Je me levai, remerciant donc la Vierge de nous avoir dans sa très grande clémence épargné les conséquences désastreuses qu'aurait pu causer la surexcitation nocturne du Captain Denis. Mais la vierge nous réservait d'autres surprises...
Comme à mon habitude, je restai sur le pont, où je pus constater les heures passant que la mer grossissait comme le vent forcissait. Néanmoins je ne m'inquiétais pas outre-mesure, au contraire, j'étais plutôt excitée. Mon humeur accompagnait celle des éléments. J'adorais tanguer sous la houle, et voir Gédéon tourne-bouler dans tous les sens. Mes cigarettes se consommaient en moitié moins de temps, ça ça m'agaçait un peu...
Denis me rejoignis, et nous parlâmes de la veille. Je lui confiai que je n'avais jamais connu pareilles sensations en mer, et que j'avais compris beaucoup de choses quand aux passions qu'elle pouvait susciter chez certains hommes, en particulier chez mon aîné Jean-Guy. Jean-Guy, durant cette nuit, mon admiration pour toi a décuplé, grossi avec l'océan, j'ai compris pourquoi tu l'aimais, et j'ai pu toucher du doigt les efforts que tu as dû fournir lorsque tu t'es battu avec ou contre elle. Déjà pour une amatrice, un petit 8 noeud demande de la poigne, je n'ose même pas imaginer ce que cela doit être pour les pros. Pour info, les compétiteurs de la mini tracent à 15 noeuds de moyenne, ça laisse rêveur... Denis me raconta que lorsqu'il avait traversé l'Atlantique dix ans auparavant, il avait éte poussé tout au long du trajet par un alizé d'Est qui entrainait Gédéon à une moyenne de 10 noeuds en vent arríère, gênois en ciseaux... Je bavais d'envie et d'admiration... Il me fit remarquer que les conditions parfois étaient un peu similaire à celles que nous subissions aujourd'hui. Et la mer grossissait toujours. Et toujours, le vent forcissait. Nous réglâmes le beaufort (un petit système mécanique à réglage manuel qui permet de maintenir le cap sans avoir à tenir la barre) et nous réfugiâmes en cabine. Je me mis à la lecture de mon bouquin, "entre les murs" de François Begaudeau dont l'adaptation au cinéma a reçu une Palme d'or. Je trouvais ce bouquin désopillant, je riais à chaque page. A force de me taire et d'encaisser, de supporter et de souffrir, j'avais vu mon humour décupler. Dès que Denis en faisait un petit trait (ça lui arrivait de temps en temps, de plus en plus) j'éclatais, et je réagissais de la même sorte au second degré ravageur du conteur François. J'évacuais, j'exprimais, je laissais sortir le petit oiseau de sa cage.
Je rejoignis Denis à son bureau, inspectai le cap, les cartes, en apprenai un peu plus sur Gédéon et sa maîtrise. Puis revins m'asseoir sur une banquette en attendant que Denis me serve à déjeuner. Alors que je mangeais en regardant paisiblement par le hublot, il me dit:
- Tu m'épates.
- Pourquoi?
- Il y a une grosse mer et tu restes calme, tu ne bronches pas, tu m'impressionnes....
C'est trop d'honneur que vous me faites, monsieur le Capitaine! Cessez vos compliments, je vais blusher.... Pensait-il que j'allais battre des bras comme un oiseau affolé des ailes, tourner en ronds complétement hystérique sur le bateau, pisser de peur un peu partout en poussant des hurlements de terreur, pour finir par me jeter à l'eau, préférant aller au devant de la mort au lieu de me laisser surprendre par elle?
En réalité je ne voyais pas pourquoi j'aurais dû être impressionnée... la mer ne pouvait pas être tout le temps calme, et puis moi j'aimais bien les montagnes russes qui soulevaient Gédéon et l'ecume des vagues que le vent faisait voler. De l'intérieur, du douillet cocon de notre cabine, c'était beau.
Après le déjeuner, nous remontâmes sur le pont. Le beaufort n'était plus efficace, il y avait trop de vent, il fallait barrer. Pendant que Denis tenait le bateau, j'allumai une cigarette avec difficulté, et en tirant la première bouffée, dans le vent, dans la mer, dans les nuages, je ressenti un grand frisson de bonheur. J'adorais ce temps. Je souris à Denis qui me rendis mon sourire, félicité totale. Folie des élements, harmonie de l´équipage, tout cela me galvanisait.
Denis me dit d'enfiler un harnais et de m'accrocher au bateau, et il en fit de même. Je déteste le harnais, mais m'exécutai, pas question de résister au Capitaine! Ce faisant je me posais certaines question et interrogeai mon capitaine:
- Cette situation, ce vent, cette mer, tu as déjà connu ça non?
- J'ai connu pareil, mais je n'ai pas connu plus fort.
Ah. Merdouille. C'tembêtant....
- On ne risque pas grand chose quand même?
- Bah il ne faut pas que ça grossisse...
Oh oh....
- D'ailleurs je préfère que tu restes en cabine.
Et moi qui éspérait barrer.... Je m'éxécutai, rentrai penaude, déçue, un vague sentiment d'angoisse me prenant au ventre...Retour du spectre...
J'attrapai mon livre et riai, mais un peu moins fort, couchée sur la banquette. Bientôt je ne pus plus lire du tout, dehors les éléments se déchaînaient, m'obligeant à caler mes pieds contre un mur pour ne pas tomber à la renverse. Mon estomac sautait, bondissait, j'avais peur maintenant, et encore envie de vomir. Je ne pouvais plus me concentrer sur ma lecture. Je pensais à Denis, dehors, seul face aux monstres. Régulièrement, je montais le voir, proposant bière, chocolat, café, mais il refusait tout, toutes capuches dehors, toutes épaules rentrées, tous sourcils froncés. Je demandais, éspérante:
- ça se calme un peu là non?
Non de Denis. Frayeur croissante d'Anne.
Arriva l'heure de dîner. Denis avait installé la pale de beaufort pour gros temps. Pendant que nous dinions, il me dit:
- Là je n'ai jamais vécu un temps aussi gros.
- C'est une tempête?
- c'est un temps frais, il y a force 7. Après c'est coup de vent force 8, et ensuite, tempête avec déferlantes et tout ce qui suit.
- et qu'est ce qu'on risque?
- une avarie, on peut démater par exemple...
waou. J'ai peur.
A mon échelle il s'agissait d'une tempête et pas autre chose. Une tempête et pis c'est tout! Un temps frais un temps frais.... c'est pas comme si on enfilait un pull et qu'on disait, le "fond de l'air s'est rafraichi, mets ton chandail"... La mer était énorme, c'était plus des vagues, c'était des cathédrales. Tour à tour, Notre de Dame de Chartres, Reims, et Paris nous enlevaient au sommet de leurs flêches pour nous plonger dans leurs cryptes abyssales. La grand voile de Gédéon couchait gentiment dans son lazy bag, et le gênois était tellemement réduit, que ça n'était plus un gênois, c'etait un bikini!
J'ai envie de vomir.
Denis retourna sur le pont, je partis mourir sur ma couchette. Il faisait nuit maintenant. Il fallait que je dorme. Visiblement, pas de quart pour moi ce soir, mais demain Denis serait crevé, je devais être opé.
Impossible de fermer l'oeil. D'habitude je dormais à l'avant. Cette fois-ci n'y parvenant pas, je me mis à cogiter. La situation était préoccupante. Denis et Gédéon ne sont plus tous jeunes, vont-ils tenir face à la tempête? le vent sifflait dans mes oreilles. Mon Dieu, et si nous coulions? et si nous devions sauter à l'eau ou dans le cannot? J'imaginai la situation. On mettrait du temps à nous trouver, une fois dans l'eau ou dans le cannot, comment pourrions nous survivre le plus longtemps possible??? je me sentais tellement inutile, je décidai de faire quelque chose, nous préparer au pire. Je pris un sac plastique, remplis une bouteille d'eau douce, mis des gateaux et une tablette de chocolat (c'est imperméable) dans un tuperwaer, j'enveloppai d'un autre plastique les objets que je ne voulais absolument pas perdre, mp3, appareil photo, passeport et carte bleue. La bouteille je la glissai dans la large poche de mon ciré, le tuperwear sur mon ventre dans ma salopette, les objets précieux dans la grande poche intérieure du même ciré. Puis j'allai sur une autre couchette àl'arrière ou était rangée ma guitare, et m'allongeai à cõté d'elle, me disant qu'au cas où nous n'aurions pas le temps de jeter le cannot, elle pourrait nous servir de flotteur... Ridicule, pathétique! Mais j'étais un tout petit peu rassurée quand même.
le temps passait, positive devant l'éternel j'avais l'impression que ça se calmait, mais je prenais mes désirs pour des réalités. J'allai voir Denis:
- ça va Denis? ça se passe comment-là haut?
- c'est de pire en pire!
- Ah merde! Tu veux quelque choses?
Non de Denis. Terreur d'Anne.
Il a dit de pire en pire. J'allai me coucher avec ma guitare et notre dérisoire kit de survie. Et je priai la vierge. En chantant. Puis lui parlai. Puis re-priai. Je ne dormais pas, je ne pouvais pas, j'étais ventousée au hublot, les yeux écarquillés, je voyais des monstres noirs s'abattre sur nous, le vent hurlait, c'était affreux, affreux affreux affreux. Pourvu que Denis tienne, pourvu que Gédéon tienne! Priez pour nous, à l'heure de notre mort, mais pas tout de suiiiiiiiiiiite!!!! Par pitié, ça commence tout juste à être sympa!!!
Puis, prise par la fatigue, je m'endormis finalement. Laissant Denis seul face à la colère du Grand Ordinateur, qui mettait tout sans dessus dessous.
Envie de vomir, peur de mourir.
Je me levai aux aurores, avant le soleil. J'étais au sec. On a pas coulé... pour le moment. Coup d'oeil au hublot.... suspense... suspense.... Grosse houle. Quid du vent? Je montai aux nouvelles, priant pour que Denis soit encore sur le pont. Dire qu'il y a deux jours à peine je rêvais qu'il en tombe, et maintenant je priais pour qu'il y soit resté.... Qui a dit que j'étais instable?
Denis est là. Il aurait pu faire un collier avec ses cernes, et sans doute avec les miennes aussi.
- Denis, tout va bien?
- Oui, ça s'est calmé là, c'est passé je crois.
- Je te remplace?
- oui.
Et Denis, MON Denis, mon brave capitaine courageux, rompu, courbé, alla récupérer le sommeil que la mer lui avait pris.
Comme à mon habitude, je restai sur le pont, où je pus constater les heures passant que la mer grossissait comme le vent forcissait. Néanmoins je ne m'inquiétais pas outre-mesure, au contraire, j'étais plutôt excitée. Mon humeur accompagnait celle des éléments. J'adorais tanguer sous la houle, et voir Gédéon tourne-bouler dans tous les sens. Mes cigarettes se consommaient en moitié moins de temps, ça ça m'agaçait un peu...
Denis me rejoignis, et nous parlâmes de la veille. Je lui confiai que je n'avais jamais connu pareilles sensations en mer, et que j'avais compris beaucoup de choses quand aux passions qu'elle pouvait susciter chez certains hommes, en particulier chez mon aîné Jean-Guy. Jean-Guy, durant cette nuit, mon admiration pour toi a décuplé, grossi avec l'océan, j'ai compris pourquoi tu l'aimais, et j'ai pu toucher du doigt les efforts que tu as dû fournir lorsque tu t'es battu avec ou contre elle. Déjà pour une amatrice, un petit 8 noeud demande de la poigne, je n'ose même pas imaginer ce que cela doit être pour les pros. Pour info, les compétiteurs de la mini tracent à 15 noeuds de moyenne, ça laisse rêveur... Denis me raconta que lorsqu'il avait traversé l'Atlantique dix ans auparavant, il avait éte poussé tout au long du trajet par un alizé d'Est qui entrainait Gédéon à une moyenne de 10 noeuds en vent arríère, gênois en ciseaux... Je bavais d'envie et d'admiration... Il me fit remarquer que les conditions parfois étaient un peu similaire à celles que nous subissions aujourd'hui. Et la mer grossissait toujours. Et toujours, le vent forcissait. Nous réglâmes le beaufort (un petit système mécanique à réglage manuel qui permet de maintenir le cap sans avoir à tenir la barre) et nous réfugiâmes en cabine. Je me mis à la lecture de mon bouquin, "entre les murs" de François Begaudeau dont l'adaptation au cinéma a reçu une Palme d'or. Je trouvais ce bouquin désopillant, je riais à chaque page. A force de me taire et d'encaisser, de supporter et de souffrir, j'avais vu mon humour décupler. Dès que Denis en faisait un petit trait (ça lui arrivait de temps en temps, de plus en plus) j'éclatais, et je réagissais de la même sorte au second degré ravageur du conteur François. J'évacuais, j'exprimais, je laissais sortir le petit oiseau de sa cage.
Je rejoignis Denis à son bureau, inspectai le cap, les cartes, en apprenai un peu plus sur Gédéon et sa maîtrise. Puis revins m'asseoir sur une banquette en attendant que Denis me serve à déjeuner. Alors que je mangeais en regardant paisiblement par le hublot, il me dit:
- Tu m'épates.
- Pourquoi?
- Il y a une grosse mer et tu restes calme, tu ne bronches pas, tu m'impressionnes....
C'est trop d'honneur que vous me faites, monsieur le Capitaine! Cessez vos compliments, je vais blusher.... Pensait-il que j'allais battre des bras comme un oiseau affolé des ailes, tourner en ronds complétement hystérique sur le bateau, pisser de peur un peu partout en poussant des hurlements de terreur, pour finir par me jeter à l'eau, préférant aller au devant de la mort au lieu de me laisser surprendre par elle?
En réalité je ne voyais pas pourquoi j'aurais dû être impressionnée... la mer ne pouvait pas être tout le temps calme, et puis moi j'aimais bien les montagnes russes qui soulevaient Gédéon et l'ecume des vagues que le vent faisait voler. De l'intérieur, du douillet cocon de notre cabine, c'était beau.
Après le déjeuner, nous remontâmes sur le pont. Le beaufort n'était plus efficace, il y avait trop de vent, il fallait barrer. Pendant que Denis tenait le bateau, j'allumai une cigarette avec difficulté, et en tirant la première bouffée, dans le vent, dans la mer, dans les nuages, je ressenti un grand frisson de bonheur. J'adorais ce temps. Je souris à Denis qui me rendis mon sourire, félicité totale. Folie des élements, harmonie de l´équipage, tout cela me galvanisait.
Denis me dit d'enfiler un harnais et de m'accrocher au bateau, et il en fit de même. Je déteste le harnais, mais m'exécutai, pas question de résister au Capitaine! Ce faisant je me posais certaines question et interrogeai mon capitaine:
- Cette situation, ce vent, cette mer, tu as déjà connu ça non?
- J'ai connu pareil, mais je n'ai pas connu plus fort.
Ah. Merdouille. C'tembêtant....
- On ne risque pas grand chose quand même?
- Bah il ne faut pas que ça grossisse...
Oh oh....
- D'ailleurs je préfère que tu restes en cabine.
Et moi qui éspérait barrer.... Je m'éxécutai, rentrai penaude, déçue, un vague sentiment d'angoisse me prenant au ventre...Retour du spectre...
J'attrapai mon livre et riai, mais un peu moins fort, couchée sur la banquette. Bientôt je ne pus plus lire du tout, dehors les éléments se déchaînaient, m'obligeant à caler mes pieds contre un mur pour ne pas tomber à la renverse. Mon estomac sautait, bondissait, j'avais peur maintenant, et encore envie de vomir. Je ne pouvais plus me concentrer sur ma lecture. Je pensais à Denis, dehors, seul face aux monstres. Régulièrement, je montais le voir, proposant bière, chocolat, café, mais il refusait tout, toutes capuches dehors, toutes épaules rentrées, tous sourcils froncés. Je demandais, éspérante:
- ça se calme un peu là non?
Non de Denis. Frayeur croissante d'Anne.
Arriva l'heure de dîner. Denis avait installé la pale de beaufort pour gros temps. Pendant que nous dinions, il me dit:
- Là je n'ai jamais vécu un temps aussi gros.
- C'est une tempête?
- c'est un temps frais, il y a force 7. Après c'est coup de vent force 8, et ensuite, tempête avec déferlantes et tout ce qui suit.
- et qu'est ce qu'on risque?
- une avarie, on peut démater par exemple...
waou. J'ai peur.
A mon échelle il s'agissait d'une tempête et pas autre chose. Une tempête et pis c'est tout! Un temps frais un temps frais.... c'est pas comme si on enfilait un pull et qu'on disait, le "fond de l'air s'est rafraichi, mets ton chandail"... La mer était énorme, c'était plus des vagues, c'était des cathédrales. Tour à tour, Notre de Dame de Chartres, Reims, et Paris nous enlevaient au sommet de leurs flêches pour nous plonger dans leurs cryptes abyssales. La grand voile de Gédéon couchait gentiment dans son lazy bag, et le gênois était tellemement réduit, que ça n'était plus un gênois, c'etait un bikini!
J'ai envie de vomir.
Denis retourna sur le pont, je partis mourir sur ma couchette. Il faisait nuit maintenant. Il fallait que je dorme. Visiblement, pas de quart pour moi ce soir, mais demain Denis serait crevé, je devais être opé.
Impossible de fermer l'oeil. D'habitude je dormais à l'avant. Cette fois-ci n'y parvenant pas, je me mis à cogiter. La situation était préoccupante. Denis et Gédéon ne sont plus tous jeunes, vont-ils tenir face à la tempête? le vent sifflait dans mes oreilles. Mon Dieu, et si nous coulions? et si nous devions sauter à l'eau ou dans le cannot? J'imaginai la situation. On mettrait du temps à nous trouver, une fois dans l'eau ou dans le cannot, comment pourrions nous survivre le plus longtemps possible??? je me sentais tellement inutile, je décidai de faire quelque chose, nous préparer au pire. Je pris un sac plastique, remplis une bouteille d'eau douce, mis des gateaux et une tablette de chocolat (c'est imperméable) dans un tuperwaer, j'enveloppai d'un autre plastique les objets que je ne voulais absolument pas perdre, mp3, appareil photo, passeport et carte bleue. La bouteille je la glissai dans la large poche de mon ciré, le tuperwear sur mon ventre dans ma salopette, les objets précieux dans la grande poche intérieure du même ciré. Puis j'allai sur une autre couchette àl'arrière ou était rangée ma guitare, et m'allongeai à cõté d'elle, me disant qu'au cas où nous n'aurions pas le temps de jeter le cannot, elle pourrait nous servir de flotteur... Ridicule, pathétique! Mais j'étais un tout petit peu rassurée quand même.
le temps passait, positive devant l'éternel j'avais l'impression que ça se calmait, mais je prenais mes désirs pour des réalités. J'allai voir Denis:
- ça va Denis? ça se passe comment-là haut?
- c'est de pire en pire!
- Ah merde! Tu veux quelque choses?
Non de Denis. Terreur d'Anne.
Il a dit de pire en pire. J'allai me coucher avec ma guitare et notre dérisoire kit de survie. Et je priai la vierge. En chantant. Puis lui parlai. Puis re-priai. Je ne dormais pas, je ne pouvais pas, j'étais ventousée au hublot, les yeux écarquillés, je voyais des monstres noirs s'abattre sur nous, le vent hurlait, c'était affreux, affreux affreux affreux. Pourvu que Denis tienne, pourvu que Gédéon tienne! Priez pour nous, à l'heure de notre mort, mais pas tout de suiiiiiiiiiiite!!!! Par pitié, ça commence tout juste à être sympa!!!
Puis, prise par la fatigue, je m'endormis finalement. Laissant Denis seul face à la colère du Grand Ordinateur, qui mettait tout sans dessus dessous.
Envie de vomir, peur de mourir.
Je me levai aux aurores, avant le soleil. J'étais au sec. On a pas coulé... pour le moment. Coup d'oeil au hublot.... suspense... suspense.... Grosse houle. Quid du vent? Je montai aux nouvelles, priant pour que Denis soit encore sur le pont. Dire qu'il y a deux jours à peine je rêvais qu'il en tombe, et maintenant je priais pour qu'il y soit resté.... Qui a dit que j'étais instable?
Denis est là. Il aurait pu faire un collier avec ses cernes, et sans doute avec les miennes aussi.
- Denis, tout va bien?
- Oui, ça s'est calmé là, c'est passé je crois.
- Je te remplace?
- oui.
Et Denis, MON Denis, mon brave capitaine courageux, rompu, courbé, alla récupérer le sommeil que la mer lui avait pris.