Tout d'abord complètement dégoûtée à l'idée d'être à terre, je n'ai pas vu tout le charme que pouvait avoir la vie dans une marina. J'allais sans arrêt au cyber, si bien que je me fis copine avec le responsable de l'endroit, qui tenait aussi une boîte de nuit. Ce qui m'a valu de passer une soirée complètement surréaliste aux "Docks" la discothèque locale, qui se trouvait juste à côté de la marina. Je m'y suis rendue avec le DJ et mon pote du cyber, Miguel. Morte saison oblige, on etait TROIS dans la boîte, autant dire que moi qui n'aime pas les rassemblements de masses, j'étais aux anges.... J'ai goûté de l'alcool en gélatine, appris plein de gros mots en portugais, et suis allée me coucher bien gentiment à 3h du mat, ravie d'avoir teinté ma soirée de couleurs locales. Le lendemain on nous a changé de place, et nous avons rencontré nos voisins. Un couple de suisses d´à peu près mon âge, qui prenaient un an pour faire un grand voyage en bateau jusqu'aux Caraibes. Martin et Myriam. On leur a proposé du blanc qu'ils ont accepté et on s'est mis à faire connaissance. Martin travaille dans une boîte qui fabrique des caméras pour les relevés topographiques en avion, et Myriam est institutrice de cm2. Ils sont suisses allemands donc on communiquait en anglais. Myriam avait pris un petit yukulélé avec elle, cent fois plus beau que le mien, je crevais de jalousie. Lorsqu'ils me demandèrent ce que je faisais dans la vie, je répondis, c'est un réflexe désormais, "rien". C'est pour m'éviter d'en raconter des tartines, parce que quand j'explique ce que je fais dans la vie, ça dure 3h. Ils ont eu l'air satisfaits de ma réponse, j'avais gagné. Mais ils y sont revenus un moment plus tard:
- So Anne, What do you do?- Nothing, I am travelling to Brazil.- Oh your gonna spend your holidays there?
- Nope, I am gonna sing in the bars.- Oh you are a singer then?
- Yes, I want to be.- And did you do studies in France?
Et c'était parti pour un éternité d'explications, parce que le gens, quand on leur dit qu'on a pas de diplôme, qu'on est pas marié et qu'on a pas d'enfants, ils veulent savoir comment ça se fait.Le soir, on dînait avec Denis, et on avait décidé de taguer "GEDEON Anne et Denis 2009" sur le mur de la marina qui était recouvert des noms des bateaux précédents. Pendant qu'il faisait le pochoir dans du carton, je jouais de la guitare et lui chantais toutes les chansons du répertoire des chansons françaises de notre enfance, Bon voyage monsieur Dumollet, le cantonnier, tout va très bien madame la marquise, Ne pleure pas Jeanette (ma préferée, le Jeanette ça sera le nom de mon voilier), elles sont toutes en do la fa sol ce qui facilite considérablement le choses... Myriam est arrivée avec une tchèque, Maya. Mais comment diable des tchèques peuvent-ils se trouver dans une marina??? On le saura plus tard. Elles voulaient chanter des chansons. Myriam avait un livret de chansons scouts anglaises, avec du Bob Dylan, Simon and Garfunkel, moi j'avais les Beatles et les Rolling Stones, elle sont montées à bord et on chanté tous ensemble. Inutile de vous dire que Denis était comme un coq en pâte, avec trois jeunettes sur son bateau, il était le roi du monde, ou de la basse-cour, au choix. Sont arrivé ensuite les deux Martin, Martin le suisse et Martin le tchèque, munis de leurs appareils photos, mitraillant à tout va; le tapis rouge du festival de Cannes sur Gédéon. Je pris tout de suite Martin le tchèque en grippe: j'étais persuadée qu'il était en couple avec Maya, et il me faisait des clins d'oeils sans arrêt. Moi, fraîchement cocue, je trouvais cela insupportable, polipmi pardel !(c'est du tchèque, c'est très vulgaire).
Denis termina le pochoir et nous allâmes tous ensemble, caméras et appareils photos au poing, l'apposer sur le mur de la marina. J'étais ravie. Quelle ambiance, quelle sympathie, quelle fraternité! Incroyable. On chantait, on rigolait, chacun affichait un patriotisme tonitruant, tout cela dans un esprit on ne peut plus bon enfant, en mettant de côté les tentatives d'adultère clignotantes du tchèque.
Denis et moi etions très dèçus que notre départ fut fixé au lendemain, mais il fallait aller à Madère, il fallait trouver un embarquement. Nous nous séparâmes (je ne sais pas pourquoi le passé simple revient à la charge tout seul, ç't'agaçant!), et chacun rentra se coucher dans son voilier.
Le lendemain était aussi notre dernier jour de nav avec Denis, et évidemment, c'était la pétole, pas un gramme de vent. On s'est donc mis au moteur, mais tout doucement, car le temps était au beau fixe, on voulait en profiter. J'ai passé ma journée assise, allongée ou perchée sur le balcon avant, avec mon kit de survie; bouquin, mp3, appareil photo, clopes, et café au lait. On est arrivés au coucher du soleil à la Marina de Porto Santo, marina très chic, sur le papier, parce que pour le moment, elle est encore en construction, et le cyber, le mini-market, les boutiques etc... c'est encore à l'état de projet, ma ça promet d´être pas mal.
On s'est tout de suite acoquinés avec un couple de retraités anglais qui partageaient notre catway, Sue and on ne saura jamais son prénom parce qu'on a toujours éte incapable de le retenir... Le lendemain de notre arrivée fut une journée extrêmement riche d'expériences nouvelles. Tout d'abord le matin, j'allai aux toilettes-douches hypra luxueuses, et découvris avec horreur que des vielles dames à la peau frippée et aux muscles flageollants s'y balladaient allègrement toutes nues, tous poils pubiens dehors, à la fraîche. Je tentais de garder les yeux au sol, mais étais quand même très curieuse de savoir quelle évolution le temps allait donner à mon corps, et je compris alors le penchant de Denis pour les jeunettes, et son refus catégorique de goûter les femmes de son âge (qu'il n'a jamais voulu m'avouer d'ailleurs...). Affolée, je me jurai d'arrêter de fumer une fois installée au Brésil et tous stress écartés, et de consulter un expert de la jeunesse carnet et crayon à la main histoire de savoir exactement quoi faire pour éviter le plus longtemps possible l'innévitable, la décrépitude, le pourrissement.... (pardon les vieux..!).
Ensuite, toute proprette, mais un peu déprimée par cette autre découverte, j'allai à Gédéon, et m'installai sur son pont avec ma guitare, histoire de casser les oreilles aux riches retraités de la marina. Je leur en voulais de m'avoir offert le spectacle désolant de leur vieillesse et entrepris de me venger en donnant celui éclatant de ma jeunesse. Sue sortit de dessous son canopee, une flûte traversière à la main et me proposa de partager sa musique et l'ombre de Spruce, son voilier. J'acceptai, ravie de cette nouvelle rencontre innatendue et tellement naturelle. Claire, une autre anglaise nous rejoignît, et je me retrouvai bientôt avec les deux oies des aristochats, les accents, la voix, elles avaient tout! On a chanté des chansons folks british, hyper sympa, guitare, flûte, voix, une petit concert improvisé sur Spruce, les anglaises charmées, Anne irradiante de bonheur, découvrant les doux attraits de la vie dans les marinas.
Plus tard dans la journée, qui croisons-nous? Le couple de tchèques! Ils nous avaient rejoint! Mon bonheur était total, je retrouvais ma copine Maya, dit à peine bonjour au clignotant, et nous décidâmes de nous rentre tous les quatre le soir même à la fête du village d'´à côté, Caniçal, où un bal populaire était donné en l'honneur des pêcheurs. On décida d'y aller à pied. Maya et moi précédions Martin et Denis. Je fis confidence à Maya du béguin de Denis, elle me conseilla:
- You should kiss a young man just in front of him tonight, like this he will leave you alone...- yes, probably...You you don´t have this kind of problems, you have Martin...!
- Oh but we are not couple!- WHAT?
Attends ma mignonne, Martin le beau gosse blond aux yeux bleus aux allures de loup de mer avec ses longues bouclette qui me fait de l'oeil toutes les deux secondes, Martin les appels de phares est libre????- Yes, we are like brother and sisters...
- No way, it's imposible, it doesn't exist.Elle m'expliqua le comment du pourquoi, bref, à la fête du village, je lui collai le plus beau portugais que j'avais trouvé, baptisé "white hat", dans les pattes, trouvai une locale assez jolie pour Denis, et passai la soirée avec Martin le tchèque à danser boire et prendre des photos. La plus mémorable d'entre elles étant celle prise avec un nain complètement survolté qui dansait avec toutes les filles en leur hurlant des "daalé daalé" (donne, donne!), la mascotte de la soirée.
On est rentrés à 4h du mat, ravis, fourbus, tous complètement ronds.