A l´heure où j´écris, je suis un peu paf. Je n´ai pas mangé depuis 4h de l´aprème et uma caïpirinha bem cargada me met en joie, en plus de la joie que me vaut le "show" tout particulier que je viens de faire. Première fois que je joue vraiment des compos, et ça c´est énorme. Faire kiffer des gens qui ne sont pas de chez moi avec des choses qui viennent de moi, et qui ne sont pas écrites dans ma langue natale, c´était assez magique. J´avais déjà joué la chanson de Martin "I want you so badly" (I want him so badly!) au Maroc, mais pas travaillée avec le jamman, ni rien, pas propre quoi. Ça avait marché mais je n´en tirais aucun mérite. Là c´est différent. Depuis trois ou quatre jours je ne sors plus de la pousada, j´ai déplacé tout mon bordel dans ma chambre, notre chambre, qui s´est transformée en studio de répète improvisé. On est quatre dedans maintenant, Jade, le serveur gay, Roberto, le cuisinier ventripotent et célibataire, et la guide brésilienne dont je ne connais même pas le nom. J´ai refusé toputes ses invites à se balader, dejeuner ou boire un verre, nao posso, je dois trabalar! Mes journées se déroulent ainsi.
Je me lève, vers 8h, vais me baigner dans la cascade au fond du jardin, me pourceotte de gateau, pain, beurre, fruits, café au lait, jus d´orange pressé, jambon, fromage, oeuf brouillés. Ça doit tenir jusqu´au soir. Et ça tient. Je prends une douche, et je me branche. Je joue, je joue, je répéte, je boucle, je sample dans tous les sens. Je prends des pauses cafés- clopes- cascade entre temps. Puis vers 13h 14h, Massi la cuisinière, a toujours besoin de l´adaptateur 120-220 volts dont je me sers et que me prête Klaus le patron, pour couper le fromage avec la machine a trancher qui fait du 220. Donc je me débranche et vais passer le temps dans la cuisine-buanderie avec Massi, Nate et Fernanda, les employées, pendant qu´elles lavent, repassent et cuisinent. Je parle portugais, les mitraille avec mon appareil, apprends à les connaître, et à les apprécier, comme d´hab. Hier ou avant-hier, je leur ai fait des crêpes, c´était trop la fête, elles ont tout bouffé, les morfales! Après tout le monde est allé se baigner dans la cascade, juste le bonheur! Quand Massi a fini avec le fromage, je récupère l´adaptateur, je me rebranche et continue à chanter, répéter, composer, cascader, caffer-clopper jusqu´á ce qu´il fasse nuit et que tous les gens de la pousada rentrent dans leurs chambres. Par respect, je débranche... Je sors, je vais dîner, et fais plein de rencontres et parle portugais dans tous les sens. Je regarde aussi TV5, dans la pousada, j´ai le droit de regarder la TV privée des patrons, comme les employés, trop la classe! Je vois qu´il fait -5 en France, et je rigole, je rigole!!! Je suis aux anges! Je pète de chaud et je vous plains, c´est trop bon...! Bref, depuis 3-4 jours, c´est le bonheur total. je suis détendue, ouverte aux autres, je parle, j´échange, je produis, j´apprends, je regarde, j´écoute, je me baigne, je bronze, je fais de la musique, félicité, quand tu me tiens! Et ce matin, mon Dieu! Je suis maussade. Dernier jour. Je ne peux décemment pas partir sans chanter. 4 jours que tout le monde, les locaux, les restaurateurs, me demandent quand ils me voient passer "Nao vai tocar hoje ana?" 4 jour que je dis après après! Alors aujourd´hui il faut que j´y aille, question de respect. Je me lève, je me fais un p´tit plaisir, petit-dej TV5 dans la cuisine. les filles me demandent si je vais passer la journée avec elles, on va se baigner, on fait des crêpes? Ah Nao, tenho que ir trabalar... et ça me fait trop chier! Je veux rester dans mon petit coin , dans ma pousada toute jolie, profiter des derniers bains, des derniers rayons de soleil, des derniers délires avec les filles, mais non! Anne , tu dois aller faire ton devoir, travailler et tenter de trouver une solution pour que Sophie que tu vas rater à Salvador, soit accueillie par quelqu´un de confiance! Je devais partir ce matin à 10h, mais j´avais laissé tout mon bordel que j´avais descendu en prévision pour pas avoir a me le trimballer et payer un carreitero, dans mon resto de d´habitude, qui n´ouvre qu´à 12h et ça j´avais zappe. Je n´ai pas paniqué hier soir en me rendant compte que je ne pourrais pas partir ce matin avec le bateau de 10h, me disant que Sophie arriverait de toute façon le 14. je pensais qu´elle partait le 13. En fait elle arrive le 13 et moi j´arrive du coup 3h aprés elle au lieu de 24h avant. Heureusement Marcos mon cousin connait Roberto Cavalho dont la maman va aller chercher sophie à l´aéroport. Tout va bien donc. Je descends vers 13h, récupère mon bordel au resto, me plante, joue, comme d´hab, tout roule, tout le monde kiffe, y a trois pecnos ( l´île est désertée après le battage médiatique autour des éboulements et de la pluie, logique), j´arrive quand même à tirer 80 reais, 35 euros. Un charmant carioca m´aide à ranger, on va sur la plage ensuite, il joue divinement de la guitare, est très classe, très bien élevé, assez beau-gosse, moment très agréable. On échange les mails pour que je l´appelle quand je vais à Rio. Je vais ensuite sur internet, trouve la solution Ines Carvalho pour sophie, et repart chanter devant mes terrasses, cette fois-ci la peur au ventre, j´ai décidé de lancer les compos, celle de Martin, et une en portugais sur le brésil. Avec samples, petites percus, lignes de basses et tout le toutim. Ça passe très bien, surtout celle de Martin qui est bien longue, bien travaillée, quand elle est applaudie, et chaudement, je suis juste transportée, je vole sur un petit nuage. je crois que la brésilienne n´a pas été trop comprise, il faudra re-bosser dessus. Un américain me met 20 reais (j´ai grillé) en me disant "It was amazing", je ne me sens plus péter, je ne m´entends plus jouer! Le carioca de l´aprés-midi revient avec un cd dans la main, il m´a gravé plein de chansons brésiliennes que je pourrais jouer en concert, trop chouette! Deux françaises sont justes trop fières que ça soit une compatriote qui fasse ce "truc de fou", deux brésiliens et une brésilienne m´ invitent à leur table et me font boire deux caïpirinhas, une offerte par le patron, un par eux, c´est pour ça que je suis un peu paf maintenant... Le patron, o patrao, comme je l´appelle. Il me fait bien rire. Après les éboulements, y a eu une desertion générale de l´île. On est passés de la haute à la basse saison en 3 jours. Moi j´ai chanté un peu, après les accidents, et je voyais bien que le resto se remplissait aprés que j´arrive, et que les gens, excusez moi si je parais prétentieuse, mais ils étaient là pour moi, c´est clair. Quand vous voyez des gens qui passent, qui s´arrêtent, vous regardent, et après demandent à ce qu´on leur déplie des tables, s´installent bien face a vous, vous avez le droit de penser que vous êtes à l´origine de la décision qu´ils ont prise de venir manger là. Bon. Alors une fois, je n´ ai pas fait assez de sous, et clairement, j´en avais rapporté au patron. Je lui dis, por favor, voce pode colaborar? Et il me dit que non! Il me garde mes affaires, ça suffit! J´ai 60 berge, ça fait 20 ans que je suis ici, le resto n´a pas besoin de toi pour se remplir, d´ailleurs, je n´aime pas les musiciens, il n´y a que toi que je laisse jouer, parce que je t´aime bien et que j´aime bien ce que tu fais. Oh l´affront! Oh l´affreux! J´ai cru que j´allais lui faire bouffer sa caisse et la mienne avec! Je l´ai sevré du câlin d´aurevoir quotidien, et je suis partie furibarde. Le lendemain, dégoûtée, je remballais mes affaires dans ma pousada. Après, tous les jours, quand je passais devant le resto, il me disait, tu vas chanter quand, tu vas chanter quand? Il me montrait la terrasse, toute vide, as cosas sao fracas, y a personne! Je disais je ne sais pas, demain peut-être, je ne sais pas... Ah ah! Il le voit bien maintenant que je les lui ramène ses clients! De toute façon c´est ma technique. Je m´installe, et fais venir les gens, qui vont faire marcher le resto, (qui me tolèrent, par conséquent, et maintenant me harcèlent pour que je revienne, au point que les deux derniers jours je faisais des détours pour ne pas avoir à passer devant eux), et qui vont venir remplir ma boîte. les clients mangent, ils écoutent de la bonne musique, et ils m´arrosent, tout contents quí´ls sont d´avoir vécu un truc un peu spécial, et d´avoir épicé leur album photo. Tout le monde y trouve son compte, c´est assez parfait. Aujourd´hui c´était assez spécial, tout le monde a dégainné sa caméra sur la chanson de Martin, parce qu´íl y a de la percu, de la ligne de basse, du yukulele et tout, donc elle dure dix minutes, et elle est intéressante parce qu´il se passe plein de trucs, je change d´instrus, je tripote les boutons, les pédales et les cordes dans tous les sens, les gens ont trop aimé, et moi j´etais toute fière de me dire qu´ils étaient en train de filmer ma chanson à moi, bonheur! Plein de films, plein de photos, je suis dans la carte mémoire de tout un tas d´appareils depuis le début de cette aventure...Le concert fini, je suis allée dire aurevoir à tous les employés des restos terrasses sur lesquels j´ai chanté, va con Deus, grandes embrassades, je ne vous oublierai jamais, et nous non plus, beijos, beijos, ate logo, ate a prossima, a gente se falla, tudo ligao, belleza!
Voilà maintenant, Ilha Grande c´est fini, je dis toujours que je vais revenir mais c´est pas vrai, parce qu´íl y a tant d´autres endroits à voir, de gens à connaître, de touristes à faire kiffer...Je vais rentrer bien sagement dans ma pousada, fumer un cloppe en regardant tv5, me coucher, et demain, je pars pour Rio, pui pour salavador, retrouver la Sophie! Youhou!!!!!!!!!!!!!
Et bon, aujourd´hui est quand même un jour à marquer d´une croix blanche, parce que j´ai vraiment pris confiance en moi, en ma capacité à composer et jouer mes chansons, c´était ça que je cherchais depuis le début, et je savais que j´allais trouver cette confiance et cette énergie hors de France, toute forcée que je serais à me botter le cul pour pouvoir exister, en tant que chanteuse, en tant que jeune femme, en tant que moi quoi...