Petit flash back :
Nous sommes au mois de décembre, il fait chaud, il fait beau, la petite île d’Ilha Grande est bondée de touristes brésiliens en vacances, qui gavent la panthère de billets à chacun de mes tours de chant, c’est donc, tout simplement, le bonheur. Parmi ces vacanciers, des étudiants d’une faculté de Belo Horizonte sont là, qui assistent à la fin d’un tour que je fais un soir, sur la place de l’église. Ils sont jeunes, et très bien éduqués. Je me permets de le souligner car n’est-ce pas, la galanterie est un principe auquel les mâles brésiliens ont été assez peu familiarisés… L’un de ces jeunes étudiants me propose gentiment après le tour, de m’aider à tirer mon charriot jusqu’à mon deuxième spot, les terrasses de la plage, proposition qui m’enchante absolument, en conséquence je lui abandonne mon précieux chargement et distribue pieds de micro et guitare à ses camarades, tous aussi gentlemen que lui. Puisque j’ai les mains vide j’allume une cigarette, et, gambadant gaiement au côté de tous mes gentils petits porteurs, je fais connaissance. Nous arrivons aux terrasses de la plage, je déballe, je branche, mes petits copains s’asseyent par terre dans le sable, en rond devant moi, pour cette fois-ci, voir le tour en entier. Des promeneurs viennent les rejoindre, et nous partageons tous ensemble un moment très agréable. Après le tour, Bruno, un des étudiants, me propose de venir à Belo Horizonte pour participer a un week-end organisé par leur association étudiante, AIESEC. C’est une association présente dans les universités d’une centaine de pays étrangers, et qui favorise les échanges universitaires. Je lui dis,Bruno, pas de problème, j’en parle à la copine qui sera avec moi à ce moment là. J’en parle à Sophie, elle accepte, voilà donc pourquoi nous allons à Belo Horizonte, la ville où il n’y a pas de plages…
Belo Horizonte. Bé Haga (BH en brésilien) comme on l’appelle ici. Cependant, méfiance…On pourrait croire, comme son nom l’évoque, que cette ville est balnéaire, et offre un spectacle époustouflant de grattes-ciels plongeant dans une mer et un ciel qui à l’infini, ne font plus qu’un, d’un ciel et d’une mer qui ne font plus qu’un, dans l’horizon, précisément. Niet. Nao. No no no, comme le dirait très justement notre copine Amy Whinehouse. A Belo Horizonte, aussi surprenant, aussi saugrenu que cela puisse paraître, justement, non il n’y a pas la mer, non il n’y a pas la plage. Et nous y allons quand même ; c’est ça qui est complètement dingue et farfelu, aux yeux de nos copains d’Itacaré. A l’évocation de cette étape imminente dans le déroulé de notre voyage, ils ouvrent des yeux ronds comme la full moon, et poussent de grands cris d’effrois en nous mettant mille fois en garde ;but there is NO beach !!! Mais avec Sophie on a peur de rien, on y va quand même, et ça, ça leur en bouche un coin, sont épatés alors là…En plus a Bé Haga, c’est très particulier n’est-ce pas, car nous sommes invitées !
BH, c’était écrit. Avant que nous n’y arrivions, le Grand Ordinateur nous envoie des signes nous permettant de présager que cette étape s’annonce sous les meilleurs auspices. Tout d’abord, le bus qui nous y amène, appartenant à la diligente compagnie Rota, est d’un confort absolu, moderne, spacieux, climatisé, et avec la Sophie, comme à chaque fois que c’est le cas, cela nous met dans une joie sans nulle autre pareille. Secondement, vers la fin du long trajet qui nous mène d’Eunapolis jusqu’à ladite Bé Haga, entre dans notre véhicule un jeune homme d’une trentaine d’année, un black haut et mince, muni d’une guitare classique à moitié rafistolée, et qui se met tout d’abord à parler. Il ne parle pas d’ailleurs, il hurle un monologue debout à l’avant du bus, visiblement c’est à notre attention, nous, voyageurs pauvres pêcheurs, qui comme lui, devons être sauvés par Jésus, mort sur la croix pour le salut de l’humanité. Les brésiliens sont très marqués par le fait que Jésus ait été crucifié, et régulièrement ils se font un devoir de vous rappeler que quand même, le bonhomme s’est sacrifié, ça mérite votre respect, et votre totale adhésion à des groupes religieux qui proposent d’entrer en Jésus, et vice versa. Sachant qu’aujourd’hui il y a même certaines paroisses brésiliennes qui organisent des séances de free-fight à l’intérieur même des églises pour recruter et fidéliser de nouvelles brebis… au Brésil, pour convaincre au nom du Seigneur, on n’hésite pas à employer les grands moyens ! Mais aujourd’hui nous avons droit à une évangélisation relativement soft, monologue interminable donc, vociféré par notre copain depuis l’avant du bus, et dont tout le monde se contrefout, malheureusement pour le pauvre bougre qui y met vraiment tout son cœur. Puis soudain, il se met à chanter une chanson, qui est d’un entrain tout à fait exceptionnel, une chanson intitulée (phonétiquement) Jésou magiré… Tout le mystère de la foi réside dans ce titre et la signification des paroles de ce chant indubitablement sacré…L’air de cette musique, mes enfants, vous met dans un état d’allégresse proche de la béatitude. Notre ami la chante avec un enthousiasme contagieux qui me gagne aussitôt, et bientôt avec lui et moi, le bus tout entier ou presque ! Malheureusement, toute endormie par la parole divine, je ne me suis réveillée qu’aux derniers accords de la chanson, qui se termine bien vite, alors que revoilà notre ami qui se remet à débattre sur le Christ. Désespérée, et bien décider à immortaliser numériquement Jésou Magiré, je lui crie de nous la rechanter. Sympa, grand seigneur, il prend la guitare, mais il en joue une autre, puis une autre, les gens dans le bus se réveillent, tapent dans leurs mains, je sors le tambourin que j’agite d’une main, l’appareil photo avec lequel je filme de l’autre, Sophie finit par se réveiller complètement, et comme nous tous, est enchantée de l’ambiance réjouie qui règne à bord ! Mais notre missionnaire du jour, notre Claude François du tube catholique, ne se décide toujours pas à nous chanter la numéro 1 au hit parade , Jésou Magiré. Au milieu de ses chansons, il s’arrête, et nous dit qu’il va distribuer des barres chocolatées, et que si on veut, on peut lui donner de l’argent en échange, peu importe la valeur. Tout le bus achète. Moi je lui donne 50 reais, et je lui dis, je veux Jésou Magiré. Bien vite il écoule son petit stock de barres chocolatées, et nous entonne un Jésou Magiré plus inspiré et entraînant que jamais, qui nous transporte tous dans la joie qu’aujourd’hui, Jésus et son original apôtre itinérant, nous communiquent. Surréaliste pèlerinage sur le chemin de Belo Horizonte. Au Brésil, la route est l’endroit de prédilection des évangélisateurs en tous genres, chauffeurs de taxis, distributeurs de tracts dans les bus, troubadours itinérants, on nous dit que Jesus e Fiel (Jésus est fidèle), on nous le colle sur le pare-brise des voitures et des camions, sur le casque des motards, à l’adresse des millions de pèlerins, fidèles et infidèles, qui portent leur croix le long des routes, c’est ça aussi le Brésil, Jésus y est fidèle, et il est partout ! Le Brésil, terre promise de l’ Amérique latine… !
A Bé Haga, nous avons le diable au corps, et ne sommes obsédées que par une seule chose, une seule, danser le forro…Le Forro, c’est un sensuel pas de deux bahianais, qui à nos yeux, bénéficie d’un rayonnement et d’une popularité sans limite, nous en sommes de ferventes adeptes, de fidèles disciples . Et dès que nos amis de Bé Haga nous posent pour la première fois, la fameuse question, «et ce soir les filles, vous voulez faire quoi ? », nous répondons tout de go, les mains en prière, dans un seul cri, sautant pieds joints dans des petits frétillements d’enthousiasme, vamos dansar forro, allons danser forro !! Nous serons exaucées et au premier jour de notre arrivée : Bruno, Ricardo et Livia nous emmènent à un cours de forro où nous perfectionnons notre déhanché avec sérieux et discipline. La suite de notre week-end revêtira toute la saveur et les couleurs de nos précédentes tournées avec la chorale. Nous prenons des bus, nous chantons dans les bus, nous visitons la ville, les musées, nous sommes hébergées dans un centre, dispatchées dans des chambres, tout ça en compagnie de quarante autres jeunes de notre âge, avec qui nous discutons, échangeons, ripaillons, buvons bière et cachaça, bref,ce week-end, c’est l’éclate totale, au point que nous prolongerons notre séjour à BH de trois jours, impossible pour nous de quitter cette ville, ces gens, cette joie, cette bonne humeur. Nous ne nous lassons pas de l’énergie positive qui transpire de la région minière, et nous chargeons nos batteries à bloc !
Le lendemain de notre arrivée, départ au petit matin d’une troupe d’une vingtaine de jeunes de la fac de Belo Horizonte. Ils vont rejoindre, et nous avec eux, en autocar et en voiture, ceux se trouvant déjà sur le site qui nous accueille pour le week-end de l’association Aiesec, niché dans la campagne du Minas Gerais, à deux heures de route environ de BH. Il s’agit d’un centre de congrès en pleine nature, aux allures de couvent, avec sa petite chapelle et ses petites chambres aux airs de cellules pour moines aménagées. Autour il y a une sorte de parc, avec des oies sauvages d’une rare agressivité, dont Sophie a failli être par deux fois la malheureuse victime…Il y a une piscine, une petite salle de conférence, tout ce qu’il faut pour être bien. Aussitôt arrivés, nous partons visiter ce qui s’avèrera être la révélation touristique de notre voyage, mais ça, nous sommes encore très très loin de nous en douter. Nous sommes donc une quarantaine, je pense. Une quinzaine de membres actifs de l’association, (trésorier, président, etc…) et une vingtaine de « trainee », ceux qui ne participent qu’ aux actions et aux activités. La visite, c’est donc pour les trainee, qui passent l’après-midi dehors pendant que le staff bûche sur les bilans, les prévisions et l’organisation du week-end en lui-même. Donc nous voilà en compagnie des trainee, au Parque Inhotim, un parc de 1200 hectares, aménagé en jardin géant et en musée d’art contemporain. En plein cœur des montagnes, entourés par des reliefs qui découpent à perte de vue des cimes recouvertes d’une végétation touffue et verdoyante, se trouvent 1200 hectares d’art et de nature qu’un génie brésilien a su marier avec passion et talent. Dans ce parc, tout est fait pour que l’on puisse s’adonner, s’abandonner à la contemplation. Tout d’abord votre œil est séduit par l’ordre esthétique qui règne dans les jardins. Etendues d’herbe tondue, plans d’eau, parterres de plantes extraordinaires, par endroits la nature est brillamment apprivoisée, à d’autres, elle se laisse exprimer et fait l’écrin d’une œuvre que le grand ordinateur du parc a posé là. A des endroits stratégiques, aux abords d’un miroir, au sommet d’une colline, à l’hombre d’un arbre quadri centenaire, le grand ordinateur a disposé des buvettes design et épurées qui se fondent dans le décor pour nous laisser entièrement à son appréciation. Ou tout simplement, il met à la disposition du promeneur, un couple de chaises longues, ou un énorme tronc de bois couché, et poli à son intention. On sent que le grand ordinateur vous y verrait presque lire un livre ou immortaliser d’un trait appliqué le spectacle que vous offre ce parc qu’il a pensé pour vous, cette nature qu’il a mis en scène, et que par lui, vous apprenez à aimer davantage. A Inhotim, à chaque jardin succède une œuvre d’art contemporain, enveloppée la plupart du temps dans une œuvre d’architecture. Personnellement, je ne suis absolument pas réceptive à l’art, qu’il soit classique, baroque ou contemporain ou quoique ce soit d’autre. Je ne prise pas vraiment les musées, les châteaux, et en général j’en fais le tour en cinq minutes chrono …Par contre j’aime beaucoup les ruines, quelles qu’elles soient. Mais en tout cas j’ai du mal à ressentir une quelconque émotion devant de grandes toiles ou de beaux meubles. J’ai longtemps aimé, mais maintenant je préfère faire du tourisme nature, c'est-à-dire me pâmer devant des canyons, des déserts, des forêts tropicales, des plages idylliques, des cascades géantes, etc etc… Je n’ai jamais vraiment été familiarisée avec l’art contemporain, donc je n’ai jamais couru les expos, ni eu d’opinion sur la question. A Inhotim je découvre l’art contemporain. C’est très intéressant, car nous sommes une vingtaine de jeunes, et la plupart font partie du programme d’échange de l’association, il y a donc Juang simung qui est chinois, Konrad qui est polonais, Ola qui est polonaise, un colombien, un mexicain, des brésiliens, et nous-mêmes les françaises. Nous parlons en anglais et en portugais, et découvrons tous ensemble la plupart des merveilles du musées. Les œuvres d’art contemporain interpellent tout le monde, elles enchantent ou déplaisent, mettent mal à l’aise ou apaisent, on les trouve essentielles, ou absurdes, drôles, imposantes, chacun a son avis, chacun fait sa propre interprétation, on cherche ce qu’ a voulu représenter l’artiste, ce qu’il a voulu dire à travers sa représentation, comment lui est venue l’idée, on s’imagine tout un tas de choses, la plupart du temps on fait des supputations idiotes juste pour rire, ou on se met à délirer complètement, et c’est franchement assez génial comme expérience . Au grand air, on contemple, on s’émerveille, on s’interpelle, on réfléchit, on échange, on partage, on rigole, pour moi ce fut une promenade tout à fait unique, et pour Sophie aussi. Bien plus rompue que moi à l’art et aux musées, elle s’est extasiée, et tous ensemble nous avons profité des charmes et des curiosités de ce parc, en ce radieux et chaud après-midi de février. Le soir, évidemment, grosse fête, le lendemain atelier cuisine, bronzette-piscine, séance de clôture, et tout le monde rentre chez soi. Nous nous sommes tout particulièrement liées d’amitié avec Konrad et Pablo, un polonais et un brésilien, et nous nous promettons avec Livia, Bruno et Ricardo, de nous retrouver tous ensemble le lendemain pour déjeuner.
Mais pour nous le week-end n’est toujours pas fini ! Prises d’une folle envie de nous faire un petit plaisir gourmand avec Sophie, on se met en tête de s’envoyer un bon resto avant de regagner l’appartement où on nous accueille. Au retour du week-end le dimanche soir, à la sortie de l’autocar, nous nous rendons à Savassi, le quartier dynamique de la ville. Là, nous demandons à un couple l’adresse d’un resto sympa qui soit ouvert. Le jeune homme nous conseille le centre commercial. Je lui précise qu’on veut quelque chose d’un peu « beautiful and nice », il nous montre du doigt la terrasse du McDo… Nous battons finalement en retraite devant l’incapacité totale de notre interlocuteur à nous comprendre, et tombons au détour d’une rue sur une jolie terrasse où sont exposés en vitrine de formidables morceaux de viandes qui rôtissent à la broche, comme en Argentine ! On se précipite à l’intérieur, il y a un buffet avec, oh merveille, du parmesan, de la mozzarella, du saucisson, c’est à volonté ! On remplit nos assiettes. Nous sommes tombées sans le savoir dans le palais de la viande de bœuf, le temple de la barbaque, le jardin d’Eden du carnivore. Sur la table, un fascicule détaille, dessin illustratif à l’appui, chaque partie de l’animal qu’il nous est possible de déguster ici. A peu près une vingtaine… Les serveurs se baladent dans le resto en brandissant sur une broche de juteux morceaux tout juste sortis du feu. Vous disposez d’une pastille verte d’un côté, rouge de l’autre. Lorsque le serveur portant le morceau qui vous intéresse passe à côté de vous, vous retournez la pastille de façon à ce qu’il voie que le feu vert lui est donné pour vous en faire tomber dans votre assiette. A l’énoncé de ce procédé, je pousse un cri d’extase où se mêlent mon admiration et mon enthousiasme, les serveurs sont absolument ravis de voir l’effet que me font leurs explications. Avec Sophie nous sommes littéralement réjouies et nous laissons la pastille du côté vert quasi tout au long du repas, qui fut absolument pantagruélique. Le restaurant s’est en fait avéré être un établissement ultra chic, où nous avons débarqué guitare en bandoulière et sacs de couchages à la main comme des pouilleuses… Ce qui n’a pas empêché les serveurs d’être à nos petits soins, répondant aux moindres de nos désirs dans un ballet de délicates attentions et de tendres sourires tous bagués (au Brésil, il y a beaucoup d’adultes qui portent des appareils dentaire), nous étions comme des petites reines ! Sophie a bu un des meilleurs verre de vin rouge de sa vie, elle avait au visage l’expression béate d’un surfer qui aurait ridé la vague du siècle. Péniblement, bien alourdies par les kilos de protéines engloutis, nous levons le camp, réglons une addition relativement salée, et regagnons finalement l’appartement des étudiantes qui nous accueillent.
Le lendemain c’est une journée pleine de surprises qui nous attend. C’est le jour de notre supposé départ vers la petite ville de Ouro Preto, connue pour le charme de son architecture colonial… Ce matin-là nous nous organisons. Nous prenons notre nombreux chargement, le déposons à la consigne de la gare autoroutière, réservons nos billets pour le soir même à 20h. Nous avons encore une journée pour profiter de Bh. Nous retrouvons nos amis dans un resto thaïlandais et végétarien du centre, absolument délicieux, moment très agréable, comme toujours. On se dit adieu, aurevoir, goodbye, va com deus ! Puis Ricardo nous emmène visiter la place du pape avant que nous ne prenions le bus. Sur le trajet, Ricardo nous montre sur son portable dernier cri, la photo d’une cascade magnifique où il est allé avec sont frère. Nous nous emballons à la vue de cette merveille de la nature et quand il nous dit que c’est à deux heures de route de BH, nous ne voulons plus aller à Ouro Preto. Ricardo nous propose de nous héberger pour la nuit, et nous décidons de reporter nos billets au lendemain soir, comme ça, dans la journée, nous pourrons aller voir la cascade… Nous visitons la place du Pape, magistral, puis je pars faire un jogging avec Ricardo et un couple de ses amis, surréaliste, pendant que Sophie se promène avec Bruno, celui par qui tout ceci est arrivé. Ensuite Ricardo, Bruno, Sophie et moi, allons rendre visite aux grands-parents de Bruno. La grand-mère de Bruno parle français, alors nous allons lui porter nos hommages... Nous sommes accueillis à bras ouverts par les grands-parents de Bruno, qui nous asseyent, nous servent un digestif, recette secrète du grand-père, et du fromage. Nous nous entretenons en français avec la grand-mère qui remarque malgré cela que Sophie parle et comprend bigrement bien le portugais pour quelqu’un qui n’est là que depuis trois semaines, et elle en est tout simplement soufflée. Bientôt, à la demande pressante de son petit-fils et de son époux, elle s’assied à son piano, et nous joue un air. Etonnants instants que nous savourons tout particulièrement. Ce foyer nous ouvre ses portes, ses bras, et nous en devenons les intimes spectatrices, écoutant cette vieille et charmante dame exécuter parfaitement et de mémoire, une jolie pièce de piano, pendant que son époux, figé dans une émotion qui ne s’est pas usée au fil des années qu’il a passées auprès d’elle, la regarde avec une fierté qui lui déborde des yeux. Nous nous taisons, nous vivons. Bientôt, nous prenons congé. Maintenant nous devons changer nos billets de bus, nous ne partons plus a Ouro Preto, nous dormons ce soir à BH chez Ricardo. Ricardo dépose Bruno chez lui, nous faisons nos petites affaires à la gare autoroutière, puis nous nous rendons chez Ricardo, non sans passer auparavant au supermarché, car ce soir, Sophie et moi, on régale tout le monde, et on va leur mijoter aux p’tits oignons un crumble au saumon, des crêpes, une salade, de l’art de savoir être reçues…. Nous arrivons chez Ricardo, qui par bonheur, habite avec Konrad le polonais, un super pote à nous, et tombons en pamoison devant son appart. C’est un duplex avec terrasse sur les toits et vue sur la ville, tout neuf, propre et moderne, un véritable enchantement. Nous passons une soirée fort charmante tous les quatre, à cuisiner, discuter et dîner au clair de lune, nous apprenons à mieux connaître la vie de nos hôtes, pays, culture, opinions, expériences, voyages, tout y passe, les éternelles discussions de travellers, dont, je l’avoue sans honte, je commence à me lasser…Néanmoins cette soirée complètement improvisée fut en tous points délicieuse . Il y a une chose qui est spécifique au voyage et qui lui donne tout son nectar ; lorsque vous vous réveillez le matin, vous êtes absolument incapable de savoir comment va se terminer votre journée. Ce matin là avec Sophie, nous étions sûres que nous passerions la nuit à Ouro Preto dans un dortoir d’une auberge de jeunesse. Et nous voilà ronflant toutes deux sur un matelas gonflable de camping, au beau milieu du living de chez Ricardo, à Bé Haga. Bem Legal !
Le lendemain donc, départ aux aurores pour rejoindre la gare autoroutière, direction cerro do Cipo, pour aller voir la cascade. Je ne sais pas pourquoi, ce matin-là on a un pétard aux fesses avec Sophie, et on y va à pied, mais en mode marche ultra rapide. Pendant vingt bonnes minutes, on trace en faisant des pas aussi gigantesques que nous le permettent nos courtes jambes, et on arrives toutes essoufflées à la gare, de justesse pour le départ. On embarque, et on s’écroule de sommeil sur les sièges. On arrive deux heures plus tard à cerro do Cipo. Direction cachoeira Grande où nous arrivons après une demi-heure de marche. C’est une grande cascade en effet, un peu moins belle que sur les photos de l’ami Ricardo, car le jour où nous y sommes, il y a moins d’eau. Mais elle nous satisfait largement et nous y déjeunons de magnifiques sandwichs à l’oignon rouge, posées sur un tronc d’arbre au dessus des chutes… Direction ensuite le parc national où se trouve une autre cascade, la cachoeira Farofa. On a décidé d’y aller simplement sur le nom, car ici le farofa, c’est une poudre de farine de mil, revenue à la poêle dans de l’huile, avec de l’ail et des oignons, et que l’on saupoudre ensuite en condiment sur les haricots, la viande, le riz, un peu partout. C’est absolument délicieux, et d’ailleurs, on en traine un petit paquet sur nous depuis un bon bout de temps, et, malgré la rareté d’usage que nous en faisons, nous nous refusons à nous séparer… Aujourd’hui nous décidons que puisque la terre doit revenir à la terre, et la poussière à la poussière, il n’y a aucune raison pour que le farofa ne revienne pas à Farofa. Et nous l’y porterons à dos de canassons, si Dieu le veut, car il pleut des cordes, et depuis une heure que nous l’attendons, en compagnie d’un garde forestier qui parle ostensiblement fort au téléphone, le guide n’a toujours pas pointé le bout de son nez. Mais il arrive enfin. Il est parfait, on ne comprend absolument rien à ce qu’il dit, il parle un patois épouvantable, il est de très mauvais poil, il porte un T-shirt Diesel très mode qui s’accorde parfaitement avec ses guêtres de cheval et son air bourru de vieux paysan de campagne…. ! Nous décollons tous les trois sur nos chevaux qui n’ont pas de nom, Sophie est en short et tongs, je suis en caleçon et nus-pieds, notre ami est en Diesel, on est tous dans les conditions optimales pour une belle balade équestre en forêt, et sous une pluie battante qui ne nous décourage pas le moins du monde avec la Sophie (au grand dépit de notre guide qui n’est pas du tout enchanté de la promenade), nous partons en trottinant vers Farofa. D’entrée de jeu nous somme en conflit avec le guide. Il nous interdit de galoper, ça n’est pas pour nous plaire. On essaye quand même de faire démarrer nos chevaux, qui sont de vraies tortues, à grand coups de savates, claquements de langues et hurlements incitateurs hystériques, ce qui a pour effet sur eux de leur faire accélérer leur trop sans jamais passer au galop, tout ça pour notre plus grand inconfort. Et quand on a le bonheur et la chance d’arriver à faire passer la cinquième à nos montures, et que enfin, nous pouvons nous envoler au grand galop, en véritable peste, notre guide super sapé siffle un grand coup entre ses dents, ce qui a pour effet de stopper net les chevaux qui, immédiatement, ralentissent. Exaspérées nous nous agitons de plus belle, jusqu’à ce que, rompues, épuisées par nos tentatives qu’inexorablement, la grande pesteuse tue dans l’oeuf, nous nous résignions au misérable trot. Mais toujours, malgré la pluie battante, malgré nos chevaux et notre guide récalcitrant, nous avançons de ce même trot vers la prometteuse Farofa. La pluie s’arrête, puis reprend, nous traversons petits bosquets et longues plaines, passons de gentils cours d’eau, et enfin nous la voyons dévaler d’une falaise au loin, la haute, la belle, la majestueuse Farofa, grande de ses 80 mètres. Je m’attarde alors pour prendre des petites vidéos, et tenter de faire une bonne mise au point avec l'appareil sur la petite perle de lait qui dévale de la paroi rocheuse, mais mon cheval, que j’ai librement baptisé Jolly Jumper, s’arrête impunément au bord du chemin pour se ravitailler en herbes folles, si bien que je perds de vue mes compères. Soudain j’entends un cheval au galop, je me dis, Sophie a trouvé la cinquième ! Mais c’est le guide qui apparaît furibard, me crache à la figure un flot de patois brésilien absolument inintelligible. Visiblement, il se permet de me passer un savon, on nage en plein délire… Il pleut, les chevaux n’ont pas l’option galop, et le guide est caractériel ! Je décide de prendre mon temps malgré tout, et finalement, clopin-clopant, nous arrivons à la cascade avec Jolly Jumper. On admire, on filme, on photographie, Sophie entretien une longue conversation avec notre guide, elle semble mieux le comprendre que moi, qui ai l’air de passablement l’exaspérer… ! Galvanisé par ces moments d’échange et de partage, il entreprend de nous faire une démonstration de sa virilité, et enlève son t-shirt griffé pour découvrir un torse velu mais encore bien ferme et musclé, qu’il va rincer de sa sueur dans l’eau gelée de la cascade. Loin d’être émoustillées avec Sophie, nous remarquons non sans une certaine admiration que malgré le temps et ses effets néfastes, notre taciturne ami a su garder la ligne… ! ça explique peut-être son côté fashion victime..Nous repartons ensuite bien vite, car il est tard déjà et nous devons attraper un bus qui nous ramène à BH. Nous rentrons toujours au même rythme, au trot, attrapons notre bus et regagnons BH où nous attendent nos copains. Nous décidons que nous partirons le lendemain à Ouro Preto. Alors pour fêter cela, Ricardo et Konrad nous emmènent à l’Amarelho, un grand bar de jeunes où la pinte est pas chère. Nous retrouvons là tous les jeunes de l’association, et on mange, et on boit, et on cloppe, et on discute, et on rigole jusque tard dans la nuit.
Finalement nous décidons que nous ne passerons pas par Ouro Preto, et irons directement à Ilha Grande. Programme de la journée : resto d’adieu (encore un !) et visite de la ville jusqu’à l’heure de prendre le bus pour Rio. Nous déjeunons dans un resto typique de la région, absolument délicieux, nous allons ensuite, accompagnées par Ricardo , sur une colline qui s’appelle Topo do mundo, qui est très haute et d’où l’ on peut apprécier la vue d’un panorama a couper le souffle, s’il fait beau et que n’y a pas moins d’un mètre de visibilité au sommet… Et aujourd’hui il ne fait pas beau, et il y a moins d’un mètre de visibilité au sommet. Nous assistons à une scène assez incroyable, car il y a un énorme orage, les éclairs fusent tout autour de nous, le tonnerre gronde avec fracas, et soudain il se met à grêler, et on se retrouve, en pleine région tropicale, avec des petits grains de glace entre les doigts, c’est assez exceptionnel. Evidemment il y a une explication rationnelle, mais de la glace qui tombe du ciel dans un pays où on pète de chaud, ça impressionne. Nous arriverons quand même, au travers de brèves éclaircies, à voir le beau panorama que promet cette colline, et nous partons de Belo Horizonte la tête pleine de belles images, de paysages, de cascades, de promenades, et surtout, fortes des nouvelles amitiés que nous avons liées avec les etudiants de cette association, qui nous ont vraiment royalement accueilli, et avec qui nous avons passé des moments inoubliables . Grâce à eux j’ai d’ailleurs pu vivre un moment assez dingue, lors du week-end de l’association. Le dimanche, après le déjeuner, le staff a pris une salle de conférence, et a mis par terre plein d’énormes coussins de toutes les couleurs en faisant un grand cercle. Ils ont fermé les rideaux de la salle, ils ont appelé tout le monde et les gens sont allés se coucher sur les coussins en rond. Ensuite ils m’ont demandé de m’installer au milieu, de chanter des chansons et raconter mon voyage pendant 20 minutes. J’ai joué une chanson en français, pendant 20 minutes j’ai monologué tant bien que mal en portugais et raconté mes p’tites histoires, et j’ai conclu avec une chanson brésilienne. C’était un moment assez magique, que j’ai beaucoup aimé, c’était tout calme, tranquille, très apaisant, et , j’ai envie de dire, quoi de plus relaxant, quand on un ego surdimensionné, que de raconter sa vie à une petite assistance entièrement acquise à votre cause… ! Bref, je n’aurai qu’un mot, à tous ces gens que nous avons rencontré, à tous ces gens que nous avons aimé, à cette ville que nous quittons avec regrets, obrigada Bé Haga !
Nous sommes au mois de décembre, il fait chaud, il fait beau, la petite île d’Ilha Grande est bondée de touristes brésiliens en vacances, qui gavent la panthère de billets à chacun de mes tours de chant, c’est donc, tout simplement, le bonheur. Parmi ces vacanciers, des étudiants d’une faculté de Belo Horizonte sont là, qui assistent à la fin d’un tour que je fais un soir, sur la place de l’église. Ils sont jeunes, et très bien éduqués. Je me permets de le souligner car n’est-ce pas, la galanterie est un principe auquel les mâles brésiliens ont été assez peu familiarisés… L’un de ces jeunes étudiants me propose gentiment après le tour, de m’aider à tirer mon charriot jusqu’à mon deuxième spot, les terrasses de la plage, proposition qui m’enchante absolument, en conséquence je lui abandonne mon précieux chargement et distribue pieds de micro et guitare à ses camarades, tous aussi gentlemen que lui. Puisque j’ai les mains vide j’allume une cigarette, et, gambadant gaiement au côté de tous mes gentils petits porteurs, je fais connaissance. Nous arrivons aux terrasses de la plage, je déballe, je branche, mes petits copains s’asseyent par terre dans le sable, en rond devant moi, pour cette fois-ci, voir le tour en entier. Des promeneurs viennent les rejoindre, et nous partageons tous ensemble un moment très agréable. Après le tour, Bruno, un des étudiants, me propose de venir à Belo Horizonte pour participer a un week-end organisé par leur association étudiante, AIESEC. C’est une association présente dans les universités d’une centaine de pays étrangers, et qui favorise les échanges universitaires. Je lui dis,Bruno, pas de problème, j’en parle à la copine qui sera avec moi à ce moment là. J’en parle à Sophie, elle accepte, voilà donc pourquoi nous allons à Belo Horizonte, la ville où il n’y a pas de plages…
Belo Horizonte. Bé Haga (BH en brésilien) comme on l’appelle ici. Cependant, méfiance…On pourrait croire, comme son nom l’évoque, que cette ville est balnéaire, et offre un spectacle époustouflant de grattes-ciels plongeant dans une mer et un ciel qui à l’infini, ne font plus qu’un, d’un ciel et d’une mer qui ne font plus qu’un, dans l’horizon, précisément. Niet. Nao. No no no, comme le dirait très justement notre copine Amy Whinehouse. A Belo Horizonte, aussi surprenant, aussi saugrenu que cela puisse paraître, justement, non il n’y a pas la mer, non il n’y a pas la plage. Et nous y allons quand même ; c’est ça qui est complètement dingue et farfelu, aux yeux de nos copains d’Itacaré. A l’évocation de cette étape imminente dans le déroulé de notre voyage, ils ouvrent des yeux ronds comme la full moon, et poussent de grands cris d’effrois en nous mettant mille fois en garde ;but there is NO beach !!! Mais avec Sophie on a peur de rien, on y va quand même, et ça, ça leur en bouche un coin, sont épatés alors là…En plus a Bé Haga, c’est très particulier n’est-ce pas, car nous sommes invitées !
BH, c’était écrit. Avant que nous n’y arrivions, le Grand Ordinateur nous envoie des signes nous permettant de présager que cette étape s’annonce sous les meilleurs auspices. Tout d’abord, le bus qui nous y amène, appartenant à la diligente compagnie Rota, est d’un confort absolu, moderne, spacieux, climatisé, et avec la Sophie, comme à chaque fois que c’est le cas, cela nous met dans une joie sans nulle autre pareille. Secondement, vers la fin du long trajet qui nous mène d’Eunapolis jusqu’à ladite Bé Haga, entre dans notre véhicule un jeune homme d’une trentaine d’année, un black haut et mince, muni d’une guitare classique à moitié rafistolée, et qui se met tout d’abord à parler. Il ne parle pas d’ailleurs, il hurle un monologue debout à l’avant du bus, visiblement c’est à notre attention, nous, voyageurs pauvres pêcheurs, qui comme lui, devons être sauvés par Jésus, mort sur la croix pour le salut de l’humanité. Les brésiliens sont très marqués par le fait que Jésus ait été crucifié, et régulièrement ils se font un devoir de vous rappeler que quand même, le bonhomme s’est sacrifié, ça mérite votre respect, et votre totale adhésion à des groupes religieux qui proposent d’entrer en Jésus, et vice versa. Sachant qu’aujourd’hui il y a même certaines paroisses brésiliennes qui organisent des séances de free-fight à l’intérieur même des églises pour recruter et fidéliser de nouvelles brebis… au Brésil, pour convaincre au nom du Seigneur, on n’hésite pas à employer les grands moyens ! Mais aujourd’hui nous avons droit à une évangélisation relativement soft, monologue interminable donc, vociféré par notre copain depuis l’avant du bus, et dont tout le monde se contrefout, malheureusement pour le pauvre bougre qui y met vraiment tout son cœur. Puis soudain, il se met à chanter une chanson, qui est d’un entrain tout à fait exceptionnel, une chanson intitulée (phonétiquement) Jésou magiré… Tout le mystère de la foi réside dans ce titre et la signification des paroles de ce chant indubitablement sacré…L’air de cette musique, mes enfants, vous met dans un état d’allégresse proche de la béatitude. Notre ami la chante avec un enthousiasme contagieux qui me gagne aussitôt, et bientôt avec lui et moi, le bus tout entier ou presque ! Malheureusement, toute endormie par la parole divine, je ne me suis réveillée qu’aux derniers accords de la chanson, qui se termine bien vite, alors que revoilà notre ami qui se remet à débattre sur le Christ. Désespérée, et bien décider à immortaliser numériquement Jésou Magiré, je lui crie de nous la rechanter. Sympa, grand seigneur, il prend la guitare, mais il en joue une autre, puis une autre, les gens dans le bus se réveillent, tapent dans leurs mains, je sors le tambourin que j’agite d’une main, l’appareil photo avec lequel je filme de l’autre, Sophie finit par se réveiller complètement, et comme nous tous, est enchantée de l’ambiance réjouie qui règne à bord ! Mais notre missionnaire du jour, notre Claude François du tube catholique, ne se décide toujours pas à nous chanter la numéro 1 au hit parade , Jésou Magiré. Au milieu de ses chansons, il s’arrête, et nous dit qu’il va distribuer des barres chocolatées, et que si on veut, on peut lui donner de l’argent en échange, peu importe la valeur. Tout le bus achète. Moi je lui donne 50 reais, et je lui dis, je veux Jésou Magiré. Bien vite il écoule son petit stock de barres chocolatées, et nous entonne un Jésou Magiré plus inspiré et entraînant que jamais, qui nous transporte tous dans la joie qu’aujourd’hui, Jésus et son original apôtre itinérant, nous communiquent. Surréaliste pèlerinage sur le chemin de Belo Horizonte. Au Brésil, la route est l’endroit de prédilection des évangélisateurs en tous genres, chauffeurs de taxis, distributeurs de tracts dans les bus, troubadours itinérants, on nous dit que Jesus e Fiel (Jésus est fidèle), on nous le colle sur le pare-brise des voitures et des camions, sur le casque des motards, à l’adresse des millions de pèlerins, fidèles et infidèles, qui portent leur croix le long des routes, c’est ça aussi le Brésil, Jésus y est fidèle, et il est partout ! Le Brésil, terre promise de l’ Amérique latine… !
A Bé Haga, nous avons le diable au corps, et ne sommes obsédées que par une seule chose, une seule, danser le forro…Le Forro, c’est un sensuel pas de deux bahianais, qui à nos yeux, bénéficie d’un rayonnement et d’une popularité sans limite, nous en sommes de ferventes adeptes, de fidèles disciples . Et dès que nos amis de Bé Haga nous posent pour la première fois, la fameuse question, «et ce soir les filles, vous voulez faire quoi ? », nous répondons tout de go, les mains en prière, dans un seul cri, sautant pieds joints dans des petits frétillements d’enthousiasme, vamos dansar forro, allons danser forro !! Nous serons exaucées et au premier jour de notre arrivée : Bruno, Ricardo et Livia nous emmènent à un cours de forro où nous perfectionnons notre déhanché avec sérieux et discipline. La suite de notre week-end revêtira toute la saveur et les couleurs de nos précédentes tournées avec la chorale. Nous prenons des bus, nous chantons dans les bus, nous visitons la ville, les musées, nous sommes hébergées dans un centre, dispatchées dans des chambres, tout ça en compagnie de quarante autres jeunes de notre âge, avec qui nous discutons, échangeons, ripaillons, buvons bière et cachaça, bref,ce week-end, c’est l’éclate totale, au point que nous prolongerons notre séjour à BH de trois jours, impossible pour nous de quitter cette ville, ces gens, cette joie, cette bonne humeur. Nous ne nous lassons pas de l’énergie positive qui transpire de la région minière, et nous chargeons nos batteries à bloc !
Le lendemain de notre arrivée, départ au petit matin d’une troupe d’une vingtaine de jeunes de la fac de Belo Horizonte. Ils vont rejoindre, et nous avec eux, en autocar et en voiture, ceux se trouvant déjà sur le site qui nous accueille pour le week-end de l’association Aiesec, niché dans la campagne du Minas Gerais, à deux heures de route environ de BH. Il s’agit d’un centre de congrès en pleine nature, aux allures de couvent, avec sa petite chapelle et ses petites chambres aux airs de cellules pour moines aménagées. Autour il y a une sorte de parc, avec des oies sauvages d’une rare agressivité, dont Sophie a failli être par deux fois la malheureuse victime…Il y a une piscine, une petite salle de conférence, tout ce qu’il faut pour être bien. Aussitôt arrivés, nous partons visiter ce qui s’avèrera être la révélation touristique de notre voyage, mais ça, nous sommes encore très très loin de nous en douter. Nous sommes donc une quarantaine, je pense. Une quinzaine de membres actifs de l’association, (trésorier, président, etc…) et une vingtaine de « trainee », ceux qui ne participent qu’ aux actions et aux activités. La visite, c’est donc pour les trainee, qui passent l’après-midi dehors pendant que le staff bûche sur les bilans, les prévisions et l’organisation du week-end en lui-même. Donc nous voilà en compagnie des trainee, au Parque Inhotim, un parc de 1200 hectares, aménagé en jardin géant et en musée d’art contemporain. En plein cœur des montagnes, entourés par des reliefs qui découpent à perte de vue des cimes recouvertes d’une végétation touffue et verdoyante, se trouvent 1200 hectares d’art et de nature qu’un génie brésilien a su marier avec passion et talent. Dans ce parc, tout est fait pour que l’on puisse s’adonner, s’abandonner à la contemplation. Tout d’abord votre œil est séduit par l’ordre esthétique qui règne dans les jardins. Etendues d’herbe tondue, plans d’eau, parterres de plantes extraordinaires, par endroits la nature est brillamment apprivoisée, à d’autres, elle se laisse exprimer et fait l’écrin d’une œuvre que le grand ordinateur du parc a posé là. A des endroits stratégiques, aux abords d’un miroir, au sommet d’une colline, à l’hombre d’un arbre quadri centenaire, le grand ordinateur a disposé des buvettes design et épurées qui se fondent dans le décor pour nous laisser entièrement à son appréciation. Ou tout simplement, il met à la disposition du promeneur, un couple de chaises longues, ou un énorme tronc de bois couché, et poli à son intention. On sent que le grand ordinateur vous y verrait presque lire un livre ou immortaliser d’un trait appliqué le spectacle que vous offre ce parc qu’il a pensé pour vous, cette nature qu’il a mis en scène, et que par lui, vous apprenez à aimer davantage. A Inhotim, à chaque jardin succède une œuvre d’art contemporain, enveloppée la plupart du temps dans une œuvre d’architecture. Personnellement, je ne suis absolument pas réceptive à l’art, qu’il soit classique, baroque ou contemporain ou quoique ce soit d’autre. Je ne prise pas vraiment les musées, les châteaux, et en général j’en fais le tour en cinq minutes chrono …Par contre j’aime beaucoup les ruines, quelles qu’elles soient. Mais en tout cas j’ai du mal à ressentir une quelconque émotion devant de grandes toiles ou de beaux meubles. J’ai longtemps aimé, mais maintenant je préfère faire du tourisme nature, c'est-à-dire me pâmer devant des canyons, des déserts, des forêts tropicales, des plages idylliques, des cascades géantes, etc etc… Je n’ai jamais vraiment été familiarisée avec l’art contemporain, donc je n’ai jamais couru les expos, ni eu d’opinion sur la question. A Inhotim je découvre l’art contemporain. C’est très intéressant, car nous sommes une vingtaine de jeunes, et la plupart font partie du programme d’échange de l’association, il y a donc Juang simung qui est chinois, Konrad qui est polonais, Ola qui est polonaise, un colombien, un mexicain, des brésiliens, et nous-mêmes les françaises. Nous parlons en anglais et en portugais, et découvrons tous ensemble la plupart des merveilles du musées. Les œuvres d’art contemporain interpellent tout le monde, elles enchantent ou déplaisent, mettent mal à l’aise ou apaisent, on les trouve essentielles, ou absurdes, drôles, imposantes, chacun a son avis, chacun fait sa propre interprétation, on cherche ce qu’ a voulu représenter l’artiste, ce qu’il a voulu dire à travers sa représentation, comment lui est venue l’idée, on s’imagine tout un tas de choses, la plupart du temps on fait des supputations idiotes juste pour rire, ou on se met à délirer complètement, et c’est franchement assez génial comme expérience . Au grand air, on contemple, on s’émerveille, on s’interpelle, on réfléchit, on échange, on partage, on rigole, pour moi ce fut une promenade tout à fait unique, et pour Sophie aussi. Bien plus rompue que moi à l’art et aux musées, elle s’est extasiée, et tous ensemble nous avons profité des charmes et des curiosités de ce parc, en ce radieux et chaud après-midi de février. Le soir, évidemment, grosse fête, le lendemain atelier cuisine, bronzette-piscine, séance de clôture, et tout le monde rentre chez soi. Nous nous sommes tout particulièrement liées d’amitié avec Konrad et Pablo, un polonais et un brésilien, et nous nous promettons avec Livia, Bruno et Ricardo, de nous retrouver tous ensemble le lendemain pour déjeuner.
Mais pour nous le week-end n’est toujours pas fini ! Prises d’une folle envie de nous faire un petit plaisir gourmand avec Sophie, on se met en tête de s’envoyer un bon resto avant de regagner l’appartement où on nous accueille. Au retour du week-end le dimanche soir, à la sortie de l’autocar, nous nous rendons à Savassi, le quartier dynamique de la ville. Là, nous demandons à un couple l’adresse d’un resto sympa qui soit ouvert. Le jeune homme nous conseille le centre commercial. Je lui précise qu’on veut quelque chose d’un peu « beautiful and nice », il nous montre du doigt la terrasse du McDo… Nous battons finalement en retraite devant l’incapacité totale de notre interlocuteur à nous comprendre, et tombons au détour d’une rue sur une jolie terrasse où sont exposés en vitrine de formidables morceaux de viandes qui rôtissent à la broche, comme en Argentine ! On se précipite à l’intérieur, il y a un buffet avec, oh merveille, du parmesan, de la mozzarella, du saucisson, c’est à volonté ! On remplit nos assiettes. Nous sommes tombées sans le savoir dans le palais de la viande de bœuf, le temple de la barbaque, le jardin d’Eden du carnivore. Sur la table, un fascicule détaille, dessin illustratif à l’appui, chaque partie de l’animal qu’il nous est possible de déguster ici. A peu près une vingtaine… Les serveurs se baladent dans le resto en brandissant sur une broche de juteux morceaux tout juste sortis du feu. Vous disposez d’une pastille verte d’un côté, rouge de l’autre. Lorsque le serveur portant le morceau qui vous intéresse passe à côté de vous, vous retournez la pastille de façon à ce qu’il voie que le feu vert lui est donné pour vous en faire tomber dans votre assiette. A l’énoncé de ce procédé, je pousse un cri d’extase où se mêlent mon admiration et mon enthousiasme, les serveurs sont absolument ravis de voir l’effet que me font leurs explications. Avec Sophie nous sommes littéralement réjouies et nous laissons la pastille du côté vert quasi tout au long du repas, qui fut absolument pantagruélique. Le restaurant s’est en fait avéré être un établissement ultra chic, où nous avons débarqué guitare en bandoulière et sacs de couchages à la main comme des pouilleuses… Ce qui n’a pas empêché les serveurs d’être à nos petits soins, répondant aux moindres de nos désirs dans un ballet de délicates attentions et de tendres sourires tous bagués (au Brésil, il y a beaucoup d’adultes qui portent des appareils dentaire), nous étions comme des petites reines ! Sophie a bu un des meilleurs verre de vin rouge de sa vie, elle avait au visage l’expression béate d’un surfer qui aurait ridé la vague du siècle. Péniblement, bien alourdies par les kilos de protéines engloutis, nous levons le camp, réglons une addition relativement salée, et regagnons finalement l’appartement des étudiantes qui nous accueillent.
Le lendemain c’est une journée pleine de surprises qui nous attend. C’est le jour de notre supposé départ vers la petite ville de Ouro Preto, connue pour le charme de son architecture colonial… Ce matin-là nous nous organisons. Nous prenons notre nombreux chargement, le déposons à la consigne de la gare autoroutière, réservons nos billets pour le soir même à 20h. Nous avons encore une journée pour profiter de Bh. Nous retrouvons nos amis dans un resto thaïlandais et végétarien du centre, absolument délicieux, moment très agréable, comme toujours. On se dit adieu, aurevoir, goodbye, va com deus ! Puis Ricardo nous emmène visiter la place du pape avant que nous ne prenions le bus. Sur le trajet, Ricardo nous montre sur son portable dernier cri, la photo d’une cascade magnifique où il est allé avec sont frère. Nous nous emballons à la vue de cette merveille de la nature et quand il nous dit que c’est à deux heures de route de BH, nous ne voulons plus aller à Ouro Preto. Ricardo nous propose de nous héberger pour la nuit, et nous décidons de reporter nos billets au lendemain soir, comme ça, dans la journée, nous pourrons aller voir la cascade… Nous visitons la place du Pape, magistral, puis je pars faire un jogging avec Ricardo et un couple de ses amis, surréaliste, pendant que Sophie se promène avec Bruno, celui par qui tout ceci est arrivé. Ensuite Ricardo, Bruno, Sophie et moi, allons rendre visite aux grands-parents de Bruno. La grand-mère de Bruno parle français, alors nous allons lui porter nos hommages... Nous sommes accueillis à bras ouverts par les grands-parents de Bruno, qui nous asseyent, nous servent un digestif, recette secrète du grand-père, et du fromage. Nous nous entretenons en français avec la grand-mère qui remarque malgré cela que Sophie parle et comprend bigrement bien le portugais pour quelqu’un qui n’est là que depuis trois semaines, et elle en est tout simplement soufflée. Bientôt, à la demande pressante de son petit-fils et de son époux, elle s’assied à son piano, et nous joue un air. Etonnants instants que nous savourons tout particulièrement. Ce foyer nous ouvre ses portes, ses bras, et nous en devenons les intimes spectatrices, écoutant cette vieille et charmante dame exécuter parfaitement et de mémoire, une jolie pièce de piano, pendant que son époux, figé dans une émotion qui ne s’est pas usée au fil des années qu’il a passées auprès d’elle, la regarde avec une fierté qui lui déborde des yeux. Nous nous taisons, nous vivons. Bientôt, nous prenons congé. Maintenant nous devons changer nos billets de bus, nous ne partons plus a Ouro Preto, nous dormons ce soir à BH chez Ricardo. Ricardo dépose Bruno chez lui, nous faisons nos petites affaires à la gare autoroutière, puis nous nous rendons chez Ricardo, non sans passer auparavant au supermarché, car ce soir, Sophie et moi, on régale tout le monde, et on va leur mijoter aux p’tits oignons un crumble au saumon, des crêpes, une salade, de l’art de savoir être reçues…. Nous arrivons chez Ricardo, qui par bonheur, habite avec Konrad le polonais, un super pote à nous, et tombons en pamoison devant son appart. C’est un duplex avec terrasse sur les toits et vue sur la ville, tout neuf, propre et moderne, un véritable enchantement. Nous passons une soirée fort charmante tous les quatre, à cuisiner, discuter et dîner au clair de lune, nous apprenons à mieux connaître la vie de nos hôtes, pays, culture, opinions, expériences, voyages, tout y passe, les éternelles discussions de travellers, dont, je l’avoue sans honte, je commence à me lasser…Néanmoins cette soirée complètement improvisée fut en tous points délicieuse . Il y a une chose qui est spécifique au voyage et qui lui donne tout son nectar ; lorsque vous vous réveillez le matin, vous êtes absolument incapable de savoir comment va se terminer votre journée. Ce matin là avec Sophie, nous étions sûres que nous passerions la nuit à Ouro Preto dans un dortoir d’une auberge de jeunesse. Et nous voilà ronflant toutes deux sur un matelas gonflable de camping, au beau milieu du living de chez Ricardo, à Bé Haga. Bem Legal !
Le lendemain donc, départ aux aurores pour rejoindre la gare autoroutière, direction cerro do Cipo, pour aller voir la cascade. Je ne sais pas pourquoi, ce matin-là on a un pétard aux fesses avec Sophie, et on y va à pied, mais en mode marche ultra rapide. Pendant vingt bonnes minutes, on trace en faisant des pas aussi gigantesques que nous le permettent nos courtes jambes, et on arrives toutes essoufflées à la gare, de justesse pour le départ. On embarque, et on s’écroule de sommeil sur les sièges. On arrive deux heures plus tard à cerro do Cipo. Direction cachoeira Grande où nous arrivons après une demi-heure de marche. C’est une grande cascade en effet, un peu moins belle que sur les photos de l’ami Ricardo, car le jour où nous y sommes, il y a moins d’eau. Mais elle nous satisfait largement et nous y déjeunons de magnifiques sandwichs à l’oignon rouge, posées sur un tronc d’arbre au dessus des chutes… Direction ensuite le parc national où se trouve une autre cascade, la cachoeira Farofa. On a décidé d’y aller simplement sur le nom, car ici le farofa, c’est une poudre de farine de mil, revenue à la poêle dans de l’huile, avec de l’ail et des oignons, et que l’on saupoudre ensuite en condiment sur les haricots, la viande, le riz, un peu partout. C’est absolument délicieux, et d’ailleurs, on en traine un petit paquet sur nous depuis un bon bout de temps, et, malgré la rareté d’usage que nous en faisons, nous nous refusons à nous séparer… Aujourd’hui nous décidons que puisque la terre doit revenir à la terre, et la poussière à la poussière, il n’y a aucune raison pour que le farofa ne revienne pas à Farofa. Et nous l’y porterons à dos de canassons, si Dieu le veut, car il pleut des cordes, et depuis une heure que nous l’attendons, en compagnie d’un garde forestier qui parle ostensiblement fort au téléphone, le guide n’a toujours pas pointé le bout de son nez. Mais il arrive enfin. Il est parfait, on ne comprend absolument rien à ce qu’il dit, il parle un patois épouvantable, il est de très mauvais poil, il porte un T-shirt Diesel très mode qui s’accorde parfaitement avec ses guêtres de cheval et son air bourru de vieux paysan de campagne…. ! Nous décollons tous les trois sur nos chevaux qui n’ont pas de nom, Sophie est en short et tongs, je suis en caleçon et nus-pieds, notre ami est en Diesel, on est tous dans les conditions optimales pour une belle balade équestre en forêt, et sous une pluie battante qui ne nous décourage pas le moins du monde avec la Sophie (au grand dépit de notre guide qui n’est pas du tout enchanté de la promenade), nous partons en trottinant vers Farofa. D’entrée de jeu nous somme en conflit avec le guide. Il nous interdit de galoper, ça n’est pas pour nous plaire. On essaye quand même de faire démarrer nos chevaux, qui sont de vraies tortues, à grand coups de savates, claquements de langues et hurlements incitateurs hystériques, ce qui a pour effet sur eux de leur faire accélérer leur trop sans jamais passer au galop, tout ça pour notre plus grand inconfort. Et quand on a le bonheur et la chance d’arriver à faire passer la cinquième à nos montures, et que enfin, nous pouvons nous envoler au grand galop, en véritable peste, notre guide super sapé siffle un grand coup entre ses dents, ce qui a pour effet de stopper net les chevaux qui, immédiatement, ralentissent. Exaspérées nous nous agitons de plus belle, jusqu’à ce que, rompues, épuisées par nos tentatives qu’inexorablement, la grande pesteuse tue dans l’oeuf, nous nous résignions au misérable trot. Mais toujours, malgré la pluie battante, malgré nos chevaux et notre guide récalcitrant, nous avançons de ce même trot vers la prometteuse Farofa. La pluie s’arrête, puis reprend, nous traversons petits bosquets et longues plaines, passons de gentils cours d’eau, et enfin nous la voyons dévaler d’une falaise au loin, la haute, la belle, la majestueuse Farofa, grande de ses 80 mètres. Je m’attarde alors pour prendre des petites vidéos, et tenter de faire une bonne mise au point avec l'appareil sur la petite perle de lait qui dévale de la paroi rocheuse, mais mon cheval, que j’ai librement baptisé Jolly Jumper, s’arrête impunément au bord du chemin pour se ravitailler en herbes folles, si bien que je perds de vue mes compères. Soudain j’entends un cheval au galop, je me dis, Sophie a trouvé la cinquième ! Mais c’est le guide qui apparaît furibard, me crache à la figure un flot de patois brésilien absolument inintelligible. Visiblement, il se permet de me passer un savon, on nage en plein délire… Il pleut, les chevaux n’ont pas l’option galop, et le guide est caractériel ! Je décide de prendre mon temps malgré tout, et finalement, clopin-clopant, nous arrivons à la cascade avec Jolly Jumper. On admire, on filme, on photographie, Sophie entretien une longue conversation avec notre guide, elle semble mieux le comprendre que moi, qui ai l’air de passablement l’exaspérer… ! Galvanisé par ces moments d’échange et de partage, il entreprend de nous faire une démonstration de sa virilité, et enlève son t-shirt griffé pour découvrir un torse velu mais encore bien ferme et musclé, qu’il va rincer de sa sueur dans l’eau gelée de la cascade. Loin d’être émoustillées avec Sophie, nous remarquons non sans une certaine admiration que malgré le temps et ses effets néfastes, notre taciturne ami a su garder la ligne… ! ça explique peut-être son côté fashion victime..Nous repartons ensuite bien vite, car il est tard déjà et nous devons attraper un bus qui nous ramène à BH. Nous rentrons toujours au même rythme, au trot, attrapons notre bus et regagnons BH où nous attendent nos copains. Nous décidons que nous partirons le lendemain à Ouro Preto. Alors pour fêter cela, Ricardo et Konrad nous emmènent à l’Amarelho, un grand bar de jeunes où la pinte est pas chère. Nous retrouvons là tous les jeunes de l’association, et on mange, et on boit, et on cloppe, et on discute, et on rigole jusque tard dans la nuit.
Finalement nous décidons que nous ne passerons pas par Ouro Preto, et irons directement à Ilha Grande. Programme de la journée : resto d’adieu (encore un !) et visite de la ville jusqu’à l’heure de prendre le bus pour Rio. Nous déjeunons dans un resto typique de la région, absolument délicieux, nous allons ensuite, accompagnées par Ricardo , sur une colline qui s’appelle Topo do mundo, qui est très haute et d’où l’ on peut apprécier la vue d’un panorama a couper le souffle, s’il fait beau et que n’y a pas moins d’un mètre de visibilité au sommet… Et aujourd’hui il ne fait pas beau, et il y a moins d’un mètre de visibilité au sommet. Nous assistons à une scène assez incroyable, car il y a un énorme orage, les éclairs fusent tout autour de nous, le tonnerre gronde avec fracas, et soudain il se met à grêler, et on se retrouve, en pleine région tropicale, avec des petits grains de glace entre les doigts, c’est assez exceptionnel. Evidemment il y a une explication rationnelle, mais de la glace qui tombe du ciel dans un pays où on pète de chaud, ça impressionne. Nous arriverons quand même, au travers de brèves éclaircies, à voir le beau panorama que promet cette colline, et nous partons de Belo Horizonte la tête pleine de belles images, de paysages, de cascades, de promenades, et surtout, fortes des nouvelles amitiés que nous avons liées avec les etudiants de cette association, qui nous ont vraiment royalement accueilli, et avec qui nous avons passé des moments inoubliables . Grâce à eux j’ai d’ailleurs pu vivre un moment assez dingue, lors du week-end de l’association. Le dimanche, après le déjeuner, le staff a pris une salle de conférence, et a mis par terre plein d’énormes coussins de toutes les couleurs en faisant un grand cercle. Ils ont fermé les rideaux de la salle, ils ont appelé tout le monde et les gens sont allés se coucher sur les coussins en rond. Ensuite ils m’ont demandé de m’installer au milieu, de chanter des chansons et raconter mon voyage pendant 20 minutes. J’ai joué une chanson en français, pendant 20 minutes j’ai monologué tant bien que mal en portugais et raconté mes p’tites histoires, et j’ai conclu avec une chanson brésilienne. C’était un moment assez magique, que j’ai beaucoup aimé, c’était tout calme, tranquille, très apaisant, et , j’ai envie de dire, quoi de plus relaxant, quand on un ego surdimensionné, que de raconter sa vie à une petite assistance entièrement acquise à votre cause… ! Bref, je n’aurai qu’un mot, à tous ces gens que nous avons rencontré, à tous ces gens que nous avons aimé, à cette ville que nous quittons avec regrets, obrigada Bé Haga !