dimanche 27 septembre 2009

Martin, the crazy czech


Martin, la première fois que je l'ai apperçu, il marchait sur le quai de la Marina de Porto Santo. Il m'a tout de suite plu, parce qu'il avait un vieux short en jean, un t-shirt délavé ou pas lavé, des vieilles tongs, une vieille casquette, mais il était quand même beau, avec ses boucles dorées et son regard azur. Je me suis dit, ce mec là, il est certainement très cool. Il ne fait pas attention à sa tenue, moi je trouve ça irrésistible. Je ne supporte pas les mecs apprêtés et maniaques du rangement, qui sont du genre à plier leur pantalon avant de se coucher. Moi j'aime l'homme quand il balance ses affaires par terre le soir et quand au matin il choisit sa tenue en prenant ce qu'il y a de plus facilement accessible dans son placard, sans se soucier de savoir si les couleurs ou les matières concordent. Moi j'aime les mâles, pas les metromachinchoses. Martin ça se voyait tout de suite, c'était un bon mâle. Il sentait le fauve de loin, moi j'aime aussi quand le mâle sent le fauve. Un homme qui sent bon c'est louche. Soit ça ne bouge pas assez, soit ça fait trop attention, et faire attention, c'est pas sexy, pour moi, c'est carrément rédhibitoire.
De loin donc, Martin me plaisait beaucoup.
La seconde fois que je le vis, ce fut sur Gédéon, en compagnie de celle que je pensais être sa copine, Maya. Là j'ai tout de suite oublié mon béguin quand j'ai constaté que la place était prise, et je l'ai dit auparavant, j'étais en plus complètement outrée par ses clins d'oeils intempestifs, la femme trahie en moi levait le poing devant cet autre exemple de la cochonnerie masculine. Je me dis donc, Martin, c'est un beau con, et pis c'est tout! Et peut toujours crever pour que je lui adresse la parole. Je ne lui parlai donc pas, et ne parlais qu'à Maya, charmante, adorable, mais pourquoi ce connard voulait-il la tromper??? Polpmi pardel kurva!

Ensuite j'appris qu'ils n'étaient pas en couple, et passai donc une soirée très agréable avec lui, malheureusement, on avait pas vraiment d'atomes crochus, car même s'il baragouine un peu de franglais, il avait du mal à me comprendre et moi aussi. Et puis franchement, on s'était vus deux fois, on avait pas grand chose à se dire. Et je me rendis assez vite compte les jours suivants que Maya était toujours là, qu'elle nous servait d'interprète et que la situation ne faisait pas vraiment rêver. Donc je m'eloignai très gentiment du tchèque sans grands regrets, car bon, réflexion faite, je trouvais notre relation sans intérêt.

On s'entendait quand même bien, il m'apprenait des mots tchèques, et pas que des gros, d'autres sympas aussi, seïch fakt dubra, polip mié, mié loï tie, té motz, etc...et moi je lui apprenais à prononcer correctement vas te faire foutre et bordel de merde, très bon enfant quoi.

Et puis donc un jour, il me montre son film. Voici donc l'histoire de Martin, the crazy czech.

Martin est donc né en Republique tchèque, un pays entouré de plein d'autres pays, et où il n'y a pas la mer. Martin avait un grand-père un peu fou, très bricoleur, malin et débrouillard, qui lui a fait participé à tous ses projets un peu tarés, comme la construction d'une sorte deltaplane sur ski qui vole pas et qui est propulsé par un ventilo (pas trop compris, la communication n'est pas facile, on s'en souvient). Il a transmis à son petit fils son goût pour la construction et son grain de folie. Ensemble, ils ont pris les plans d'un catamaran d'environ 7 mètres en bois habitable constructible par n'importe lequel des particuliers, le wareham, et ils l'ont construit. Et puis le grand-père est mort. Moment extrêmement difficile pour Martin, qui a quand même continué à porter en lui les rêves et les projets de cet homme qui était plus qu'un père ou qu'un mentor, un véritable dieu. Une fois le wareham construit et mis à l'eau sur un lac tchèque avec succès, Martin décide de prendre la mer avec, et quand vous voyez l'aspect de la machine, tout en bois, ultra roots, bic et broc, vous vous dites, ce mec n'a peur de rien...En plus il était tout jeune, il devait avoir 18-20 ans à l'époque... D'abord il a dû le démonter et il l'a amené je ne me souviens plus trés bien où (il était trés tard et le film était long, plein d'anecdotes, toutes plus folles les unes que les autres), l'a remonté, et à travers les canaux, les rivieres, les fleuves , dématé et au moteur, il l'a amené jusqu'à Port Saint-Louis, à côté de Marseille. depuis la République tchèque ça fait une trotte quand même... Je me souviens d'une photo surréaliste de Martin à bord de son Wareham sur la Seine à côté de l'île de la cité...! Dingue... Bref, il finit par arriver sur la mer, enfin, après un voyage de je ne sais pas combien de mois, il navigue sur la Méditerranée. Il y vit et met de l'argent de côté en s'occupant de l'électricité à bord des bateaux.
Puis il part pour faire le tour de l'Italie avec son raffiot. Une longue route, le bateau essuyant moults avaries, Martin s'en prenant plein la tronche, dans le bon sens comme dans le mauvais. Il s'en prend plein les yeux au niveau des paysages qu'il découvre, de l'expérience qu'il fait du voyage, du partage, des rencontres, etc... Plein la tronche parce que son bateau c'est le radeau de la méduse, à la fin il porte en premanence une coque en plastique sur le nez car il était tout le temps rincé par les vagues, et qu'avec le soleil, l'eau salée de la mer lui décapait la peau du nez. une fois qu'il a remonté toute la botte de l'Italie jusqu'á l'autre côté, quand il en a fait le tour, en plusieurs mois aussi car il faut s'arrêter pour travailler et accumuler des sous pour repartir, il en a eu marre et a fait ramener le bateau par la route en rep. tchèque.
Avec son bateau, et son énorme voyage, plus sa nationalité plus qu'improbable pour un marin, Martin n'est pas passé innaperçu, et son histoire en a passionné plus d'un. Dont une radio tchèque qui lui a demandé d'en faire le récit sur les ondes.
Martin raconte: construction, acheminement, voyages, péripéties, mais maintenant il en a sa claque, le wareham té mootz, mais c'est fatiguant, trop dur, it's too much. Il voudrait un vrai bateau maintenant.

Une femme écoute à la radio l'histoire de Martin. Elle est fraîchement veuve. Son mari a passé vingt ans de sa vie à construire lui même son voilier, sur ses plans, avec ses mains, il a fait deux sorties avec, sur des lacs, et puis il est mort. Tragique. Il n'a même pas pris une seule fois la mer avec. Elle se retrouve avec un gros bateau sur le dos, le travail de toute une vie, le fruit d'une passion, d'un amour, d'un rêve. Le jeune Martin lui fait penser à son mari défunt, acharné, passionné, rêveur. Elle appelle la radio. Puis appelle Martin. Et lui donne le bateau de son mari. Comme ça, gratuit. Parce qu'il le mérite, parce qu'il le vaut bien. Parce qu'il n'a rien mais qu'il n'a pas peur de tout perdre, parce qu'il fait prendre corps à ses rêves, comme son mari a fait prendre corps au sien, à son bateau, son rêve, sa vie.

Martin a pris le voilier, l'a mis à port Saint-Louis, et Maya, folle aussi, volontaire, acharnée et rêveuse, l'a suivi. Maintenant ils veulent aller aux caraïbes, mais ils n'ont plus un sou, alors ils vont travailler à Madère comme moi en attendant de partir. On s'est appelé "the crazy group" parce qu'on a tous conscience qu'on est un peu tarés, et que ce qu'on fait n'est pas normal.

Après le visionnage du film, débrief cacao-clope avec Maya qui est revenue sur le bateau, qui me raconte le grand-père etc... moi béate d'admiration, arrivant à peine à croire que ce Martin auquel je ne m'intéressais pas plus que ça, était en fait un héros des temps modernes. Ce que je ne comprennais pas non plus, c'est qu'elle ne lui saute pas dessus. Attends ma poulette, un mec comme ça t'en croises pas deux dans une vie! Tu vis avec lui, sur son bateau, et t'es pas folle amoureuse????! Mais moi je l'épouse demain ton Martin! J'apprends le tchèque et je fais ma demande! Réponse désabusée de Maya... Moi je ne comprends pas, mais je décide, malgré mon coup de foudre, de garder mes distances, leur histoire est obscure et je ne veux pas m'immiscer, ni me créer des problèmes avec des gens sympa que je vais côtoyer pendant au moins un bon mois.... Mais quand même le Martin, c'est le mec le plus fou que j'aie jamais rencontré, et de ma bouche, c'est une louange....