Je me suis réveillée ce matin, en bien meilleure forme que la veille, le cœur un peu moins gros, un peu moins lourd. Aujourd’hui, le programme est simple : attaquer le côté hollandais ! ça fait très longtemps que je veux chanter là bas, mais mon chargement de mulet m’en empêchait. Ce matin, j’ai le courage pour me déplacer jusqu’à Philipsburg. J’ai donc chargé le minibus public de tous mes instruments, payé pour deux passagers au lieu d’un, et je suis arrivée sur la place centrale du front de mer de Philipsburg, bordée de petits bancs que surplombent de hauts palmiers. Les gens passent, leurs emplettes à la mains, et ils se reposent au frais. Pour une fois, pas de terrasse, pas de café, c’est eux et moi, ceux qui écoutent sont là pour écouter, et moi je suis là pour chanter, et gagner des sous. On est du côté hollandais, presque pas de français, mais quand même un couple qui me reconnaît de la télévision, (décidemment), je suis donc complètement à mon aise. Je parle, je raconte ma vie, mon œuvre, ma tragédie grecque de la veille, je la joue sincère, thérapie de groupe, we are all here together today to heal my broken heart, applause !!! Les gens aiment, on se rue sur ma boîte, on m’encourage, on me félicite, on me soigne, et je guéris ! Je joue une petite demie-heure, fais mes acrobaties, peinarde au soleil, sur le grand espace que m’offre cette place. Je ramasse 40$, que je compte un peu plus loind dans un petit café français qui longe le bord de mer. Les deux patronnes, Delphine et Brigitte, sont fans de Dalida et des chants du chœur de l’armée rouge. Je me sens tellement bien ici , que je demande si je peux chanter pour leurs clients. Elles acceptent, je branche, et là, miracle, tout le monde écoute, regarde, applaudit, je suis aux anges. Je la joue aussi à l’aise que la fois précédente, si ce n’est plus. Une petite demie-heure de chansons, tout le monde passe par ma boîte avant d’aller payer, les patronnes sont ravies, mon jus pressé est offert, je peux revenir quand je veux, et 45$ dans ma boîte, le bonheur ! Je rentre bien vite à Marigot, me remettre de toutes mes émotions. Sur le chemin du retour, je compare mon humeur à celle de l’aller, et je me dis, I am the lucky one. Il me suffit d’aller pousser la chansonnette dans la rue pour que je sois remise de mes peines, et même si encore, le cœur me serre, je retrouve avec ma guitare et mes passants, toute ma joie de vivre et mon bonheur d’aller.
(soupir) Que c’est bon la vie !