Mes enfants, il s’en est passé des choses depuis deux jours… Le lendemain de ce cette super journée, ultra lucrative somme toute, Maya me rejoint chez moi, et nous partons pour la plage de Grand-Case, mon spot préféré. Et là, je vous le donne en mille, qu’est-ce qu’il se passe ? Un type me reconnaît d’NRJ 12 ! Tout bonnement hallucinant le nombre de glandus qui regardent cette chaîne, bref. Il me dit qu’il s’installe à St Maarten, qu’est-ce que j’en pense, ai-je des conseils à prodiguer ? Je prodigue, il frétille de contentement dans son long short fuchsia, il est tout excité à l’idée de vivre une vie pépère faite de plage, pourboires et rhum coco. Maya m’apprend ensuite qu’elle a décidé d’embarquer avec Dave d’Alaska, sur son bateau de treize mètres, Aeolus, pour aller dans les US Virgin Island. Et là, je m’entends lui dire, j’irais bien avec vous. Maya saute de joie, I am so happy, I so wanted you to come ! Alors, voir ma petite Maya, qui est inconsolable parce qu’elle ne trouve pas de job et qu’elle n’ a plus un rond, tressaillir de joie à cette déclaration, ça me transporte, tout simplement, et je dis, ok Maya, Let’s go together, You’ll find good job, and I’ll just sing in the street !
Nous revenons de la plage à 17H, Maya va sur le boat de Dave, qui paraît-il, est absolument ravi à l’idée que je les accompagne. Rendez-vous est donné le lendemain, embarquement à 17h, direction St-Thomas, dans les îles vierges américaines. Je suis on ne peut plus heureuse à l’idée de reprendre la mer et de retrouver le large. Comme nous ne connaissons Dave que depuis deux jours, nous prenons soin de copier les coordonnées de son passeport, que nous transmettons à Martin, chargé de donner l’alerte si dans trois jours, il n’ a pas de nos nouvelles. De mon côté je préviens juste Sophie que j’embarque avec un parfait étranger et que si dans trois jours je n’ai pas donné de news, elle doit sonner l’alarme. Ce jour là je ne chante pas car ma voix est crevée par la nuit que j’ai passée à bouser sur ma gratte.
Le lendemain, c’est le jour du départ. Nous nous retrouvons chez moi avec Maya, on internette, on café-cloppe, on est dans l’excitation des grands départs, je fais une valise toute légère, mais quand même, je me retrouve avec un chargement sur le dos, sur le ventre, un charriot dans une main, une valisette à roues dans l’autre. Nous débarquons sur le pontons tels deux mulets qui s’apprêtent à naviguer avec l’ours blanc du grand nord. Mais, nous n’avons pas pensé à l’immigration, donc le départ est remis au lendemain. Qu’à cela ne tienne, nous dormirons quand même sur Aeolus ce soir. Nous avons de grandes discussions qui tournent autour des rôles de nos différents pays dans la seconde guerre mondiale, et je dois dire que ce soir là, et le matin qui suivent, la France s’en prend plein la gueule par la République Tchèque et les Etats-Unis. Mes chers compatriotes, je nous ai défendu corps et âme, becs et ongles, je ne me suis jamais entendue encenser mon pays de la sorte. Ils ont été jusqu’à critiquer notre éternelle baguette, on croit rêver ! Bref, nous faisons la clearance, et nous levons l’ancre, direction plein ouest, vers le soleil couchant. Ils souffle une légère brise qui pousse Aeolus, sous grand voile et gênois, à 6-6,5 nœuds. J’apprends les différents termes d’accastillage en anglais, boom, fender, main sail, jib, etc… Notre mission est de maintenir Dave éveillé toute la nuit pour qu’il règle la course du bateau, qui a tendance à dériver régulièrement, you wanna a give it a plus two Anna, give it a minus three, ça sera comme ça pendant toute la nav. Je retrouve mes petits moments à l’étrave, et cette fois-ci, je ne pense pas à Martin, je pense à mon danois, tant et plus, je ne peux pas me le sortir de la tête. Il ya deux jours, nous étions dans son bateau. J’avais un peu bu, et avec la fatigue et la houle, j’étais bien pompette… Je suis allée m’assoupir dans la cabine. Il est venu me réveiller, et là, toute chancelante je me suis levée, et me suis jetée dans ses bras en lui disant I am falling in love with you … Il en est littéralement tombé à la renverse et nous nous sommes tous les deux rétamés sur le sol en bois de Dania, c’était d’un romantisme… absolute ! Bref, j’étrave, je pense au danois, au Danemark, à la Scandinavie en général, qu’il me tarde d’aller visiter…
Je dors beaucoup sur Aeolus, comme à mon habitude, je récupère en mer de ma folle vie à terre. A minuit Maya me réveille, je dois tenir Dave éveillé jusqu’au lever du soleil. Je lui fais donc tout simplement raconter sa vie. J’y consacrerai un chapitre plus tard, elle est assez passionnante. Dave est un prêtre mormon défroqué, qui a vécu sa jeunesse en hippie, bourlinguant à travers l’Afrique, l’Europe et l’Amérique. Il a été gigolo, charpentier, ingénieur, etc… Vers quatre heures du mat’, c’est à mon tour de lui raconter ma vie, mais il s’assoupit régulièrement, alors pour savoir exactement quand il est en train de dormir, je dis régulièrement « et c’est à ce moment là que j’ai décidé de me couper les jambes et de manger mes pieds ! » Deux ou trois fois, il ne réagit pas, le pauvre Dave tombe de sommeil… Régulièrement je lui dis, mais dors, je vais la régler moi ta course, mais il s’acharne et tente tant bien que mal de rester éveillé. J’en viens à lui parler du danois, et là, Dave se dresse d’un bond quand je lui dis qu’il est à Tortola, l’île que l’on aperçoit à 30 miles à peu près. Mais on y va tout de suite !!! Je change la course, on y est dans 4 heures !! Non Dave, il ne faut pas, j’ai été trop triste, je ne veux pas redire au revoir, c’est trop dur, c’est affreux ! Mais Anne, tu ne vas peut-être jamais le revoir, il faut en profiter tant qu’il est tout près ! Il bataille, je résiste. Mais Dave, le voyageur au grand cœur, a les mots qu’il faut pour convaincre, et bientôt, je ne rêve que d’une chose, retrouver mon danois sur les îles vierges britanniques, voisines des îles vierges américaines. Mais nous devons d’abord nous rendre à St-Thomas, dans les îles vierges américaines, car Maya veut absolument trouver un job là-bas.
Après une nav idéale de vingt-quatre heures, pleine de rires, d’histoires insolites, de soleil levant et couchant d’un absolu merveilleux, nous jetons l’ancre devant St-John, l’île où se trouve l’immigration. C’est tout petit, tout sauvage, il fait beau, la mer est turquoise, pas un français à des miles à la ronde, le bonheur, l’extase. A la douane, on nous fait des misères, Maya qui est passée par les Etats-Unis pour se rendre à la Barbade, se voit annoncer que son visa expire dans trois semaines, et qu’il faut qu’elle retourne en Tchéquie pour le faire renouveler, ce qui nous paraît totalement saugrenu. Mais devant le sérieux très administratif de nos douaniers, nous n’osons piper mot. Pas de job pour Maya aux US, il faudra trouver une autre solution. Nous levons l’ancre à nouveau, direction st-Thomas, à vingt minutes de nav, le QG de Dave, il y a tous ses potes, et toutes ses habitudes. St-Thomas est aussi charmante que St-John, et au bonheur, Aeolus a sa place réservée sur un ponton, qui dit ponton dit voisins, et qui dit voisins dit copains !!! Aussitôt arrivés, nous partons en annexe nous baigner sur Happy Island. Avec Maya on a une stratégie, on se fait un max de potes parmi les locaux pour pouvoir lui trouver un job au black, et me dégoter un voilier qui retourne à St-Maarten.
Nous nous baignons, à côté de nous, deux hommes jouent avec un chien dans l’eau, et tout simplement je nage vers eux et engage la conversation. L’un est allemand, l’autre texan, ils vivent sur des bateaux, le texan est gardien d’une île, et l’allemand a fait rentrer suffisamment d’argent dans ses caisses en restaurant de vieilles baraques en France, pour vivre pépère sans bosser jusqu’à la fin de ses jours… Le chien s’appelle Maya comme Maya, ce qui nous fait tous bien rigoler pendant un bon quart d’heures. Personne ne fait route pour vers St-Maarten à leur connaissance, et pour le job, ils passeront nous voir ce soir. Nous rentrons sur Aeolus, et mettons au point la stratégie big surprise for danish lover. J’envoie un texto que Dave veut me dicter : « Andy, tu es l’homme de mes rêves, j’ai désespérément besoin de te voir, j’ai besoin de toi, mon être tout entier a besoin de toi, mon corps tremble d’amour pour toi !!» Pas question Dave ! Nen mais tu t’es cru dans les feux de l’amour ???!!!! Très sobrement, je lui demande jusqu’à quand il reste dans les îles vierges. Je comprends d’abord qu’il n’y reste plus qu’une journée. Survolté, Dave est déjà sur le point de larguer les amarres, il hurle à tous les vents, we must go RIGHT NOW ! Mais en fait Dania reste jusqu’à Samedi, Dave se calme, reprend ses esprits, nous irons demain Anne, je vais radicalement changer vos vies, Maya va trouver un job, et toi, tu vas te marier et avoir plein d’enfants, plus tard, vous me remercierez. So sweet ! Dans son élan de solidarité, notre skipper offre à Maya de lui raser les jambes, devant mes yeux écarquillés..Je n’en reviens pas ! Dave, d’Alaska, prêtre mormon défroqué, est en train de raser les jambes de Maya la tchèque, qu’il a rencontré dans un bus il y a quatre jours… Surréaliste !
Le texan arrive en annexe à hauteur de notre ponton, et nous invite à dîner d’ un barbecue sur le beau yacht de l’allemand, ce que nous acceptons avec enthousiasme. Nous nous rendons tous les trois en annexe sur Blue Sun, où nous attendent filets mignons, côtes de porc, patates aux herbes, pâtes à la bolognaise, bananes flambées et petit vin rouge. Nous passons une soirée charmante à discuter des caraïbes, des visas américains, d’Hambourg, etc… On échange, on partage, et on s’instruit, on apprend notamment avec stupéfaction, que les schtroumpfs, qu’on appelle les smurfs en anglais, sont d’origine tchèques. Et le plus bizarre, c’est que ça n’est pas Maya qui nous l’apprend, mais le texan, qui se verra répéter par notre skipper effaré, toute la soirée longue, « but how the fuck did you now the smurfs were czech ??!!! ». Nous prenons congé, remercions grandement, et repartons sur notre annexe, non sans faire un peu les fous en passant en dessous des énormes catas amarrés aux catways.
Maya et moi ne revenons toujours pas de cette folle rencontre avec l'ours du grand nord, et on se dit que c’est tout simplement génial de pouvoir créer des liens et des souvenirs aussi facilement avec des gens qui vous sont, au départ, parfaitement étrangers.