vendredi 4 septembre 2009

Il était un petit navire....

La vie est faite de rencontres...

Un mercredi, à Saint Cloud. Il fait beau, j'attends le bus. Flemmarde, je m'asseois a la terrasse du café à côté de mon arrêt. 2 ou 3 tables plus loin, deux hommes disent aurevoir a leur amie. Lorsqu'elle s'en va ils attardent longuement leur regard sur la jolie croupe de la demoiselle....Moi de mon côté je les regarde, amusée, en me disant que les hommes ont bien de la chance que Dieu ne nous ai pas mis les yeux derrière la tête...
Voyant mon large sourire et mes yeux rieurs, les deux compères engagent la conversation de loin (ils pensaient que je riais du commentaire grivois qu'ils avaient fait en admirant la donzelle chalouper, en fait je n'avais rien entendu, ils se disaient peut-être que j'avais un sacré sens de l'humour...), puis m'invitent a partager leur petit rouge à leur table. Un peu méfiante d'abord, je me joins finalement a eux, mettant de côté ma parano de jeune fille des beaux quartiers.
On discute gaiement, ils sont très sympatiques, et la conversation va bon train. Je leurs dis que j'envisage de partir m'installer a Salavador de Bahia. Frimeur, l'un d'entre eux, Antoine, qui porte fièrement une chemise avec inscrit dessus "la solitaire du Figaro" et "Staff", me dit que si je voulais, grace à lui, je pourrais y aller en bateau. Ca n'est pas tombé dans l'oreille d'une sourde et je lui demande de préciser. Il me dit alors qu'il est agent de communication de Xavier Haize, un marin sportif qui participe a une course qui s'appelle la Mini-Transatlantique 650: on part de La Rochelle et on va a Salvador de Bahia. Il y a des voiliers accompagnateurs qui recrutent des équipiers.
Mon coeur bondit, mes yeux pétillent, je veux y aller! Comment je fais? Oh là, tout doux dit Antoine, ça n'est pas fait! Il peut me donner un contact parmis les organisateurs de la course, apres, vogue la galère, tu te démerdes. On se dit que ca serait quand meme marrant que je traverse l'Atlantique à la voile, tout ca parce qu'ils ont regardé les fesse de la demoiselle avec un peu trop d'insistance....
Il me donne le contact, je dois envoyer un mail decrivant mes motivations, qui sont grandes, et mon expérience maritime, qui est petite. On se quitte, je détale chez moi, prend d'assaut l'ordi, et fais une lettre de motiv en y allant un peu au culot, comme d'hab.
Les semaines passent, et pas de nouvelles. Moi je me vois déjà à califourchon sur la barre de flèche mitraillant (de photos) les dauphins de l'Atlantique...Je finis, désespérée, par appeler Antoine en lui demandant ce qui se passe, ce que je dois faire pour m'assurer une place a bord. Relance. Logique. Je relance donc Isabelle Magois, mon contact. Daniel Henry me répond, pas de panique, votre demande circule parmis les chefs d'équipages. Bon, je patiente alors.
Les semaines passent, toujours pas de nouvelles. J'appelle Daniel. Il me répond que ca circule, mais moi ca ne me suffit pas:
- Mais Daniel, moi j'ai un désavantage par rapport aux autres, je n'ai quasiment jamais navigué, il faut que je fasse quelque chose pour pouvoir mieux convaincre les chefs d'équipage, tu peux pas me donner leur numéro s'il te plaît?
C'est non, mais Daniel note que je suis tres motivée, et m'invite a lui réenvoyer un mail qu'il fera circuler. je m'exécute. Au moins Daniel, lui, sait que j'existe, et que j'en veux!
Une semaine passe, je traque ma boite mail tous les jours, je réponds à mon portable à tous les numéros que je ne connais pas, j'ai les antennes déployées, je me tiens prête. Enfin, Daniel m'écrit de lui envoyer mon cv, mon profil intéresse un chef d'équipage... Dans la seconde, c'est fait.
Les semaines passent, rien. MAIS! Un matin, un message sur mon répondeur. Daniel. Il a en face de lui quelqu'un qui me prend à son bord, il me donne son numéro. je rappelle dans la seconde. Il s'agit de Denis, il est médecin anesthésiste, il a un petit voilier, un Jurançon baptisé Gédéon, il va jusqu'a Madère (ile protugaise au large de l'Afrique du Nord), après il n'est pas sûr de continuer, mais je pourrai toujours trouver sur place un autre voilier faisant route vers les amériques et qui voudra bien m'embarquer...C'est bon pour moi?
C'est parfait! On se retrouve à la Rochelle après-demain. Je fais mes bagages en vitesse (on était le 1er septembre, je ne m'attendais pas à partir avant le 10 ou le 16), je prends mon train, en me posant un miliard de questions. Combien seront nous sur le bateau? Serai-je la seule novice? vont-ils me supporter? etc....
J'arrive à La Rochelle. Denis est en retard, et il pleut. Mais je m'en cogne. Je suis survoltée, mais en même temps, j'ai tres peur. Je ne sais absolument pas ce qui m'attend. Denis arrive. Aussi grand que moi, le cheveux noir avec quelques crins blancs par-ci par là, et un peu vieux, 45-50 ans à peu près. Il m'apprend qu'il n'accompagne pas la course, il se rend juste à Madère, il a déjà traversé l'atlantique il y a dix ans, avec un japonais comme équipier. Et combien sommes nous sur le bateau Denis?

Il y a toi, et moi, c'est tout.


Ah.... je ne m'attendais pas du tout à ça. On s'arrête dans un café manger un morceau. Là je m'apperçois que Denis n'est pas très causant....et les minutes où nous restons en silence passent très lentement....Je vous avoue que je suis un peu prise de panique. Faire 10 jours de traversée seule avec un "vioc" qui parle pas, c'est pas vraiment ce que j'avais imaginé....Après le diner, une longue marche nous attends, et comme Denis ne parle pas, je peux penser tout à loisir. Je suis toujours prête à partir, mais j'angoisse un peu que les parents qui viennent me rendre visite le lendemain, eux, ne me laissent pas embarquer seule avec ce vieux médecin un peu taciturne.
Ah, Denis a parlé. Pardon? il faut traverser.
En fait Denis parle seulement quand c'est utile. Et moi je parle tout le temps pour ne rien dire...c't'embêtant.
Je me replonge dans mes réflexions, et me fais une raison, et à dire vrai, je suis suis même plutôt contente. Il ya plusieurs avantages a cette configuration particulière.
Primo, on est deux sur le bateau, je vais donc participer à fond, et j'aurai acquis une bonne base de navigation en arrivant à Madère, je saurai donc mieux me défendre auprès des chefs d'équipages susceptibles de bien vouloir me prendre à leur bord pour la traversée jusqu'à Bahia.
Deuxio, le silence quasi permanent de mon capitaine ne peut que m'être utile, il m'apprendra à me taire, et il est toujours bon de savoir se taire.
Tertio, en arrivant à Madère, j'aurai tellement besoin de parler, de m'exprimer, que je serai plus motivée que jamais pour aller chanter dans les bars, voir du monde, communiquer quoi.

Les réflexions faites, l'enthousiasme est revenu, mais il est tu, silencieux.
Je souris à l'intérieur, et je me tais.

Le bateau est tout petit, 9 mètres, j'ai une petite couchette à l'avant séparée par un rideau du reste de la cabine pour préserver ma pudeur....Je sais déjà allumer le moteur et tirer la chasse...

Nous partons demain, direction Funchal, à Madère, 32° Nord, 16° Ouest. 10 jours de nav en pleine mer sans voir la côte, et en silence.....