je suis loin, par moments j’adorerais pouvoir les accompagner dans le moindre de leurs faits et gestes. Loin des yeux, près du cœur….
Nyels et moi décrochons tous les deux à l’étrave, le soleil est de plomb, une petite brise douce vient nous rafraîchir, allongés, assis, n’importe comment, à l’étrave, on est toujours au top.
Soudain, branle-bas de combat, le chef se lève et lance le quart d’heure hygiène, tout le monde à la doudouche ! Tout le monde sur le pont, on attrape son maillot, son savon, et on se succède, les uns à la suite des autres, on se fait tous beaux. Le chef se rase, je me recoiffe, Nyels change de calcif, c’est le bal de la rose sur Pilou ! Tout le monde sent bon, tout le monde est content, on se sèche aux rayons du soleil, c’est encore et toujours le bonheur. Je retourne à l’étrave jusqu’à l’heure du dîner, l’étrave c’est un peu mon canapé, mon salon télé, ma chambre à coucher. La richesse des précédents repas me fait craindre la tellement redoutée prise de poids. Je suggère le menu du soir : légumes vapeurs, je vous en supplie !!!! On accède à ma requête. J’épluche, coupe et mets dans la cocotte pommes de terres, patates douces et carottes. En attendant que ça vaporise, je retourne à l’étrave. François remonte du bureau et s’assied dans le cockpit. Je le vois, il me sourit et lève le pouce, je lui souris et lève le pouce. Je reviens vers lui pour lui poser une question à propos de la meilleure démarche à suivre à en cas de tsunami, il me répond qu’un tsunami en pleine mer c’est impossible, un bref instant, je reprends place sur mon trône intersidérant de la connerie… Il me demande :
- Es-tu heureuse ?
- Oui François, je suis au comble du bonheur ! (c’est en partie du aux légumes vapeur, de la futilité d’être une femme….)
- Ça se voit, tu es rayonnante…
- C’est grâce à toi François, c’est grâce au Pilou !
- C’est sûrement aussi ce que tu portes en toi…
Ouououshhh je blushe….
C’est vrai que jamais, au grand jamais, je n’ai été aussi heureuse que depuis que j’ai quitté la France, le 5 septembre 2009, la veille de mes 25 ans. En voyant ce quart de siècle approcher, je me disais : « J’vais avoir 25 ans, va falloir que je fasse quelque chose, que je commence très sérieusement à me bouger. » Jusqu’ici je n’ai rien fait de vraiment important. J’ai certes, pu avoir une quelconque utilité dans certains domaines secondaires qui m’ont valu de frugales rémunérations. J’avais alors la douce illusion que même si mon rôle était sommaire, quel que soit celui que je joue, serveuse, vendeuse ou nounou, ni indispensable, ni irremplaçable, il avait son degré d’utilité, faible oui, mais bien réelle. Malgré cela une autre partie de moi-meme se disait, en même temps que mon entourage me le rabachait, mais tu ne vas pas faire serveuse ou nounou toute ta vie quand même ?! Cela ne m’a pas empêché d’éprouver une certaine passion, toujours éphémère, pour ces « sots » métiers. Dans un bar Erasmus de la contrescarpe j’ai vécu des bonheurs immenses. Une serveuse, moi, un barman iranien beau comme le jour, jeune comme l’aube, un patron libanais tout aussi qualifié pour remporter tous les suffrages, un bar rock, pas cher, des jeunes, des universitaires, des étrangers, tous les soirs, de 20h à 3h du mat’, plus les prolongations, au son de la guitare, aux sucre des cocktails, jouées rideaux fermées en petit comité, avec les meilleurs potes de chacun, petit cercles de privilégiés, qui font très souvent courtoisie de leur visite. J’étais payée à rigoler, boire, écouter de la bonne musique, à être gaie et charmante, avoir des nouveaux amis tous les jours, à voir mes copains, leur servir des coups, j’étais payée à être heureuse, et diable ! Je l’étais sacrément… ! Mais ça n’a pas duré. Trop fatiguant, et toujours, au bout d’un moment, une fierté mal placée me fait haïr des patrons qu’hier j’adulais. Je peux obéir, mais à petite dose, et souvent je fais preuve au début d’un tel zèle et d’un tel enthousiasme, que mes patrons ensuite, s’habituent, puis exigent de moi de plus en plus, m’exaspérant, me révoltant par là même, m’empêchant selon moi d’être libre et de n’en faire qu’à ma tête. Je finis toujours par fatiguer. Je ne supporte pas les patrons, ils m’usent. Ils sont exigeants, parfois méprisant, ils se croient tellement importants, remplissant la vacuité de leurs journées de tout un tas d’autorité, de soi-disant morale, d’airs prétentieux , de la petite importance qu’ils sont persuadés d’avoir. Ils bombent le torse, se raclent la gorge et vous crache dessus, ne voient que leur raison, n’écoutent que leur bon droit, ils aiment le pouvoir, ils en abusent. Les patrons ne sont pas heureux, sinon ils seraient plus sympas. Et encore je n’ai pas du subir les pires patrons que la terre puisse porter. La plupart du temps, j’ai aimé mes patrons, puis j’ai été déçue, et lasse de travailler pour eux. Après des expériences dans le milieu de la restauration, monde sauvage de bêtes féroces, de personnalités complètement farfelues faisant hautement démonstration d’un mélange d’extrême sympathie et de suprême autorité envers leur personnel, après les insupportables aberrations du restaurant le Flora en Argentine, ou j’ai transpiré, rit et halluciné total, je me suis dit, les patrons, plus ja-mais !!! Me voilà à présent, dans la rue (le plus grand théatre de toutes les libertés, y compris des plus immorales), toute seule, personne au-dessus de moi, personne en dessous, et je peux me faire plus de sousous que je n’en ai jamais fait auparavant, en tant qu’employée. C’est pas le bonheur ça ? Et je vais, à la voile de surcroît, dans un pays dont je rêve depuis près d’un an maintenant. Je vivrai au soleil, avec des gens sympas à qui je chanterai des chansons toute la journée, c’est pas pépère ça ? Personne qui m’ fait chier, personne à faire chier, je serai peinarde, tranquille ! S’ajoute à tout cela une traversée idyllique, vécue avec des gens formidables, deux hommes, deux personnalités, deux amis avec qui j’aime parler, rire et naviguer. Tu m’étonnes que je nage dans le bonheur François, jusqu’ici, tout baigne ! François est heureux de constater ma félicité, nous sommes tous heureux, la vie est belle !
Nous passons à table. Je vois ma joie décupler à la vue de tous ces bons légumes plein de vitamines, qui ne transpirent pas d’une seule goutte de graisse ; le bien manger c’est trop bon… ! François est de premier quart, j’ai celui du chien, que je passe à faire de la lecture, des mots fléchés, et à écrire ces pages.

vendredi 18 décembre 2009

Nyels, ou l´oie sauvage

Nyels est mon équipier, mon pote, mon frère. Dès notre première rencontre, j´ai su d´instinct qu´on s´entendrait à merveille.
Il est breton. On le saura. Comme beaucoup de bretons, il est plus breton que français. Il a même apporté un drapeau de sa belle région, qu´íl a accroché dans le bar le plus sympa de Mindelo, O Clube Nautico. Nyels est assez parfait, comme ami, comme équipier. Tout d´abord, il est beau. Superbe même, grand, fin, élancé, une bouille d´ange, des immenses yeux rêveurs. Il ne laisse pas les filles indiférentes et nombreuses sont celles qui lui font des oeillades langoureuses dans la rue... Mais mais mais, Nyels s´en fout, car Nyels est amoureux, très très amoureux. Par discrétion pour sa douce, je l´apellerai M. M est sacrément jolie, et sacrément chanceuse. Elle a trouvé une perle rare, fidèle en plus, c´est pas tous les jours... M manque énormément à Nyels, et c´est un peu le bonheur sur Pilou quand il a de ses nouvelles par téléphone ou qu´il lui parle par facebook, l´oie sauvage bat gaiement des ailes, et une bonne humeur irresistible plane au dessus de nos têtes. C´est Noel quoi! Mais, Nyels a une maitresse. Exigeante, parfois douce, d´autres, impitoyable. Elle est d´une beauté sans pareille, sans limites, elle est grande, envoûtante, mystérieuse. Cette maîtresse, M la connait, elle l´aime aussi, cette maîtresse, c´est la mer. Harmonieux ménage à trois, M n´est pas de celles qui qui disent, c´est elle ou moi. Une perle, rare.
Nyels est un ami. Un des meilleurs. Je peux lui faire une confiance absolue, totale, je sais qu´il ne me trahira pas. Il est droit, honnête, et courageux. Il est aussi très libre, et ça, c´est patate. Je suis du genre indépendante, et volage. Il m´arrive souvent de quitter subitement les gens avec lesquels je me trouve, pour aller vadrouiller ailleurs, sans mots dire à personne. Nyels, jamais, ne m´en tient rigueur. Il part aussi de son côté, et de toute façon, nous savons toujours que nous nous retrouverons sur Pilhouë. Notre humeur est toujours bonne, gaie, et je n´apprécie rien tant que les matin bonheur que nous partageons, à petit déjeuner sur Pilhouë, en musique, en danse, en joie! Nous avons la même passion pour l´image, l´appareil photo, et nous mitraillons à tout va, c´est à qui dégainera le plus vite. Nous avons la même passion pour les gens, les rencontres, la gentillesse gratuite, les petites histoires, les grandes anecdotes, les coups à boire... Nyels a une sacrée descente d´ailleurs, c´est bien dommage que je ne supporte plus trop l´alcool, on pourrait faire de sacrés concours, car à une époque, j´étais une sacrée pochtronne, et pouvait piccoler comme un homme, sans vomir, exploit! Force de la nature. Mais maintenant c´est différent, l´alcool ça fait grossir, et c´est principalement la raison qui m´empêche d´en consommmer ( si les clopes pouvaient rendre obèse, je serais un exemple de santé...). Ça ne m´empêche pas de prendre quelques bonnes cuites, mais rarement. Hier matin je me suis retrouvée zigzaguant sur un catway, á 7h du mat, avec quelques anglais, et des français, et oh suprise, j´ai coiffé l´oie sauvage au poteau, qui est partie se coucher avant moi...Quand je m´y mets vraiment je suis imbattable...!
Nyels est un super équipier, un sur-équipier. Alerte, agile, observateur, logique, vif, bosseur. D´ailleurs dans le rallye, tout le monde rêve de l´avoir sur son bateau, et les propositions alléchantes ne manquent pas, caisse de bord gratuite, billets d´avions offerts pour la France... Mais il est sur Pilou, et il y reste, c´est nous qu´on l´a avec nous, c´est nous qu´on est content!!!!
Sur Pilou, déjà, quand il se lève pour son quart de nuit, la première chose qu´íl fait, il monte dans le cockpit à peine réveillé, voir comment se tient Pilou. Il pisse, et si réglages à faire il y a, il fait. Il remplit le livre de bord avec une précision métronomique, et ajuste sans cesses les voiles de`Pilou, même quand il y a 2 cm à border, il borde. Il insiste pour que je mette mon harnais, doit souvent me répéter, un homme à la mer est un homme mort. Il m´appris à faire sur la jupe et à l´étrave, grâce à lui je suis propre et n´ai plus à m´emmerder avec la pompe des chiottes du bord. Merci l´oie sauvage!
Nyels imite merveilleusement les animaux, et les gens. Il ferait un grand acteur. Son sens de l´oservation transparaît dans toute sa splendeur lorsqu´il imite pour nous les chèvres, les rossignols, les chats. Il a été au lycée agricole, c´est là qu´íl a appris avec talent le langage de nos amies les bêtes.
Je lui prédis un grand avenir. Il a du talent et de la personnalité, le sens des gens, le sens de l´autre. Il est présent, mais discret, droit et fier, il ne s´en laisse pas compter, mais fait preuve d´une grande générosité, et d´un sens de la solidarité qui lui vaut l´amitié et le respect de tous. L´oie sauvage (je l´appelle ainsi en référence au conte pour enfants que j´écoutais en boucle sur mon petit poste fisherprice étant petite, Niels Olgerson et les oies sauvages) volera plus loin que la Laponie, sans doute jusqu´ aux pôles. S´il veut faire du bateau sa vie, il ira aussi haut que ses rêves le porteront, car à coeur vaillant, sincère et pur, rien d´impossible.

jeudi 17 décembre 2009

Le journal de bord de la grande traversée

Le 1er décembre 2009


14h30 : Nous nous apprêtons à appareiller. Tout le monde est là, sur le catway, pour assister à notre départ, Pilou est un peu une star ! C’est la joie, l’effervescence, l’excitation des grands au revoirs, nous bisous à toutes joues et bon-ventons allègrement. Ces au revoirs là ne sont pas nostalgiques, ils sont plein du rêve que nous promet la traversée. Enfin nous larguons la dernière amarre et ne sommes plus que bras agités et Pilou Pilou hurlés au vent. Il nous faut maintenant sortir du chenal, et prendre le large. Le vent souffle par force 7, la mer est agitée, Pilou, à la grand-voile duquel nous faisons prendre 1 ris, bombe à 9 noeuds ! Une fusée. Nous lui remettons deux autres ris dans la tronche, il trace encore à 7 nœuds. Nous tenons sa barre à la main pou le prévenir de l’assaut des vagues et des rafales.

Ce matin c’était le stress des grands départs, nous avons crapahuté dans toute la ville avec mon sur-équipier Nyels l’oie sauvage pour acheter pain, viande légumes. Nous avons préparé Pilou pour son grand voyage, appelé une dernière fois nos proches, et nous voilà maintenant, faisant cap au 180, partis, enfin pour le Brésil.

Le vent souffle fort, avec des pointes à 25 nœuds, il postillonne en permanence sur Pilou, au point que nous devons enfiler salopette cirée (bonheur !), et blouson. Nyels retrouve ses sensas et sa concentration toute professionnelle. Il a fière allure, debout, campé, les deux mains sur la roue, le regard vissé tantôt au compas, tantôt à l’horizon, il tient Pilou au respect, dans son cap, du sud du sud du sud. Il cogite, il pense ses petits réglages. Il y beaucoup d’air, Pilou est dur à la barre, il suggère le 3ème ris, nous le prenons. Nous sommes tous un peu vannés. Ce soir ça sera pâtes au beurre, point barre.

La navigation est affaire de bon sens. Vous avez trois données : le vent, la mer, le bateau. Votre bateau est comme un cheval que vous devez brider ou laisser partir. Votre bateau doit avancer en gardant une stabilité maximale, compte tenu de l’air qui le pousse, et de l’eau qui le porte. Si le vent est trop fort et la mer trop agitée, vous devez réduire les voiles, sinon votre bateau, trop toilé, part dans tous les sens. Il faut ajuster vos réglages, ce sont les réglages qui font votre performance, optimisent vitesse et équilibre. Il faut être à l’écoute des éléments et de votre voilier pour pouvoir tracer votre route au plus juste. Toutes ces petites leçons rentrent dans ma tête au fur et à mesure , grâce aux explications précises que donnent en réponse à mes nombreuses questions, François et Nyels qui sont à mes yeux les deux meilleurs matelots, du rallye, et très probablement, du monde.... Grâce à eux je me sens plus à l’aise, moins débile profonde !

J’ai hâte de retrouver ma couchette, je suis vannée. Je ne dors pas tranquillement, je ne suis pas tout à fait bien amarinée.


Le 2 décembre 09

A 7h, Nyels tape à mon hublot pour me faire admirer le lever du soleil. Nous retrouvons nos petits mécanismes, nos petites habitudes, à nous Pilou !
Je me lève, admire , puis vais préparer une salade de fruits pour le p’tit dej du bord. François se réveille, file aux petits coins, et pousse des hurlements, « Ah ! Mais c’est dégueulasse ! ».. Je suis tout de suite visée, évidemment, puisque Nyels n’utilise pas les toilettes. Mais cette fois-ci, je n’ai plus peur, je n’ai plus peur des skippeurs. Je gueule à mon tour, amusée, Ah non ! C’est pas moi , moi j’prends pas ! 30 fois je pompe, à chaque fois, du bras droit, du bras gauche, cette fois-ci, c’est pas moi, c’est pas possible que ça soit moi, y en a marre !!! Je n’en peux plus des histoires de chiottes, les chiottes, ça ME pompe ! Finalement le chef découvre qu’il y a des microfissures qui empêchent le mécanisme de bien s’enclencher, je suis innocentée. Nous filons à huit nœuds, parfois neuf, Pilou va bien, Pilou va vite. Nous récupérons en siestant à tour de rôle de la vie de bâton de chaise que nous menons aux escales.

Je fais une longue sieste 4h environ, c’est dire si je suis crevée. Je me réveille pile pour le coucher du soleil. En même temps se lève la lune. Pilou trace vers le sud, à son bâbord et à son tribord, les astres du jour et de la nuit se font face, et nous ne savons plus ou donner de la tête, ni de l’appareil photo. Ce soir nous dinapérons, nous découpons du fromage, du pain, du saucisson, et on se pourceotte en écoutant la super musique rock touareg de François. On est tellement contents qu’on danse ans le cockpit, c’est frissons de bonheur sur Pilou ! On va pousser l’enthousiasme jusqu’à introduire la vacation dont nous sommes responsables, en chanson. Qu’est-ce que la vacation ? La vacation, c’est la chose suivante : Nous sommes 38 bateaux faisant route vers le Brésil, divisés en trois groupes. Les plus lents sont partis en premier, le 30 novembre, les moyens en deuxième le 1er décembre (c’est nous !), et les plus rapides en dernier le 2 décembre. Un responsable de la vacation est désigné ou se propose, pour chaque groupe. Pour notre groupe, François s’est proposé. De fait, tous les matins à 9h30 et tous les soirs à 19h30, François appelle tous les bateaux de notre groupe pour leur demander si tout va bien à bord, et pour relever leur cap, leur allure, et leur voilure. C’est l’occasion de papoter avec chacun, c’est sympa, c’est RIDS ! Pour cette vacation-ci, j’entonne un Sodade qui nous ramène tous 150 miles en arrière, au Cap-Vert. Notre groupe salue avec joie cette lyrique introduction, on recommencera ! Déjà, il est 20h, l’heure du premier quart, le mien. Tout le monde va se coucher pendant que je veille sur un Pilou éclairé par une lune pleine et irradiante de lumière.

lundi 30 novembre 2009

La grande traversée

Nous partons demain, à 15h. Direction le sud, l'équateur, par des vents de nord, nord-est, les alizés. Nous traverserons le fameux pot au noir, et ses coups de pétole ou d'orages. Ensuite cap vers l'ouest, la course avec le soleil, la baie de tous les saints, Salvador de Bahia. 15 jours de nav, sans escale, dans un océan géantissime, vers une destination de reve, le pays de la danse, de la musique, de la joie de vivre, du soleil, vers le Brésil. Le rallye s'arrete à Bahia pendant un mois. Je pense que je resterai au moins quinze jours, car le rallye, c'est sympa. Après j'irai tcheker les environs pour trouver un coin tranquille mais animé où me poser et me reposer, répéter, jouer, gagner ma vie, dormir, manger, ziquer. Je suis on ne peut plus impatiente d'arriver, trois mois que j'attends ça! Trois mois que je pense Brésil, que je parle Brésil, que je reve Brésil.
Si ça ne marche pas, si la mayo ne prend pas, je remonterai vers les Caraïbes, comment je ne sais pas, mais c'est le plan. Ou le Mexique, il parait que c'est génial le Mexique, enfin j'ai le choix. si ça marche pas, j'irai ailleurs et pis c'est tout. Mais bon jusqu'ici mon instinct ne m'a pas trompé, le Brésil et moi c'est sur, ça va faire boum.

Ce soir c'est le dernier concert à Mindelo, bonheur et tristesse, car une fois encore je me suis trop attachée à la ville, aux locaux, aux français résidents, à la marina, au Clube Nautico, à la Praça Nova. Derniers coups au Clube Nautico, derniers moments au spot-ponton, derniers instants du coté est de l'Atlantique. Je savoure ces heures, elles sont peut-etre les dernières que je passerai sur cette terre, on ne sait jamais, tout peut arriver!

Si jamais le pire était à venir (pathos, quand tu me tiens!), sachez que c'était un réel plaisir d'écrire ce blog, de vous imaginer le lire, de recevoir vos encouragements . Mais mon plus grand plaisir sera d'avoir vécu toutes ces aventures complètement folles, d'avoir un peu réalisé mon reve, et d'avoir rencontré ces miliards de personnes qui m'ont tant raconté, enseigné, avec qui j'ai partagé des moments innoubliables, grace auxquelles j'ai presque constamment frissoné de bonheur. La page de l'Atlantique nord-est se ferme, rendez-vous dans quinze jours, pour ouvrir celle de l'Atlantique du sud et de l'est.

Le retour au bercail

Je suis revenue sur Pilou Pilou, j'ai retrouvé la petite famille, plus unie que jamais. Mais que s'est-il passé, pourquoi étais-je partie?
Il avait éte convenu dès le départ à Madère avec François que je ne resterais que jusqu'à Dakar, car ensuite il avait deux autres équipiers que prévu. A Dakar je suis allée sur Naomie II, qui au dernier moment, m'a dit ne pouvoir me prendre jusqu'au Brésil, à moins que j'accepte de voyager sans mes affaires et de dormir dans le carré, ce qui m'a paru un peu risqué. Je suis donc restée sur Naomie II jusqu'au Cap Vert. Il me fallait trouver un autre embarquement. Evidemment mon reve était de revenir sur Pilou, mais il y avait Joëlle et Yann, les deux équipiers fraichement embarqués à Dakar. Mais, bénediction divine, cadeau du ciel, Yann et Joëlle n'ont pas accroché avec Pilou. Quand je leur ai dit que je carressait le doux espoir d'y revenir un jour, ils m'ont dit qu'ils voulaient bien me céder la place. Inconscients! Triples idiots! Brader sa place sur Pilou, dans quel monde vit-on? Ils désertent le bateau du bonheur, mon père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font...

Me voilà donc à nouveau sur le Pilou, avec François, avec Nyels, les deux voileux, les deux compères, les deux copains. Il s'est noué une belle complicité entre eux, ils se font des petits plaisirs, ils préparent Pilou, ils bouffent bien, ils rigolent, je fais la vaisselle et je les écoute avec un attendrissement presque maternel. Les deux chiens fous s'entendent à merveille. Et dans la manoeuvre c'est pareil. Je suis impatiente de partager cette aventure avec eux, de traverser l'Atlantique avec les deux personnes que j'aime et admire le plus dans ce voyage. (paraitrait qu'ils lisent le blog, je brosse dans le sens du poil, éh éh..vont prendre la grosse tete c'est clair). Bref, mon désir le plus fou était de traverser sur Pilou, j'en revais, François l'a fait, merci merci, et merci aussi Joëlle et Yann.

dimanche 29 novembre 2009

Les trompettes de la renommée

Il est arrivé quelque chose de nouveau, une rencontre faite par un biais différent. Je suis sur mon spot ponton, en train de bouser gentiment sur ma guitare, quand une annexe avec deux hommes et une petite fille s'approche. Ils parlent anglais, impossible de savoir d'où ils viennent. Ils me demandent si je viens du nord et si je suis passée par les Canaries et Madère. Ils me demandent si c'est moi la chanteuse qui chante dans la rue. Ils disent qu'ils ont entendu parler par des hollandais rencontrés dans une marina, d'une jeune fille qui chante dans la rue et voyage en bateau. C'est toi? Alors là je ne me sens plus péter. J'ai une réputation, ça fait rêver! C'est bon dans un an je suis sur le Champs de Mars, Johnny fera la première partie du concert, dans dix je suis la chanteuse qui a vendu le plus de mp6 au monde depuis la nuit des temps, et dans 60 je suis mise en terre en la basilique Saint-Denis...
Je réalise une fois de plus que si je ne chantais pas dans la rue, ces gens là ne me connaîtraient sûrement pas, et je ne leur aurais peut-être jamais parlé. Les hollandais en question arrivent demain, on prévoit que j'irai les voir pour rigoler un peu, en tout cas c'est complètement dingue tout ça, et la rue, il n'y a que ça de vrai!

C'est dehors que ça se passe

Je suis persuadée désormais que la rue, c'est là où je dois être. Ma place n'est pas dans les restos chics, les bars branchés, les halls d'hôtels de luxe. Qu'est-ce qu'on s'emmerde, mais qu'est-ce qu'on s'emmerde! Il ne se passe rien à la terrase d'un café! Les gens sont là, ils sont assis, ils ne bougent que pour aller aux toilettes ou payer l'addition ou mettre des sous dans ma boîte (bon, là ça va, je ne les blâme pas), l'accès est interdit aux clodos, aux chiens des rues, aux vélos rollers et jeux d'enfants, on s'ennuie, on se tourne les pouces. D'ailleurs se sont les gens à la terrasse des cafés qui regardent ceux qui passent dans la rue et non le contraire. C'est dans la rue que ça se passe. Quand j'y marche dans la rue, j'entends mon prénom partout, les cireurs, les vendeurs, ils m'appellent, ils me causent, ils me font chier parfois, mais bon, on se connaît, on se supporte, et c'est sympa. Je chanterais dans des restos, je ne connaîtrais pas la moitié des gens que je connais maintenant à Mindelo, même uniquement de vue. Quand je vais dans la marina, les portiers, la police, les gardes de nuit, ils connaissent mon prénom, ils ont tous vu le concert, il lèvent le pouce, ils disent qu'ils aiment, sap ou fich, ça veut dire super, franchement c'est bonheur à chaque fois que je vois une tête inconnue m'appeler par mon prénom, me sourire et m'encourager. J'adore surtout quand c'est des femmes qui le font. J'apprécie vraiment quand c'est des femmes, ça me fait chaud au coeur.

Hier j'ai chanté dans un resto, mais j'avais la voix cassée. J'y suis allée quand même parce que ça faisait 2000 escudos sûr, donc pour le principe je me suis motivée. En plus repas et boissons offertes et le resto est trop bon, donc j'y suis allée. J'ai chanté, j'ai souffert pendant une heure et demi. L'après-midi, Andy le danois a quitté Mindelo sur son beau bateau, direction Tobago, mélancoliques adieux et je suis restée longtemps au bout du catway à le regarder s'éloigner, j'ai ressenti une tristesse comme rarement, j'étais ensuite complètement déprimée. La voix cassée, la joie en berne, j'étais sainte-Blandine sur ma petite estrade du Gaudi, martyre. Pourtant les gens aimaient, me souriaient, applaudissaient haut et clair, mais moi je n'y étais pas. Au bout d'une heure et demie je vais voir la patronne, Jeannie, ancienne danseuse de french-cancan, et lui dis que j'arrête. Elle me demande de continuer un peu plus longtemps, car une table vient d'arriver et a dit qu'elle aimait, il faut les laisser en profiter. Ok mais je prends une pause. Je sors du resto et me liquéfie en eau salée, je suis fatiguée, je chante mal, et j'ai une patronne au dessus de moi qui ne me laisse pas m'en aller, je déteste, je hais, j'abhorre! A bas, à bas les patrons! Je me jure à ce moment là que plus jamais au grand jamais j'irai me soumettre aux exigences de quelconque patron que ce soit, pour quelque somme d'argent qu'il m'offre. C'est fini, fini! et pis c'est tout! Ma place, ma liberté, mon bonheur, c'est dans la rue. Je suis à la rue, la rue est à moi, le reste n'est que futilités, grands airs, et exploitation.

La rue la rue la rue

La rue c'est extraordinaire. C'est magique, spécial, spectaculaire. La rue c'est spectaculaire. A chaque concert sur la Praça Nova, il se passe quelque chose, les gens se rencontrent, et il en arrive de partout. Déjà, sur le chemin qui m'amène à la place et où je traîne mon troly, j'attrappe au filet tous les petits vendeurs et vagabonds du coin. Vais tocar hoje? Sim. Et ils me suivent (tous les jours, ils sonnaissent mon prénom, me hèlent toute la journée quand je passe..), se posent sous mon nez sur un rebord de parterre de fleur, et attendent tranquillement que je m'installe. Les enfants aussi sont là, uma musica, uma musica, trop joyeux, leurs grands-mères et leurs mamans changent de banc et se rapprochent, et attendent aussi. Ils aiment bien regarder toute l'installation, je déballe, je déplace, je branche, ils commentent la batterie, l'adaptateur, ils sont impressionnés par mon équipement, mon bordel fait la moitié du boulot, il attire l'attention à lui tout seul. Il y a les tarés aussi qui sont là, ceux qui me parlent et qui ne grillent absolument pas que je ne les comprends pas, malgré le fait que je le leur dise dans leur propre langue, ceux qui sont en transe, les alcooliques qui titubent entre mon ampli et mon micro, etc, etc...

J'ai réalisé qu'il se passait des choses quand j'ai assisté au débrief du concert que faisaient les norvégiens, les danois, Alan et Andy de San Francisco au reste de l'équipage de JF-II, qui n'était pas là. Ils parlaient de tout un tas de gens, de situations, de petits moments pendant le concert, que, trop absorbée par mes efforts, je remarque mais ne prends pas en compte. Là ils mettaient tous ces petits moments en exergue, et j'apprenais un peu ce qu'il s'était passé, car il y a aussi des choses qui se passent dans mon dos et que je ne vois pas... mais quand aura-t-on des yeux derrière la tête???

Voici donc ce qu'il s'est passé, dans les grandes lignes
Je me suis installée donc devant des grands-mères, des mamans, des enfants, des clochards, des fous, des alcooliques, des cireurs de pompe, des travailleurs, des travailleuses, des étudiants, des touristes, des marins, il y a un peu de tout.
Je joue et c'est très apprécié. On se souvient que j'ai dis que je commençais à m'ennuyer. A ce concert, au lieu de me concentrer pour faire quelque chose de rapide et lucratif (de toute façon en Afrique je dois oublier la boîte à sous), je me suis concentrée sur chaque morceau à fond, j'y suis allée pas à pas, j'ai ralenti le tempo, j'ai fait durer les chansons, et du même coup, le plaisir. J'avais remarqué que les cap-verdiens s'animaient tout de suite dès qu'il y avait du rythme, et ils avaient l'air endormi pendant les chansons douces. Du coup l'angoisse que me causait leur baisse de régime me faisait perdre toute concentration, je pense même qu'on lisait sur mon visage que j'étais bien emmerdée et m'emmerdais. Je donnais tout sur les chansons rythmées et étais complètement déprimée et déprimante sur les chansons douces. Cette fois-ci, je me suis dis je m'en fous, j'y vais cool, peut y avoir dix personnes qui tombent comme des mouches ou zéro, je chante pour moi, je me fais plaisir, labes. Donc comme j'adore les chansons douces, je les chante doucement et délicatement comme j'aime, et je me rends compte que les gens ne s'endorment pas, ils écoutent. Et à la fin, leurs applaudissements me prouvent que j'ai fait bien. Je persiste. Au bout d'une demi-heure Andy de San Francisco débarque, un peu en retard, flanqué d'Alan, et ensuite les deux danois dont Andy et les norvégiens, les marins de Dania et Vega débarquent, et se posent sur le rebord de fontaine devant moi. Franchement j'ai trop la honte, c'est un peu comme si des jeunes français de mon âge venaient me voir chanter, je suis persuadée qu'ils vont se faire trop chier et me trouver cucul au possible, en plus pile le jour ou je mets de l'intention dans des chansons un peu trop fleur bleue parfois, genre je l'aime a mourir de Cabrel entre autres... Bref, panique, mais bon je décide de m'en cogner. Une chose est sûre, ils sont trop beaux , surtout Andy et les deux norvégiens, c'est l'horreur, c'est trop la honte. Mais bon j'y vais quand même. Il y a un mec en look total jean, fou ou bourré je sais pas, qui tourne autour de moi, crie, parle, mais bon je suis habituée maintenant, je ne fais même plus attention. Quand je fais LOVE, je dis en portugais que je vais faire des acrobaties, il comprend et pendant que j'enregistre la boucle, il se met déjà à faire la chandelle et des galipettes entre la boite a sous et moi, il est complètement rond ou taré, et très probablement les deux d'ailleurs, et c'est un clochard aussi, mais bon, là, maintenant, c'est une star, c'est le guest de mon show, qui fait comme tant d'autres auparavant, qui s'invitaient et me piquaient la vedette nen mais c'est hallucinant! Insupportable! Je m'habitue de plus en plus à ces intrusions, et même je m'en sers, j'en tire profit. Je boucle minha galera de manu chao, une ptite chanson courte et tout douce, je la boucle à deux voix, ravissant, me lève et vais chercher mon clodo-taré-bourré qui prenait une pose assis sur le rebord de la fontaine. Je l'invite à se lever, il se lève, et je le prend par la main pour qu'il me fasse danser. Mais il est trop à l'ouest, il fait un peu n'importe comment, alors je lui dis attends, je le campe en face de moi, je prends ses deux mains et les plaque fermement autour de ma taille, je colle sa joue à la mienne, et nous voilà, la chanteuse et le vagabond, ondulant cheek to cheek devant les cap-verdiens absolument charmés! On applaudit très fort! Obrigada amigo!
Un homme habillé d'un pull rouge, qui avait l'air juste fou, mais pas bourré, est arrivé et s'est prosterné devant ma boîte, genoux et mains au sol, puis il y a glissé de l'argent avant de se re-prosterner devant, je peux vous dire que j'étais soufflée, jamais la boîte n'avait reçu pareils hommages, mon coeur était gonflé de fierté! Au débrief de la petite bande, j'apprends que pendant la demi-heure qui a précédé ce noble et curieux geste, le fou en pull rouge s'est tenu derrière moi, la main sur le coeur dans une transe aux mouvements semblables à ceux que faisait Ray Charles quand il jouait ou chantait. Je m'imagine le tableau, mais pourquoi n'ai-je pas des yeux derrière la tête? Au brésil j'investis dans un rétro. Sur L.O.V.E je laisse mon total-look-jean breakdanser à sa manière, et l'accompagne de mes petits trucs de capoeira, la dream team donne tout Praça Nova!

Au débrief donc je m'aperçois de toutes ces petites choses et de l'impact qu'elles ont sur les gens. La bande n'a pas l'air de me trouver cucul, soulagement, je constate avec bonheur qu'ils ont tout regardé tout écouté, qu'ils sont surpris et plutôt contents. Mais ce n'est pas à ce moment là que je réalise que la rue est le terrain sur lequel je dois continuer d'évoluer, que la rue c'est mon terrain.

Flash of happyness

C'est la version d'Andy des frissons de bonheurs. Je n'entends pas beaucoup de monde parler des frissons de bonheurs, c'est une expression et une sensation que je pense être completement miennes, je ne veux pas dire que je suis la seule sur terre à les experimenter, mais j'y accorde beaucoup d'attention et d'importance. Quand j'ai un frisson de bonheur, je le remarque, et realise encore plus que je suis heureuse. J'ai sursauté quand Andy m'a fait la description de ses flash of happyness, car ils ont l'air aussi merveilleux et surprenant pour lui qu'ils le sont pour moi. C'est assez incroyable d'entendre une personne qui même si elle vous attire et vous plaît, vous est complétement étrangère, et expérimente les mêmes sensations que vous, les interprète et les qualifie surtout, de la même façon. Andy me parle des flash of happyness, je raconte les frissons de bonheurs, et on remarque avec allégresse que la fréquence des uns et des autres a fortement augmenté depuis que nous nous sommes rencontrés.
Il faut dire que nous sommes tous les deux de sacrés veinards. Nous sommes au Cap Vert, au soleil, nous nous apprêtons à traverser l'Atlantique, complétement dingue, on travaille, lui sur son bateau qu'il adore, moi sur la place que j'aime, on se retrouve tout le temps, pour discuter, rigoler, et flirter, la vie est belle...!

Quand je suis au soleil, les pieds dans l'eau, assise sur le bout du catway, avec devant moi les bateaux au mouillage, la majestueuse montagne, la mer, quand je joue de la guitare, quand je vais voir Andy sur son bateau, quand je discute avec les gens en annexe qui arrivent vers le port et font un crochet par le bout de mon ponton pour taper un brin de causette, quand je fais, vois et vis tout ça, je me dis qu'il ne peut y avoir de plus grands bonheurs que ceux que ressens pendant ces moments là, il y a vraiment des jours où la vie est trop belle.

samedi 28 novembre 2009

Plus belle la vie

Tout le monde est parti. Mes amis, mon "ex", mes chefs de bords. Il ne me reste que Pilou où poser mon bordel, mon bordel, et l'ordi d'Alain. Je suis toute seule, mais pas pour lontemps, il aura fallu que je traîne mon charriot dans la rue pour qu'Alan me tape la causette, et que je rencontre par la suite les Jean-François II, les norvégiens de Véga, les danois de Dania. Il aura fallu que je chante pour rencontrer Aurélie, ma copine d'une journée (elle ne restait que 24h). Le départ de tout ce petit monde m'aura valu une journée et une nuit riches en émotions, en surprises, plus bonnes que mauvaises. Une journée qui en vaut dix. Le lendemain, c'est matin bonheur, le soleil brille, les oiseaux chantent, la vie est belle, je suis seule, je suis libre, je suis forte, les gens sont beaux, ils sont sympas, love is in the air. Pas de chef de bord égale pas de devoirs, que des droits, je vais passer la journée sur mon spot ponton a bronzer, jouer de la guitare, regarder les allées et venues et admirer Andy préparer son bateau pour la traversée, en allant le distraire de temps en temps.

Andy est parfait. C'est normal, il est scandinave. Il grand, il est beau, il est gentil, il est intéressant, intelligent, calme, posé, il parle un anglais impeccable, il transpire et ne sent pas le savon de marseille, et devinez quoi, Andy est batteur, Andy a son propre voilier, Andy est en huitième année de médecine, Andy va être médecin anesthésiste, Andy fait un job utile, Andy est musicien, Andy est marin, c'est dommage qu'il ne fasse pas de capoeira, il était à deux doigts d'être mon âme soeur! Alors avec Andy on parle de musique, de voyages, de voile, on fume des cigarettes (Andy fume, ça c'est génial), on mange des pommes, on admire son bateau, on s'admire, on s'adore, on se connaît depuis deux jours mais on est à fond. De toute façon on sait que dans deux jours c'est fini, alors on en profite. Dans deux jours il traverse, sur son beau bateau tout rouge et blanc, qui à l'intérieur est complètement dingue, on dirait une vraie petite maison c'est trop sympa, il y a des vrais fauteuils, une grande cuisine, c'est parfait, c'est scandinave.
Il y a une chose que j'adore savoir, c'est quel a été le petit battement d'aile qui a poussé les gens à entreprendre la traversée.
Pour Andy, c'est un fil dentaire. Son dentiste lui a recommandé, pour limiter ses visites chez lui et économiser de l'argent, d'utiliser du fil dentaire. Il y a été un peu fort et s'est blessé, est retourné chez le dentiste qui ce jour là avait un magazine dans sa salle d'attente consacré à la voile. Andy l'a ouvert et lu un article qui parlait d'un livre intitulé "beyond limits", l'histoire d'un mec qui lâche tout et voyage en bateau. Ensuite il a acheté le bouquin, l'a lu, ça l'a fait rêver, il s'est dit qu'il voulait faire la même chose. Ensuite il se baladait régulièrement sur internet pour regarder les bateaux en vente, quand en pleine crise économique il a vu ce bateau (trop beau trop stylé) en vente pour une bouchée de pain, il était aux US à l'époque, il en a parlé à deux copains qui le suivaient déjà dans son délire, ils ont tous les trois emprunté, et ont acheté le bateau. Andy après vivait dedans tout en travaillant comme un âne à l'hopital pour payer le bateau, et économiser des sous pour le voyage en mer qu'il prévoyait de faire avec ses deux potes. Ils ont économisé, et sont partis, les voilà ici, maintenant, au Cap vert, à Mindelo, sur le ponton qui précède le mien, ils traversent dans deux jours. Je suis complètement sidérée par la force de volonté de ces mecs. Surtout que le troisième s'est cassé le pied au dernier moment et est reparti, Andy et Lizar vont traverser à deux, c'est assez chaud.

Andy donc, et moi aussi, on regrette bien tous les deux de ne pas avoir quelques jours en plus, mais on est quand même trop contents de s'être trouvés, how lucky how lucky!! Je passe donc une journée rayonnante, à faire tout ce que j'aime, jouer, bronzer, papoter, embrasser un beau garçon, sourire au vent, au soleil, aux catways, aux mâts, à la vie quoi!

Mindelo night

La nuit fut aussi pleine de surprises! Je me suis battue avec un vigile de boîte de nuit, j'ai le bras couvert de bleus, mais après le beau danois, Andy, m'a consolée, pendant trois jours nous avons filé l'amour parfait, jusqu'à ce qu'il parte tout à l'heure pour Tobago, sur son beau bateau de 13 metres en acier tout rouge et blanc, Dania.

Je me suis rendue au club nautique après mon tour, tout le monde était là, les gars de Jean-François II qui s'étaient trouvés des nénettes, les danois, les norvégiens, et tout le monde au rallye était parti en excursion, Mina 2, Naomie 2, Pilou, Malika, il n'y avait plus personne. J'étais seule de nouveau, mais bien accompagnée, par toute cette petite bande fort sympathique, tout plein d'histoires, les uns vont aux Caraïbes, les autres à Tobago, les derniers ne savent pas encore où.
Hop là! Présent.
Je débarque donc, bois des coups, écoute les histoires, papotte papotte, rigole rigole et fais de grands sourires au grand danois, qui s'est assis en face de moi. Il est blond aux yeux bleus, et j'adore les blonds aux yeux bleux. Il ne s'appelle pas Nicolas, et j'adore les gens qui ne s'appellent pas Nicolas. What are your plans tonight? Well well well I will very probably stay awake all night long! En conséquence je bois des caïpirinhas, et mange des patates douces, pour prendre des forces. Nous décidons d'aller au Cyrius, pour changer. Nous partons tous joyeux, nos deux bandes, Jean-François et scandinaves, ont fusionné, d'autres sont venus se grefer, on est plein, c'est la fête, que des gens que je ne connais quasi pas, personne du rallye, liberté, liberté chérie!

Nous arrivons au Cyrius. A l'entrée le gros vigile black nous donnes des cartons. Je pense en y voyant des lignes que c'est pour s'enregistrer au Karaoké, je le balance n'importe où. Je vais me chercher une énième caïpirinha, et veux ressortir pour fumer une clope, le vigile m'en empêche, il veut le carton. Je ne l'ai pas. Alors c'est 2500 escudos, soit 25 euros. Comment ça? Si tu n'as pas le carton pour sortir, tu dois payer 2500 escudos. En fait le carton c'est une sorte d'entrée, et quand tu bois des boissons tu les fais noter sur le carton, tu le présentes à la sortie à la fin de la soirée, et tu payes la note. Moi je n'avais pas le carton et le barman ne me l'avait pas réclamé. J'avais ma caï dans la main, et pas le carton. Je ne pouvais pas sortir à moins de payer 2500 escudos. Jamais de la vie. Pas question. Il faudra me passer sur le corps, ou je passerai sur le tien.

ça n'est pas la première fois que je suis confrontée aux vigiles. Les vigiles et moi c'est l'amour vache. Soit je les mets dans ma poche, soit je me les cogne. Au concert de M, on nous a sorti du public avec une copine parce qu'on sautait partout et qu'on bousculait un peu trop les gens. On était pas vraiment au devant de la scène, mais on pogottait comme des folles. Et ce sont deux énormes armoires qui ont soulevé mes 45 kilos, et qui m'ont dragué vers la sortie avec une brutalité inimaginable. En moi s'est réveillé le frisson d'injustice. C'est un frisson qui me rend complètement folle, surtout lorsque je suis l'innocente victime de l'injustice. Moi, frêle et délicate jeune fille, on se permettait de me brutaliser, d'employer la force, d'irriter mon soyeux épiderme, et bien qui s'y frotte s'y pique, on me prend pour une poupée de chiffon, on me traite comme telle, on va voir ce qu'on va voir. Je me dégage de l'emprise des vigiles (ils étaient deux, deux énormes connards moches grands et gros) en faisant un mouvement rotatif des deux bras en même temps (on m'a appris), et je me retourne et me jette sur aux pour les taper de toutes mes forces. Ils me reprennent, et je deviens encore plus folle de rage et de violence, je ne sais même plus ce que j'ai fait ensuite. On s'est retrouvées dehors, mais il restait une dernière copine à l'intérieur, on lui avait acheté le billet pour son annif, il fallait la rejoindre. Nous avons essayé de rentrer (c'était à Bercy) par tous les moyens, le parking, les issues de secours, l'entrée principale, rien n'y faisait. Nous arrivons à une porte d'entrée latérale où se trouve le chef des vigiles. On rassemble nos esprits, on essaye d'expliquer la situation, on discute, on argumente, rien n'y fait. Je perds patience et me jette de nouveau sur le chef des vigiles, et le tape. On nous fout brutalement à la porte, en disant qu'on appelle la police. On se carapatte du côté des caravanes techniques, on entend des voix, on voit de la lumière, on rentre, il y a un technicien. Je me mets à pleurer, on explique toute la situation, dix minutes avant la fin du concert il nous fait rentrer par les backstage, on retrouve la copine, tout est bien qui finit bien. Ou presque. Le frisson d'injustice me chatouille encore au corps. Le lendemain je prends mon téléphone, appelle Bercy pour avoir le numéro de la société de vigiles qu'ils ont engagé. On me le donne, ainsi que le nom du vigile en chef. J'appelle et demande à lui parler. Qui dois-je annoncer? Aurélie machichose, commissaire au poste de police du seizièeme arrondissement. On me le passe direct. Bonjour monsieur, j'ai sous les yeux la plainte qu'une jeune fille à déposé à l'encontre de votre société coups et blessures, je voulais savoir votre version des faits. Le vigile se souvient très bien de moi, il me fait ma description, une folle, une hystérique! Je veux bien le croire. Cependant, j'ai aussi sous les yeux des clichés des ématomes qu'elle a sur les bras, et ils sont assez impressionnant (j'avais des boules violacées sur les deux, mais je marque facilement). Vous ne croyez pas que les vigiles y sont allé un peu fort, je veux dire, elle est pas bien massive quand même, ils auraient pu y aller mollo. C'est vrai, c'est vrai, mais vous savez, ils font pas dans la dentelle, on les paie pour ça. Oui, mais bon, là quand même, la jeune fille est traumatisée (j'étais traumatisée), les bleus sont parlant, il y ont été un peu fort. Oui, peut-être. Le sentiment d'injustice s'en est allé, il a dit que c'était un peu abusé, il a reconnu qu'il y ont été un peu fort, c'est tout ce que je voulais entendre.

La deuxième fois que s'est réveillé en moi le dragon de l'injustice, c'était à Por-Cros, une île dans le sud de la France. On était tranquilou bilou dans une petite rue en train de discuter avec un copain, et on rigolait bien. On nous a dit de nous taire mais on a rien entendu. on nous a balancé un seau d'eau, et on a rien vu. Soudain un énorme chauve a déboulé sur mon pote et s'est mis à l'agripper violemment en lui hurlant dessus. Ni une ni deux, j'ai pris mon élan, et j'ai bondis sur son dos en lui cognant dessus de toutes mes forces. Il s'est retourné, m'a prise par les cheveux et traînée comme ça par terre sur 20 mètres jusqu'à ce qu'un autre jeune l'arrête. En fait on était sous les fenêtres d'un hostellerie, le gros chauve c'était le patron, le jeune c'était son fils. Le lendemain, j'avais mal aux cheveux et mal à l'injustice. Je suis allée voir le patron et je lui ai demandé des excuses. Il s'est excusé en ajoutant : "mais si mon fils avait pas été là je t'aurait jetée dans l'eau du port!" Il n'aurait pas compris son malheur. Ma vengeance aurait été terrible. Bouh!

Là encore, l'injustice planait au dessus de nos têtes et s'apprêtait à s'abattre sur moi, par sa main j'allais frapper le vigile. Je tente d'abord de discuter, charmer, argumenter, rien n'y fait. tout le monde s'y met, tout le monde discute argumente. je perds patience et décide de forcer le passage. Il me barre la route. Je pousse, je fais du rugby, je prends de l'élan et lui fonce dessus tête baissée, me heurte à un mur, que je tente de faire tomber à grands coups de poings désordonnés. Normalement quand on tape un vigile on se fait sortir, mais là, rien n'y fait, il ne voulait pas que je sorte. J'avais beau le taper, avec mes mains, avec mon portefeuille, rien n'y fait!
Je ne peux pas lutter, il est plus fort, j'ai du mal à le réaliser, à en convenir, mais c'est bel et bien le cas. Finalement je crache les 25 euros, mais en le traitant de tous les noms, en toutes les langues, je l'insulte, je le pourris. Tout le monde dit you are so french et le danois (je ne l'ai pas encore embrassé il n'a pas de prénom) me dit, you are beautiful when you are so mad ce que j'ai du mal à croire. Je suis toute chamboullée, les norvégiens sont emballés, it was a good fight, for a good cause! tout le monde est dehors maintenant, et on passe à autre chose, on reprend les petites histoires, les anecdotes, on papotte on papotte. Soudain une dame sort et dit qu'elle a trouvé ma carte, elle me la donne, je la brandis, triomphante, au nez du vigile, j'ai le sourire jusqu'aux oreilles, give me back the money now! On give me back the money. La dame, ma sauveuse, une norvégienne, vient me voir, elle me dit qu'elle m'a vue chanter à Madère, à Ténérife, et que ça la fait bien rigoler de me retrouver ici, et de me sauver avec ma carte. Je la bénis, l'embrasse, lui baise les pieds.

Nous partons faire la fête sur Vega, le bateau des norvegiens, il fait 9 mètres et on est 15 dessus, bientôt il y a trop de bazar, le danois et moi allons faire un tour sur les catway, et le danois devient Andy.

mercredi 25 novembre 2009

Surprise surprise!

Journée surprise aujourd'hui! Trop chouette! Que des choses complètements inattendues! Et je ne suis pas encore couchée...

Ca commence par un réveil en musique. je dors paisiblement dans ma cabine, quand soudain j'entends un petit son d'harmonica qui s'approche doucement de mon bateau, j'ouvre les yeux, je me dis, ça doit être Andy, de San Francisco, un des huit équipiers du bateau "Jean-François 2", un nom de bateau des plus augustes du reste, dynastesque... Après mon tour j'étais allée prendre un verre avec eux, et Andy jouait avec les groupe capverdien qui joue tous les soirs au QG de la marina, le Club Nautico. Il joue de la flûte taversière, du sax, et de l'harmonica, tout ça avec talent. La cinquantaine jeune, il se balade de bars en bars à chaque escale avec tous ses instrus en proposant ses services aux bandes de zicos, gracieusement, pour le plaisir, labes. Hier on a même joué ensemble, et avec le groupe, all together quoi, deux chansons de mon répertoire, un petit tour et puis s'en va.
On s'était donné rendez-vous le lendemain matin, et Andy est venu me cueillir au saut du lit du doux chant de son instrument. Je sors toute guillerette, devant le skipper Alain un peu amusé, hello Andy! So good to see you! Nice wake up by the way, very special and nice, thanks thanks! Bientôt ce sont 4 autres équipiers de J-F 2 qui rappliquent, et me voilà papotant gaiement au petit matin avec 5 mâles, devant mon bateau, à la fraîche, tout le monde est sobre, tout le monde est clean, labes.

Deuxième surprise, Amina m'annonce qu'elle et Alain vont excursionner à Sainte-Lucie avec le bateau, donc je dois gicler dans le quart d'heure. Sympa, de mieux en mieux! Pas grave, j'irai sur Pilou qui est fermé parce que François est aussi parti en excu pour 2 jours, mais les nuits ne sont pas froides, au pire je teufferai jusqu'au petit matin, ou dormirai sur les coffres de cockpit, nao importa. Bonheur par contre, Alain me laisse son ordi, exclu totale pendant 24h, bonheur!! Je gicle donc.

Troisième surprise, masse de touristes, j'avais pas du tout prévu, je cours chercher le matos. Sauf que dans mon empressement, je n'ai pas vu que mon sac à dos contenant partoches et jamman, autrement dit ma vie, mon sang, était tombé. J'arrive sur la place, j'installe tout et je m'aperçois que je n'ai plus le sac eastpack (quatrième surprise) avec mon jamman adoré! Panique TO-TALE!!! J'ai cru qu'on me l'avait piqué, je me souvenais parfaitement le mettre sur mon charriot. Je remballe tout en contenant très, très, très difficilement mes larmes, jamais eu autant envie de pleurer, JAMAIS! je confie le bordel au café d'en face, je pars en courant comme une dératée à la marina, sur un catway, je le vois, ma vie, mon sac, mon jamman. La lanière s'était défaite. Ouf! Jamais été aussi heureuse de ma vie, JAMAIS! La chance, mais la chance! Bref, je rapplique sur la place, rebranche tout, fais un tabac, et là, surprise, la cinquième, il n'y a que 18 euros.

Sixième surprise, à 19h, quand je m'apprête à gratter mes premiers accords sur mon spot de la Praça Nova, qui je vois qui débarque? Andy avec son sac à dos, et tous ses petits trésors... Joie, bonheur! Comment on fait? Je te regarde, tu joues, je me retourne vers le micro, je reprends. Impro totale, de flûte traversière, de sax, d'harmonica (il avait toutes les tonalités). J'apprends en même temps que le public, quand je le lui demande au micro, qu'il vient de san francisco, on est tous ébobis, on applaudit! Je réalise que je suis Au Cap vert, sur le point de traverser l'Atlantique à la voile, en train de chanter dans la rue, avec un marin venu de San Francisco, c'est juste taré....Les gens sont trop cool, trop joyeux, le lieu magique, la vie, belle.

Septième surprise, je me fais aborder dans le café où je vous écris en ce moment, jusque là, tout est normal. Mais, fait extraordinaire, c'est une fille qui vient me voir! Plénitude, je tressaille, j'exulte! Elle est hôtesse sur le bateau de croisière Costa Magica, il l'ont débarquée aujourd'hui pour qu'elle rentre en France régler un problème de visa. Elle m'a vue chanter, et là elle est assise en face de moi, on fait internet toutes deux (après ce poste j'irai accepter sa friendrequest sur facebook!!! surexcitant!!), en papotant, demain on ira peut-être à la plage ensemble, génial génial génial!!! Super journée!