dimanche 28 février 2010

Itacaré, artificiel le paradis

Nous sommes à itacaré. Des mois que je rêve de ce petit paradis tropical, de ses palmiers, de ses interminables successions de plages de sable fin et d’eau turquoise, de sa pléthore de bars et restaurants qui me fourniront la quantité de touristes nécessaires au bon remplissage de ma panthère. Nous arrivons au petit matin, taxi, direction la pousada. On nous loge dans une annexe. Pour le même prix qu’un chambre partagée, nous bénéficieront d’un chambre pour nous toutes seules et d’une salle de bain privée, le luxe ! Sauf que, on est un peu excentrées, et véritablement, ça pue la merde dans la chambre et dans la salle de bain, en permanence. Très très désagréable, mais bon, pour le moment, on reste. De toute façon, on n’est pas là pour passer du temps dans la chambre, il y a une vingtaine de plages qui attendent que nos venions faire bronzer nos corps déjà bien dorés. Les plages sont numérotées sur une carte, on se dirige sous un cagnard puissant vers la première, la numéro 1. Déjà, ça sonne parc d’attraction. Vous allez où ? On va à la numéro 1… On arrive, on s’extasie, personne ou presque, une mer qui roulotte, bleue comme le ciel, un sable fin, blanc, des palmiers verts, Itacaré est fidèle au site internet qui vante ses mérites. On se pose, on se baigne, on bronze au son de nos mp3, on lit, on se détend. Je suis en train de prendre des photos allongée sur le dos, du ciel, et des branches de palmiers qui dansent avec les rayons du soleil au dessus de ma tête. Soudain, dans mon objectif, une barbe noire, par-dessus le son de la musique dans mes oreilles, une voix enthousiastement bourrue qui demande : « isso e um cavaquinho, ne ? » « c’est un cavaquinho ça, non ? » Mais qui ose demander pareille chose sans même se présenter, alors que je suis tranquillement dans ma bulle ? C’est Caio, un jeune gringalet de 25 ans, accompagné de Tiago, et de la belle Fernanda. Avant même que j’ai pu répondre, non ça n’est pas un cavaquinho, c’est un cuarto venezuelano, ils ont déjà étendu leurs serviettes à côté des nôtres, s’appropriant notre carré d’ombre et mon instrument. Très très détendus ces brésiliens… On discute gentiment, mais moi je suis crevée, je m’écrase toute endormie et ne me réveille que pour me tremper dans l’eau de temps en temps. Sophie parle anglais avec nos amis, qui restent avec nous toute l’après-midi ou presque. A 16h, le devoir les appelle, les garçons travaillent dans une crêperie du centre, avec d’autres jeunes gens que nous rencontrerons plus tard. Tout ce petit monde vient d’une ville, dont nous ne comprendrons jamais le nom, mais habitent dans une autre, dont nous ne comprendrons jamais le nom non plus. Donc on leur parle de « la ville d’où tu viens » et de « la ville ou tu habites », en permanence, pour faire simple…Fernanda est la petite copine de Tiago, et l’a rejoint pour quelques jours de bonheur en sa compagnie. Donc quand les garçons partent, elle reste avec nous, je me réveille et nous lui chantons, pour son plus grand plaisir, des chansons a deux voix avec le cavaquinho, sur la plage, à l’ombre des cocotiers, c’est le rêve. Mais déjà, je ne vois plus Itacaré comme un petit paradis, mais plutôt comme une grande salle de théâtre à l’air libre où tout le monde se donne en spectacle. La plage s’est remplie ; ici, des corps huilés bronzés bodybuildés, font des pompes sans les mains, jouent au foot en dansant presque, ou envoient sauts périlleux avant et arrières en s’assurant bien qu’on les regarde, et évidemment, qu’on les admire. Là des nymphes à la peau dorées marchent le long de l’eau en ondulant du bassin, réajustent leur ficelle, se cambrent tant et plus, l’objectif étant d’avoir les fesses plus hautes que le coxis, histoire de pouvoir péter plus haut que son cul. C’est le paradis des m’as-tu vue comme que je suis belle, regarde moi comme je suis fort. Que des jeunes, QUE des jeunes ! On ne croisera qu’une petit vieille, quelques jours plus tard, je signale le phénomène à Sophie, mon Dieu, là, regarde, non ce n’est pas un perroquet multicolore, non ce n’est pas une vague géante, là, la petite vieille, qui sort de l’eau, incroyable, regarde !!!! Mais que faut-elle ici ? Elle s’est perdue ??! Elle va avoir l’air tellement cool devant ses copines quand elle va leur dire qu’elle revient d’Itacaré, une star internationale cette grand-mère !!
Bref, Itacaré, c’est un grand camp de vacances hippie pour backpakers un peu friqués. Hippie pourquoi ? Et bien ici toutes les drogues sont à disposition, et partout, ça sent la nature, la naturelle marie-jeanne que l’on fume sans impunité, dans les bars, sur la plage, dans les pousadas, ça tape sûrement de la coke et de l’extasie, Itacaré, c’est extatique…. ! Le matin, on assiste au ballet des surfeurs musclés et dreadlockés qui se rendent à la plage, arborant fièrement leurs boards, toutes plus stylées les unes que les autres. A itacaré, tout le monde il est beau, tout le monde il est fonsdé, tout le monde il est gentil, d’ailleurs on a jamais eu autant de potes qu’à Itacaré. On a jamais eu autant de copines surtout, on les a comptées, on en a douze !!!! Il y a nos trois Israéliennes du bus que l’on croise et avec qui l’on papote régulièrement, nos trois danoises que j’avais rencontrées dans le bus qui m’amenait de Rio à Salvador pour aller chercher Sophie, et que nous avons rejoint dans une pousada moins chère et bien plus sympa, la Lawrence pousada. Il y a notre copine Laura, la baroudeuse slovène, qu’on a rencontrée à Salvador, et qui a une copine tunisienne un peu pète sec mais qu’on a l’indulgence de compter parmi nos amies. Il y a Alice et Coralie, deux françaises trop trop cool, rencontrées lors de mon premier show dans la rue Pituba, la rue principale d’Itacaré. Il y a Fernanda, et Ana, la petite sœur d’un des serveurs brésilien de la crêperie. Vous pensiez si j’étais contente, moi qui me plaignait en permanence de ne rencontrer que des hommes, tous les jours je fais le récapitulatif numéral de nos copines, et m’extasie devant ce chiffre biblique, douze, Sophie, douze copines, tu rends compte ?????!!!! On ne fait pas un pas sans rencontrer l’une d’entre elles. Aux plages numéro 1, 2 et 3, et à la pousada, on a nos copines danoises, à la crêperie on a Fernanda, au cyber, les israéliennes, au café du français et dans les bars, les françaises, au hippie spot, soit le bar canapé coussin hamac sur la plage numéro 2, la slovène, et les danoises aussi (les danoises sont partout), bref, à Itacaré, on a toujours des copines avec qui rigoler, et ça, c’est trop patate ! Malheureusement, c’est pile au moment où on ne peut plus compter nos copines sur les dix doigts de la main tellement qu’on en a, que je décide d’attraper le grand virus du Brésil, un virus très mystérieux, qui n’a pas de nom, mais que tout le monde attrape en ce moment. Bref, je m’étendrai là-dessus plus tard, en attendant, je décide de laisser Sophie avec nos amis qui viennent d’une ville et habitent dans une autre, et je pars chanter. Je m’installe devant le café du français, pousse la chansonnette une demi-heure, les gens s’arrêtent, écoutent, apprécient, applaudissent, donnent de l’argent, mais je suis bien loin des sommes astronomiques gagnées à Ilha Grande, seulement une petite cinquantaine de reais. Sur la chanson arabe que j’ai bouclée, j’invite une jeune fille assise sur le trottoir d’en face, à danser avec moi. Après le show nous discutons, et je découvre qu’elle est française, et qu’elle aussi a traversé l’atlantique, en passant par les Canaries, Mindelo, sur un beau bateau, un Bénéteau 54. Je suis absolument ravie, lui pose plein de questions sur sa traversée, combien de temps le pot au noir, combien de temps ???!!! Je n’en reviens toujours pas qu’avec Pilhouë on y ait passé quatre jours, ça me dépasse, ça m’horripile, ça m’exaspère !! Je n’ai rencontré encore personne qui y ait passé plus de temps que nous ! Alice est très sympa, elle a un visage large et ouvert, thibétanesque, des grands yeux océans, elle inspire tout de suite la confiance, et à son sourire grand comme une vague, on sent qu’elle est douée pour le bonheur. Elle est ici avec Coralie, étudiante en erasmus à Natal, la ville, selon elle, la plus moche et morte du Brésil. Coralie est très nature, très jolie et pas coquette pour deux sous, aussi avenante et ouverte qu’Alice. Elles ont loué avec la maman de Coralie, venue aussi lui rendre visite, une petite maison toute mignonne à deux pas de Pituba, la rue principale. Très gentiment, elles me proposent de garder là mes affaires de musique, et donc tous les soirs je viendrai chercher et déposer mon bardas chez elles. En échange je prête mon notebook à Coralie qui doit rédiger son mémoire. On prend des cafés ensemble, des caïpis, des clopes, et on passe de bons moments à discuter, à parler de la mer, de Natal, du Braziou, c’est patate ! Après le show, on leur propose de venir avec nous passer la soirée chez nos potes qui viennent d’une ville et habitent dans une autre, et elles acceptent. On va dans la petite maison de nos copains, ça joue de la guitare, ça boit de la bière, ça parle portugais et anglais dans tous les sens, et ça part faire la fête dans un bar. Malheureusement, Leandro, un surfeur bérsilien, me pourrit la soirée, en me demandant pourquoi les français détestent parler anglais. J’avais prévenu Sophie à son arrivée : tu vas voir, tous les brésiliens vont te demander pourquoi les français détestent parler anglais, moi perso, je n’en peux plus, ça me tue à chaque fois qu’on me le demande. Je réponds toujours la même chose, et pour une fois, au lieu de pourrir mon pays, je le défends ; mais vous ne comprenez pas, la France est la destination la plus touristique du monde, à Paris, c’est bourré de gens qui parlent anglais, on est comme un grand musée rempli d’étrangers, si on se laisse faire, dans cinquante ans tout le monde est anglophone et personne ne saura plus parler cette langue que vous trouvez si romantique, dans les alpes, quand je prends le bus pour monter sur les pistes, j’entends que des anglais, il y a même une station de ski, où il y a un bar qui n’accepte pas les français, nen mais tu rends compte mon pauvre ami ? Alors scandale !!!! Alors on se rebelle, et si vous ne savez pas au moins dire bonjour aurevoir s’il vous plait et merci, on vous envoie chier, c’est normal, regarde moi, je parle portugais non ? C’est la moindre des choses ,et le minimum, c’est les quatre mots magiques, voilà, maintenant tu sais. Mais là ce soir, un brésilien, qui me demande, pour la centième fois pourquoi les français n’aiment pas parler anglais, c’est trop, je lui réponds oui oui c’est vrai en soupirant d’impatience, et une fois arrivée au bar, je me dis, je vais rencontrer tout plein de brésiliens qui vont me poser la même question, et alors qu’un grand blond dreadlocké dégueulasse se permet de me passer la main dans les cheveux, je craque et rentre à la maison, abandonnant là la sophie, qui, une skol à la main, entourée de quinze mecs, est comme un poisson dans l’eau, en plus elle préfère mille fois plus parler anglais que portugais, les brésiliens seront ravis qu’elle fasse mentir le mythe international du français anglophobe.
Le lendemain, nous partons visiter la plage numéro 3. Vide, vierge, cette plage là n’est pas le théâtre des m’as-tu vu, il n’y a quasiment que nous, à l’ombre, et les danoises, qui rôtissent au soleil et ont la couleur appétissante des tomates italiennes.. On se baigne, on mange des pasteis salés, de l’açaï, on lit, on bronze, journée parfaite. Le soir, je vais chanter. Je vais à mon poste habituel, mais là, le patron de la pousada d’en face m’exhorte à aller faire mon bordel ailleurs. Je lui dis que non, c’est la rue, c’est publique, le trottoir, il est pas à toi, il est à tout le monde, il me dit qu’il va appeler la police. Je bataille, mais bats finalement en retraite, non sans lui tirer une langue grande comme les champs Elysées, pestouille de six ans d’âge mental… Je vais finalement me poster à l’entrée de la rue. Je fais un concert génial, les gens adorent, il y a une ambiance au top du top, largement due à un petit jeune en t-shirt rose, qui lance des applaudissements a chaque fois que quelqu’un met de l’argent dans la boîte, et tape des mains en rythme sur chacune des chansons. Ils ne veulent pas que je termine, j’en fais une dernière, puis encore une, puis encore une, et enfin je m’arrête, fourbue, mais heureuse comme jamais ! Un des meilleurs concert que j’aie jamais fait, super vivant, chaleureux, mémorable ! La caisse n’ a qu’une petite soixantaine de réais, mais le moral est au plus haut. Sophie est ravie, je suis trop contente qu’elle m’aie vu chanter pou la première fois dans ces conditions, et sa présence me chamboulait à tel point que dès que je la regardais, j’avais presque les larmes aux yeux, très spécial…Les danoises et les françaises sont là, et après le show nous allons toutes ensemble prendre un pot chez le français. Mais nous devons rentrer bien vite avec Sophie, car je ne me sens pas bien du tout. Nous ne fermons pas l’œil de la nuit, car je la passe à vomir au dessus des toilettes dans des cris épouvantables d’agonie, je crois que ma dernière heure arrive à chaque crise, tellement je souffre. Je frissonne de froid alors qu’il fait quarante degrés, donc nous ne mettons pas le ventilo, et dormons la fenêtre ouverte, ce qui nous vaut d’être harcelée par les moustiques. A cinq du mat ’, exaspérées, à bout, on allume tout, on explose sur le mur tous les moustiques tous pleins de notre sang, on ferme toutes les fenêtres, et enfin, on s’endort. Je me réveille à 9h, et part pieds nus, toujours agonisante, sans réveiller Sophie, trouver le français du café pour qu’il me trouve un médecin en mesure de me sauver d’une mort certaine. Au café, on me dit que le français n’est pas là. Je fonds en larmes, le sort en est jeté, je suis perdue. Il faut que tu aille à l’hôpital mon petit, on va t’y conduire. Et là, qui débarque au volant de sa fiat ?Ll’insupportable patron de la pousada à qui j’avais tiré la langue la veille. Tout désolé de me voir dans cet état, il m’ouvre une portière avenante, alors que j’entre, pleurant de plus belle, dans la charrette du grand méchant loup. Il me conduit à l’hôpital, m’enregistre, et m’abandonne là, parmi tout un tas de brésiliens malades, dans cette bâtisse froide aux murs de plâtres, où j’ai la certitude qu’il traine tout un tas de maladies nosocomiales. C’est mon tour de passer devant le docteur. J’arrive, pieds nus, le cheveu en bataille, en petite robe d’été, l’œil rouge, la lèvre fiévreuse. Elle me demande ce que j’ai, je lui explique que je suis à l’article de la mort et qu’il faut sans doute faire venir un prêtre pour qu’il m’entende en confession. Elle me fait une ordonnance et me dit de revenir la voir avec les médicaments qu’elle me prescrit. Je vais à la pharmacie, et on me sort des étagères, des poches remplies de liquide transparent. Je panique, je me roule par terre en hurlant. Ah mais qu’est-ce que c’est que ça ??? ça sert à quoi ? Qu’est-ce que je dois en faire ? Ah c’est ce qu’il y a marqué sur l’ordonnance, c’est du sorro. Mais c’est quoi le sorro, c’est de l’eau bénite ? !! Je rentre à l’hôpital, mon eau bénite sous le bras. Je vais voir la docteur, elle me dit qu’ils vont me faire une perfusion d’eau bénite, et que je vais rester toute la journée à l’hôpital. Je chiale comme un moutard. Non, je ne veux pas, je veux les bonnes vieilles pilules, je veux un traitement rapide et efficace, je ne veux pas de perfusion !!!! Ah, c’est ça , ou tu continues à vomir mon petit, comme tu veux. Bon, je préfère ça, mais t’es sûre que ça marche ??? Mais qu’est ce que j’ai d’ailleurs ? Tu as ce que 90% des gens qui sont là, ont, un virus, on ne sait pas ce que c’est, tu vomis et t’as la diarrhée, on donne du sorro et ça passe. Je vais dans la salle commune des pestiférés, m’allonger sur un lit pourri, on me perfuse le bras, ça fait un mal de chien, mais finalement, épuisée, je m’endors. Soudain je me réveille, tousse comme c’est pas permis, en sanglottant comme une perdue, transpirant comme une marathonienne, ça y est, elle vient, elle est là, la grande faucheuse, je vais mourir étouffée dans un hôpital de seconde zone, et le prêtre qui n’est toujours pas là !!! Soudain, je crois être en plein délire, je vois débarquer un homme en soutane, tenant une bible grosse comme le quid, à la main. Sans déconner… Vraiment ma dernière heure est venue, il le sait, il est venu m’entendre ! Mais il se dirige vers ma voisine, une petite vieille qui tousse gras, et sans mettre la main, au point que je m’empêche de respirer pendant ses crises, histoire de ne pas chopper le mal qui la ronge. Quand je pense mon calvaire achevé, on vient me re-perfuser un autre sac de sorro, alors que je pleure de désespoir à la vue de cette poche de souffrance qui visiblement ne fait aucun effet, puisque certes, je ne vomis pas, mais me sens toujours très proche de la grande porte de Saint-Pierre. Finalement mon calvaire prend fin, et je rentre, chancelante, nus-pieds, vers Pituba. Pendant ce temps, Sophie a fouillé toutes les pharmacies et les centres médicaux de la ville pour me trouver. Elle va voir les gens en leur demandant, au désespoir, onde anna, onde anna, Anne, où ça, où ça ? Très optimiste, elle pense que les pharmaciens connaissent mon nom, sans doute se dit-elle que je suis allée les voir en leur disant bonjour, je m’appelle Anne, et je suis malade, peux tu m’aider ? Bref, elle retourne tout ce qui ressemble de près où de loin à un endroit où je serais aller chercher de quoi me guérir. En chemin elle rencontre, la rirette la rirette, Coralie, qu’elle implique dans sa quête du Saint-Périer. Et finalement, en remontant Pituba, je les croise, qui la descendent, grandes retrouvailles, mais brèves, car je pars bien vite me coucher, je suis au plus mal. Mais, après une courte sieste, pendant la quelle Sophie profite de la compagnie de nos nombreux amis, je me sens mieux, et nous partons au QG des gens qui viennent d’une ville et habitent dans une autre, la crêperie. Là, je mange, Sophie mange, on nous fait des assiettes perso avec nos noms, des guitares et des tours Eiffel, dessinées à la sauce caramel, il y a les israëliennes, les brésiliens, c’est la fête, on se friendrequest sur facebook avec le laptop d’un copain, c’est le début d’une grande histoire d’amitié, officialisée sur la toile. On part tous en soirée, au jungle bar. Comme je ne bois pas, comme je suis fatiguée de me raconter et d’entendre toujours les mêmes questions, les mêmes histoires, je décide de mettre à exécution un petit concept très simple que j’ai imaginé. Prendre des gens que je ne connais ni d’Eve ni d’Adam en photo, de manière très évidente, sans se cacher. Débarquer et les flasher impunément, la photo étant le témoin de la réaction qu’ils ont face à cette démarche très sans-gêne et intrusive. Toute la soirée donc, je mitraille absolument tout le monde. Les réactions sont très différentes, et semblent montrer la relation qu’on les gens avec leur propre image. Par exemple, je prends une femme en photo, elle est surprise, choquée, déstabilisée, et pas très contente après moi. Je lui montre ensuite la photo, et là, elle se trouve affreuse. Et bien qu’elle n’aie pas apprécié que je la prenne en photo, elle oublie tout de suite que je suis l’inconnue un peu bizarre qui l’ a flashée impunément, et pose avec un grand sourire, car l’important, qu’elle me connaisse ou pas, c’est que j’aie une belle photo d’elle. L’important à ses yeux, ce n’est plus ma démarche intrusive, c’est le résultat de ma démarche, c’est l’image que je vais garder d’elle. Très spécial. Et si la photo est bonne, il faut ABSOLUMENT que je la lui envoie, parce que les bonnes photos, ça vaut de l’or, ça fait plein de comments sur facebook, alors elle me laisse son adresse mail, et toute la soirée, j’accumule les adresses, sans savoir à qui elles appartiennent. J’explique pourquoi je fais ça, et les gens, passée la surprise de mon flash impudique, sont très réceptifs, et assez contents. Ça me vaut d’avoir quelques conversations intéressantes, non plus centrées sur ou tu viens qui tu es ou tu vas, mais sur la photo, la relation des gens à l’image, etc… Ce qui me fait dire que cette démarche est un bon moyen de connaître la relation des gens à leur image, c’est la chose suivante. En marchant dans la rue, je croise des camés de chez camés, des artisans de bijoux sur-drogués, qui rejettent sûrement la société, société qui ne doit pas leur renvoyer une image très bonne d’eux-mêmes, parce que la drogue, on la voit sur leur visage, dans leur aspect, on la devine dans tout leur être, et c’est un peu triste à voir. Ces trois camés, sont les seuls qui ont catégoriquement refuser de me « donner » leur image, et ils se sont cachés la tête derrière leurs panneaux d’artisans. Je crois même qu’ils m’ont insultée. Ce sont les seuls de qui je n’ai pas réussi à obtenir une réaction un tant soit peu positive. Car même les gens qui réagissaient négativement, me laissaient au moins m’expliquer sur mon geste, et après coup approuvaient. Mais eux, les artisans drogués, ne m’ont pas laissé une seule chance de capturer leur visage, ni de leur expliquer pourquoi je voulais le faire. C’est là que je me suis dit que plus les gens étaient à l’aise avec leur image, plus ils réagissaient avec naturel et sympathie. Mais je me trompe peut-être. En tout cas j’ai passé la nuit à faire ça, j’ai bien rigolé, et je trouve qu’il n’y à rien de plus sympa que de passer une soirée entière à discuter et à s’amuser, sans avoir à boire une seule goutte d’alcool.
Le lendemain, le mal reprend de plus belle, je me remets à vomir, et cette fois-ci, pardonnez mon impudeur, j’ai la diarrhée. Je passe la journée à dormir et à me vider. Sophie n’est pas abandonnée à elle-même, puisque nous avons plus de copains que jamais, et passe la journée avec les uns, avec les autres, parle anglais et portugais, se promène, bronze et boit des coups, journée très sympa pour la Sophie, heureusement que je suis malade dans cet idéal camp de vacances, où nos copains sont plus nombreux que les cheveux que nous avons sur la tête. Le soir je suis toujours assez mal en point, Sophie dine gentiment avec les danoises en parlant musique et culture scandinave, passe la soirée avec nos copains de la crêperie, et revient au petit matin se coucher, fraîche comme la rosée. Le lendemain, je vais un peu mieux, mais suis toujours mal, et je décide de partir à la poursuite du français, pour qu’il me donne le nom d’un médecin privé que je suis prête à payer des miliards de reais pour qu’il me sorte de mon état. Je vais au café du français, bien faiblarde, deux jours que je ne mange plus et me vide de tout ce qui me reste dans les entrailles, j’arrive, le français n’ets pas là, qu’à cela ne tienne, appelez-le pour moi, faites le mander !! On me passe le téléphone, je l’appelle, pour lui faire un peu peur, je lui dis que c’est le jour où j’ai pris un jus d’orange chez lui avec des glaçons qui étaient sûrement de l’eau du robinet, que je suis malade, il me dit qu’il va faire venir son docteur au café, rendez-vous est pris pour 18h. Là, ça va tout de suite mieux, et revigorées par la joyeuse perspective d’une guérison certaine, nous partons fêter mon futur rétablissement en allant faire du shopping. Arrive l’heure du rendez-vous, le médecin m’écoute, m’explique que c’est le virus mystérieux, que j’ai de la chance de l’avoir attrapé maintenant, je suis immunisée avant qu’il ne mute et ne devienne pire encore, me donne des médicaments, et avant même de les avoir acheté, je suis déjà sur pied. C’est notre dernier soir à Itacaré, je décide de chanter, concert sympa sans plus, le t-shirt rose n’est pas là pour mettre l’ambiance et faire la clappe. Ensuite nous allons retrouver nos copains de la crêperie au jungle bar, et là, nous dansons le forro, la danse la plus sensuelle du monde. On s’encastre les jambes et on dandine des fesses joue contre joue. Je danse trois fois avec Tiago (Fernanda nous a quittée la veille), et tombe complètement amoureuse de lui. Je m’abandonne totalement dans ses bras,, balance mon bassin contre le sien, je ne fais plus qu’un avec Tiago, nous dansons, suons, j’ai ma tête sur son épaule, et s’il me le demandait, je lui roulerait volontiers le patin du siècle. Mais Tiago, le seul brésilien par lequel je sois attirée, et vraiment, est maqué, et ça, c’est dégueulasse. Mais ! Je sens que je ne laisse pas Tiago indifférent. Et danser avec Tiago a eu un tel effet sur moi que je ne pense qu’à une chose, me blottir dans ses bras câlins, et danser le forro avec lui, toute la vie si Dieu le veut. Je me mets donc en tête de partir vivre à Curitiba, la ville où tous nos potes habitent, et dont on a enfin retenu le nom, et briser l’ harmonieux couple qu’il forme avec Fernanda. Elle est très amoureuse, mais lui m’a dit qu’elle était loin d’être la femme de sa vie, ce qui veut tout dire, et ça n’est pas tombé dans l’oreille d’une sourde ! Je décide donc je passerai deux mois, ou toute la vie, à Curitiba, une fois que Sophie aura regagné la France. Sophie de son côté, s'est acoquinée avec un nain de la meilleure éspèce et danse collée serrée tout contre lui, ils forment un couple improbable et très photogénique, que je mitraille à tout va, il se dégage une tendresse de leur duo, qui ferait fondre la banquise antarctique... Nous terminons la soirée tous les trois avec Tiago, et d’autres noctambules, dans la station service du coin, ouvert h 24, on joue de la guitare, on chante des chansons, c’est trop symmpa ! On ne se couche pas avec Sophie, et partons au petit matin, attraper le bus qui nous mènera à notre prochaine étape, Belo Horizonte.
Itacaré c’était super, absolument magnifique, une nature pure et simple, des plages, de l’eau, des arbres, du bleu du blanc du vert, des bars tous plus sympas les uns que les autres, des copains par miliers. Mais Itacaré, c’est un peu du vent, un endroit qui sans touristes, doit être complètement mort, un endroit où le paraître compte plus que l’être, un grand camp de vacances où on passe de la plage au resto, du resto au bar, du bar à la boîte, de la boîte à la pousada, et ainsi de suite, Itacaré, c’est un petit paradis, mais un paradis artificiel, et je suis bien contente de n’avoir finalement pas posé mes valises là bas. A voir maintenant, un nouvel horizon, l’horizon de Belo Horizonte.