Aujourd’hui, c’est le D day, c’est le danois day. Objectif, trouver Andy. Nous n’avons comme seule info que ces courtes phrases : « We are in Jost Van Dyke, in a beautiful anchorage ». Facile dit Dave, il n’y a que deux mouillages à JVD, on va trouver sans problème. Nous partons donc confiants, par une brumeuse matinée, la mer est argent comme le ciel, et l’on est enveloppé dans une moiteur humide qui filtre les rayons du soleil. Maya est à la barre, Dave allongé à côté d’elle règle la course et lui apprend comment marche le GPS, pendant que je dors dans le cockpit ou sur le pont, en écoutant la douce musique du mp3. Je suis très relax sur le bateau de Dave. L’ours blanc du grand Nord est un capitaine très décontracté, et il a un défaut que j’adore , le plus beau défaut du monde à mes yeux, il est bordélique ! Et moi, le bordel, j’aime ça. Les bordéliques sont les gens les plus cool de la terre, ils ne vous demandent jamais de ranger ou de laver, c’est merveilleux, vous faites le minimum vital, la vaisselle, mettre deux ou trois choses à leur place, mais vous êtes libre de laisser traîner quelques affaires si ça vous tente, semer deux ou trois petites choses par-ci pas là, comme ça, pour le plaisir, parce que c’est cool, on a beau être sur un bateau, on est pas au taquet, et ça fait du bien ! Sur Aeolus, je fais absolument ce que je veux, je dors, je joue de la guitare, et ma manière de participer à la vie de bord, c’est en entretenant de grands débats avec mon cap’Dave et ma co-tchèque, ou en leur grattant quelques morceaux. Les manœuvres sont très pépères, on avance à train de sénateur, les voiles battent parfois dans tous les sens sans que ça n’affole personne, relax, take it easy comme dirait notre copine Mika. Ou dans un autre registre, don’t worry be happy, ou, encore plus local, every little thing’s gonna be all right…. Aeolus zigzague entre les ïles, en contournant les nombreux rochers, dans un décor de carte postale à couper le souffle. Nous arrivons très tranquillement au premier mouillage de Jos Van Dyke, White bay, une longue plage de sable blanc devant laquelle on voit à l’ancre plusieurs catamarans et Bénéteaux de location. Je suis à l’étrave, jumelles en bandoulière, je cherche Dania. Je détaille le mouillage bateau par bateau, pas de Dania à White bay. Au second mouillage, quelques miles plus loin, nous jetons les chaînes, car c’est ici, à little harbour que nous devons passer la douane. Quand on navigue dans les caraïbes, on a intérêt à avoir le passeport solide, car entre toutes les ïles vierges américaines, les britanniques, et les autres, st Maarten Franco-hollandaise, Trinidad, Domenica, etc…on passe son temps à se faire tamponner à l’immigration quand on passe d’une iles à l’autre. Ce qui personnellement nous réjouit avec Maya, on demande des tampons bien propres, bien jolis, bien droits, on se compare les passeports, les visas, les voyages, on a hâte de devoir en commander un nouveau ! Dans ce mouillage non plus, pas de Dania en vue. Le jour commence à baisser, on se dit qu’on ira pas plus loin. Nous continuons nos recherches dans un troisième mouillage. Pas de rouge, pas de blanc, rien, niet, nada. On nous dit qu’il y a des dizaines de mouillages sur l’île, all around ! Dave dit Anna I’m sorry, we’ll have to come back to the previous anchorage and wait untill tomorrow to find them. Maya dit, call them and ask where they are. Je dis, but it is going to kill the surprise effect ! Et au moment où je m’apprête à composer le numéro, je demande à un cata devant lequel nous passons s’il n’ont pas vu le damné bateau. Le nombreux équipage me répond :
- Is Dania the name of the boat ??
- Yeeeesss it iiiss !!!
- Yes it’s in the next anchorage, one nautical mile away more or less!
- Are there four Danish guys on it?
- Yes, four Danish boys in little bathing suits!!
- Thank you so much, one of them he’s my loveeeeerrrr!!!!
- OOOOOooooohhhhh! Good for you!!
Surréaliste… Je suis à l’étrave, je piétine d’impatience, les jumelles vissées aux yeux je guette le bateau rouge et blanc. Enfin, J’aperçois de loin la basse et longue coque profilée de Dania, la ligne rouge , et à l’avant, tendus aux hautbancs à la proue, un hamac se balance, c’est Andy qui est dedans, c’est sûr, c’est certain ! Le mouillage est splendide, sauvage, naturel, des petits îlots, des blaches blanches de sable fin, une ouverture sur les vagues qui déferlent au loin, des eaux calmes et claires, une végétation verdoyante, et le soleil qui colore ce tableau dans la douce lueur de son coucher. Nous arrivons tout près de Dania, par sa poupe. J’attrape ma guitare, je m’assieds sur le rouf, et je joue une musique qu’on aime beaucoup tous les deux, Guaranteed d’Eddie Wedder. Rasmus, son co-equipier, assis dans le cockpit, me voit en premier. Il hallucine complet, je lui fait chut de la main, il ne dit rien, et bientôt, tout doucement nous arrivons à hauteur du hamac. Finalement, Andy tourne la tête, et là, il me voit, assise jambes croisées la gratte à la main, alors qu’il m’avait laissée toute triste et désolée quatre jours auparavant, sur les quais de Philipsburg, et me pensait mourante d’amour, traînant mon chagrin sur les catways des marinas de St-Maarten. Je ne vous raconte pas l’émotion que je ressens, quand je vois son visage figé d’étonnement… Nous faisons encore un tour entier du bateau avant qu’aucun mot ne soit prononcé, je me sens toute chose et ne sait pas quoi dire, les danois sont tous estomaqués, Andy se lève mais ne dit toujours rien, on est tous statufiés pendant quelques courts instants où le temps arrête sa course, c’est complètement magique, c’est complètement fou, je n’ai jamais vécu ni fait pareille chose dans ma petite vie, je ressens un bonheur à nul autre semblable, je flotte sur un petit nuage, transportée par l’amour… Finalement Andy attrape son kayak gonflable pour venir me cueillir sur Aeolus, et m’emmener un peut plus loin, à l’écart du banc de poissons qui nous regarde béatement nous éloigner.
Pendant deux jours nous allons et venons entre nos deux voiliers, nous retrouvons à terre ou sur l’eau, nous visitons deux magnifiques mouillages, buvons des coups, nageons, batifolons librement pendant les plages de temps libre qu’Andy s’accorde, car il doit préparer Dania pour 800 miles de nav, cap à 0, au nord, sur les Bermudes.
Quand je ne suis pas avec lui, je passe mon temps avec Maya et Dave, sur Aeolus, ou sur la plage du mouillage, à discuter, à jouer de la guitare, à vivre la vie tranquillement et simplement. Je m’exclame à peu près toutes les trente secondes que je n’ai jamais vu d’endroits aussi beau, de gens aussi cool, vécu de moments aussi parfaits…Le dernier après-midi, je demande à un bar sur la plage si je peux jouer devant leur terrasse. Bobby, grand black taciturne de soixante ans, me dit let’s hear how you play, et me colle une guitare dans la main, je dois passer une audition. Je lui joue Harvest de Neil Young, le seul client du bar applaudit chaudement, Bobby dit OK, come tonight anytime you want.
Ponctuelle avec moi-même, j’arrive à vingt heures pétantes, et branche sur l’herbe à côté de la terrasse, à l’extérieur du bar pour que les passants entendent et s’arrêtent. Les équipages d’Aeolus et de Dania sont là pour faire la clappe, je suis bien entourée, l’endroit est cool et décontracté, on est entre marins, on est entre copains, c’est le bonheur. La première chanson, Liberta, est chaudement accueillie, les passants s’arrêtent, les clients applaudissent avec enthousiasme, je fais donc un show très relax, très à l’aise, je parle longuement de mon voyage, explique chaque chanson, joue deux compos, et dédicace trois morceaux aux personnes les plus importantes de ma vie, ici, maintenant, ce soir, Maya, Dave, et Andy. A la fin je compte les sousous, j’ai gagné 63 dollars, une belle perf, et un billet de vingt que me met dans une joie peu commune, cupidité quand tu me tiens !!!
Le lendemain Dania doit prendre la mer pour les Bermudes. Dave lève l’ancre à 7h du mat’, il a la délicate attention de ne pas me laisser regarder partir Dania, il est toujours plus facile d’être celui qui s’en va que d’être celui qui reste…Bye Andy, and again, see you someday, somewhere, somehow ! Mange Tak min ven, vi er heldige mennesker, jeg vil altid huske disse pragdtfulde dage !