dimanche 18 avril 2010

Ups and downs

Les jours se suivent mais ne se ressemblent pas quand on chante dans la rue. Je vais de joies en déceptions, je passe de la déprime à la surexcitation, je pense que je vais faire un arrêt cardiaque à un âge précoce.
Ce matin je me réveille, comme tous les matins, jusque là, rien d’anormal, le soleil, lui aussi s’est levé, alléluia, l’ apocalypse est remise à plus tard . Omelette, internet, il est bientôt midi, l’heure d’enfiler mon habit de lumière pour aller chanter sous les cocotiers. Je me branche à 13h pétantes sur la place du front de mer, il n’y a pas autant de monde que la veille, mais beaucoup mettent de l’argent dans la boîte, il y a notamment de nombreux va et viens d’employés des magasins bordant la place, ils bossent dans des boutiques de diamants, bijoux, dans le luxe, et ils débarquent tous un par uns, des blacks massifs, moulés dans leurs pantalons de costume, et à grands pas décidés, ils me foncent droit dessus, puis glissent lestement leurs dols dans la boîte pour s’en retourner aussitôt sous les spotlights de leurs vitrines, derrières lesquels ils m’observent, ou m’enregistrent sur leurs iphoneblackberry. Je chante le même temps que la veille. Maya est là, qui enregistre tout, flanquée d’un marin qu’on a rencontré dans le minibus, la jeune cinquantaine, Dave, qui nous vient tout droit d’Alaska, tout bonnement hallucinant, première fois que je rencontre quelqu’un de cette région ! Il nous a demandé avec Maya si on était musiciennes, en nous voyant charger le bus de tous mon petit monde, on a expliqué ce que je faisait, on lui dit que s’il voulait savoir ce que c’ était comme musique exactement, il n’avait qu’à nous suivre, ce qu’il a fait par la suite. Il a demandé au chauffeur où il pouvait acheter du fuel pas cher, et là, Maya s’est occupée de lui, lui a tout montré sur un carte, par où passer, sous quels ponts, quelle hauteur, c’est quoi ton bateau, mais tu viens d’où, mais tu vas où, et c’est quoi la longueur de ton boat, moi c’est 7.7, c’est petit t’as vu, on est à deux dedans, je vais me tirer une balle, je pète un câble !!!! On arrive à la place du front de mer, Dave descend avec nous, et nous dit qu’il nous retrouve plus tard, il va chercher des trucs pour son bateau. OK. T’as le double de notre âge, tu t’appelles Dave, tu viens d’Alaska, on te connaît depuis vingt minutes, et on se retrouve plus tard, tout va bien, c’est normal. Avec Maya, on commente : « Trop sympa ce type, il vient s’Alaska en plus, c’est complètement dingue. .. ! ». Donc Dave part faire ses petites affaires, nous faisons notre petit business sur la place avec Maya, on ramasse des sous, et malgré le peu d’affluence, j’ai envie de dire que le lien s’est crée, que la mayo a pris, et je compte plus de dols que la veille, ce qui me met dans une humeur très sautillante. Dave arrive juste à la fin du show, quand je débranche. Ah bah mince alors, bon bah t’as qu’à venir au prochain, on y va maintenant là tout de suite. Nous allons donc tous trois chez Delphine. Mais là, Delphine elle me dit que la veille, sa serveuse n’ a ramassé aucun pourboire parce que les clients m’ont tout donné, donc si je veux chanter, faudra que j’attende la fin du service. Qu’ à cela ne tienne, je pars à la recherche d’une autre terrasse, je la trouve, et nous voilà rebroussant chemin tous les trois clopin-clopant… Dave dit « We are following you like puppies », j’explose de rire, you speak your mind, it’s nice ! Il y va pas par quatre chemins Dave, il est assez surprenant ce type. Je m’installe devant une grande terrasse en bord de mer, Dave et Maya prennent place sur un banc derrière moi. Je me branche, et on va dire, heureusement qu’ils applaudissent à tout rompre, parce que c'est-à-dire que sinon, je serais au bord de la crise de nerf. Les gens sont d’une mollesse, c’est pas croyable, rien à voir avec la place du front de mer. Mais les mamas blacks vendeuses de pacotilles sont là pour me remonter le moral, et la mine réjouie de Dave est très réconfortante ! Dave, on va vous le décrire: son vrai nom c’est David, et il dit qu’en Amérique du sud, quand il disait aux gens qu’ils s’appelait David, ils levaient la tête vers lui et disaient, non, pas David, Goliath ! C’est une grosse baraque imposante, il doit faire un bon mètre quatre-vingt dix. Il a le cheveux bouclé, gris et foisonnant, une grosse goofa mal débroussaillée, une barbe de trois-quatre jours, les yeux bleus, le nez droit et fin, et un large sourire sympathique. Il a une bonne tête quoi, c’est un gros nounours. Je termine le tour, fais un tour des tables, et ne ramasse que vingt dollars. Je suis tout simplement outrée. Vingt dollars, mais où sommes-nous ? Je digère très mal, ça ne passe pas du tout. Dave prend congé, il reviendra ce soir à la marina Royale. Nous allons boire un café avec Maya, au Greenhouse, le café de bobby’s marina, le qg des danois. Là c’est plus que je ne peux supporter, et je quitte la table pour aller pleurer de rage et de tristesse dans un coin, tout d’un coup, je me retrouve au 36 dessous, comme ça, en moins d’une heure, je passe de la joie du super tour de la place, à une déprime incommensurable…aaaahhh ! C’t’agaçant !
Finalement nous rentrons à Marigot. On se douche, on se repose, et on part avec tout le petit chargement à la marina. Et là, je me souviens des réflexions des serveurs du resto de gauche, la veille. Ils m’ont posé des questions sur garçon de café, comme quoi c’était pas vraiment sympa pour les serveurs, alors que je précise à chaque fois que ça parle du seizième et pas du reste... Et ils ont ajouté que je chantais des chansons trop tristes et qu’ils allaient se tirer une balle. Very nice… En même temps, c’est vrai que j’envoie pas du désanchantée à toutes batteries, donc je me dis, au lieu de changer de répertoire, je vais tout simplement changer de spot. Je me mets donc dans un coin, où il y a des marches, je suis surélevée, et comme je suis à l’angle d’un angle droit, au lieu de viser deux terrasses, j’en vise quatre, soit le double… et cinq même, car dans le coin, il y a un tout petit cyber-bar, qui est resté ouvert, et ce cyber bar aura son importance dans le déroulement de la soirée. Je me branche donc, je me présente aux quatre terrasses, je joue, ça applaudit, les serveurs sont ultra contents, ultra solidaires, mettent tous des sous dans ma boîte, un couple de clients en met deux fois, ça sourit dans tous les sens, il n’y a que des bonnes ondes ! En fait avant j’ai fait l’erreur de jouer devant les deux restos qui faisaient le plus de couvert, le Village, et le resto des méchants serveurs. Par conséquent, l’accueil était aussi arrogant que le chiffre d’affaire. Dans ce coin de la marina, on fait un peu moins de couvert, du coup, on crache pas sur tout ce qui peut concurrencer les deux malabars du bout du ponton.
Je fais mes acrobaties, je ramasse plein de sousous, quasiment le double des fois précédentes, je suis aux anges, je rencontre des canadiens, je leurs demande si je peux me tirer une bûche (puis-je m’asseoir), je virevolte de bonheur et de langues vivantes entre les tables, les gens sont de partout, Québec, New-Jersey, Paris seizième, Puerto Rico, et ils sont trop sympas, quelle ambiance, non mais quelle ambiance !Tous les restos acceptent que je passe aux tables des terrasses, les serveurs disent que c’est bien, c’est chouette, c’est sympa, ça change, ça fait de l’animation, tout ça tout ça, oh mes alleux !!
Je rejoins Dave et les tchèques au cyber-bar, la patronne me reconnaît d’NRJ 12, elle est trop contente, elle a appelé son mari et ses fils pour qu’ils viennent écouter, quand ils arrivent je rejoue, des compos, des nouvelles reprises, je parle, je plaisante, tout ça en français, c’est tout à fait inhabituel. Toute la petite famille du cyber-bar est là, qui applaudissent et encouragent. Ils me donnent 30 dols à la fin, et nous offrent toutes nos consos ! Trop symmmpa !
Ensuite le gérant d’un des restos vient me voir et me demande si je peux chanter le lendemain en exclu devant leur terrasse à eux, en échange de quoi ils m’offrent le repas et mes consos, j’accepte tout de suite. Et, cerise sur le gâteau, un autre gérant d’un des deux malabars, jaloux du succès de notre angle, me demande de revenir devant sa terrasse, et me dit qu’il faut pas que je me formalise pour les méchants serveurs, dans ce resto c’est tous des saligauds. La patronne du cyber-bar tient un autre bar, la flibuste, où elle organise des soirées de temps en temps, est-ce que je peux participêr ? Mais oui bien sûr, c’est la fête, je vais chanter partout, on va tous se faire des couilles en or !!!
Après le tour, nous restons là, à discuter, les tchèques, Dave, les gens du cyber-bar, ambiance conviviale, c’est fraternel, c’est bon enfant, c’est trop sympa !
Je rentre à la maison toute contente finalement, je compte et recompte les billets que j’irai soigneusement déposer à la banque lundi matin, j’en ai plein, j’en ai trop !!! Je suis surexcitée à la vue de tout cet argent que j’ai gagné, je trouve cela irréel, trop facile, trop agréable, et comme je suis occupée à chanter et à me déplacer toute la journée, je n’en dépense quasiment pas, la vie fait bien les choses !

Et toute la joie de cette journée pleine de rencontres et d'émotions fortes me tient réveillée toute la nuit, que je passe à bouser tant et plus sur ma guitare, toute inspirée que je suis par les surprises de ce voyage, et le remue-ménage permanent que je vis depuis que je suis partie...!