dimanche 28 février 2010

Itacaré, artificiel le paradis

Nous sommes à itacaré. Des mois que je rêve de ce petit paradis tropical, de ses palmiers, de ses interminables successions de plages de sable fin et d’eau turquoise, de sa pléthore de bars et restaurants qui me fourniront la quantité de touristes nécessaires au bon remplissage de ma panthère. Nous arrivons au petit matin, taxi, direction la pousada. On nous loge dans une annexe. Pour le même prix qu’un chambre partagée, nous bénéficieront d’un chambre pour nous toutes seules et d’une salle de bain privée, le luxe ! Sauf que, on est un peu excentrées, et véritablement, ça pue la merde dans la chambre et dans la salle de bain, en permanence. Très très désagréable, mais bon, pour le moment, on reste. De toute façon, on n’est pas là pour passer du temps dans la chambre, il y a une vingtaine de plages qui attendent que nos venions faire bronzer nos corps déjà bien dorés. Les plages sont numérotées sur une carte, on se dirige sous un cagnard puissant vers la première, la numéro 1. Déjà, ça sonne parc d’attraction. Vous allez où ? On va à la numéro 1… On arrive, on s’extasie, personne ou presque, une mer qui roulotte, bleue comme le ciel, un sable fin, blanc, des palmiers verts, Itacaré est fidèle au site internet qui vante ses mérites. On se pose, on se baigne, on bronze au son de nos mp3, on lit, on se détend. Je suis en train de prendre des photos allongée sur le dos, du ciel, et des branches de palmiers qui dansent avec les rayons du soleil au dessus de ma tête. Soudain, dans mon objectif, une barbe noire, par-dessus le son de la musique dans mes oreilles, une voix enthousiastement bourrue qui demande : « isso e um cavaquinho, ne ? » « c’est un cavaquinho ça, non ? » Mais qui ose demander pareille chose sans même se présenter, alors que je suis tranquillement dans ma bulle ? C’est Caio, un jeune gringalet de 25 ans, accompagné de Tiago, et de la belle Fernanda. Avant même que j’ai pu répondre, non ça n’est pas un cavaquinho, c’est un cuarto venezuelano, ils ont déjà étendu leurs serviettes à côté des nôtres, s’appropriant notre carré d’ombre et mon instrument. Très très détendus ces brésiliens… On discute gentiment, mais moi je suis crevée, je m’écrase toute endormie et ne me réveille que pour me tremper dans l’eau de temps en temps. Sophie parle anglais avec nos amis, qui restent avec nous toute l’après-midi ou presque. A 16h, le devoir les appelle, les garçons travaillent dans une crêperie du centre, avec d’autres jeunes gens que nous rencontrerons plus tard. Tout ce petit monde vient d’une ville, dont nous ne comprendrons jamais le nom, mais habitent dans une autre, dont nous ne comprendrons jamais le nom non plus. Donc on leur parle de « la ville d’où tu viens » et de « la ville ou tu habites », en permanence, pour faire simple…Fernanda est la petite copine de Tiago, et l’a rejoint pour quelques jours de bonheur en sa compagnie. Donc quand les garçons partent, elle reste avec nous, je me réveille et nous lui chantons, pour son plus grand plaisir, des chansons a deux voix avec le cavaquinho, sur la plage, à l’ombre des cocotiers, c’est le rêve. Mais déjà, je ne vois plus Itacaré comme un petit paradis, mais plutôt comme une grande salle de théâtre à l’air libre où tout le monde se donne en spectacle. La plage s’est remplie ; ici, des corps huilés bronzés bodybuildés, font des pompes sans les mains, jouent au foot en dansant presque, ou envoient sauts périlleux avant et arrières en s’assurant bien qu’on les regarde, et évidemment, qu’on les admire. Là des nymphes à la peau dorées marchent le long de l’eau en ondulant du bassin, réajustent leur ficelle, se cambrent tant et plus, l’objectif étant d’avoir les fesses plus hautes que le coxis, histoire de pouvoir péter plus haut que son cul. C’est le paradis des m’as-tu vue comme que je suis belle, regarde moi comme je suis fort. Que des jeunes, QUE des jeunes ! On ne croisera qu’une petit vieille, quelques jours plus tard, je signale le phénomène à Sophie, mon Dieu, là, regarde, non ce n’est pas un perroquet multicolore, non ce n’est pas une vague géante, là, la petite vieille, qui sort de l’eau, incroyable, regarde !!!! Mais que faut-elle ici ? Elle s’est perdue ??! Elle va avoir l’air tellement cool devant ses copines quand elle va leur dire qu’elle revient d’Itacaré, une star internationale cette grand-mère !!
Bref, Itacaré, c’est un grand camp de vacances hippie pour backpakers un peu friqués. Hippie pourquoi ? Et bien ici toutes les drogues sont à disposition, et partout, ça sent la nature, la naturelle marie-jeanne que l’on fume sans impunité, dans les bars, sur la plage, dans les pousadas, ça tape sûrement de la coke et de l’extasie, Itacaré, c’est extatique…. ! Le matin, on assiste au ballet des surfeurs musclés et dreadlockés qui se rendent à la plage, arborant fièrement leurs boards, toutes plus stylées les unes que les autres. A itacaré, tout le monde il est beau, tout le monde il est fonsdé, tout le monde il est gentil, d’ailleurs on a jamais eu autant de potes qu’à Itacaré. On a jamais eu autant de copines surtout, on les a comptées, on en a douze !!!! Il y a nos trois Israéliennes du bus que l’on croise et avec qui l’on papote régulièrement, nos trois danoises que j’avais rencontrées dans le bus qui m’amenait de Rio à Salvador pour aller chercher Sophie, et que nous avons rejoint dans une pousada moins chère et bien plus sympa, la Lawrence pousada. Il y a notre copine Laura, la baroudeuse slovène, qu’on a rencontrée à Salvador, et qui a une copine tunisienne un peu pète sec mais qu’on a l’indulgence de compter parmi nos amies. Il y a Alice et Coralie, deux françaises trop trop cool, rencontrées lors de mon premier show dans la rue Pituba, la rue principale d’Itacaré. Il y a Fernanda, et Ana, la petite sœur d’un des serveurs brésilien de la crêperie. Vous pensiez si j’étais contente, moi qui me plaignait en permanence de ne rencontrer que des hommes, tous les jours je fais le récapitulatif numéral de nos copines, et m’extasie devant ce chiffre biblique, douze, Sophie, douze copines, tu rends compte ?????!!!! On ne fait pas un pas sans rencontrer l’une d’entre elles. Aux plages numéro 1, 2 et 3, et à la pousada, on a nos copines danoises, à la crêperie on a Fernanda, au cyber, les israéliennes, au café du français et dans les bars, les françaises, au hippie spot, soit le bar canapé coussin hamac sur la plage numéro 2, la slovène, et les danoises aussi (les danoises sont partout), bref, à Itacaré, on a toujours des copines avec qui rigoler, et ça, c’est trop patate ! Malheureusement, c’est pile au moment où on ne peut plus compter nos copines sur les dix doigts de la main tellement qu’on en a, que je décide d’attraper le grand virus du Brésil, un virus très mystérieux, qui n’a pas de nom, mais que tout le monde attrape en ce moment. Bref, je m’étendrai là-dessus plus tard, en attendant, je décide de laisser Sophie avec nos amis qui viennent d’une ville et habitent dans une autre, et je pars chanter. Je m’installe devant le café du français, pousse la chansonnette une demi-heure, les gens s’arrêtent, écoutent, apprécient, applaudissent, donnent de l’argent, mais je suis bien loin des sommes astronomiques gagnées à Ilha Grande, seulement une petite cinquantaine de reais. Sur la chanson arabe que j’ai bouclée, j’invite une jeune fille assise sur le trottoir d’en face, à danser avec moi. Après le show nous discutons, et je découvre qu’elle est française, et qu’elle aussi a traversé l’atlantique, en passant par les Canaries, Mindelo, sur un beau bateau, un Bénéteau 54. Je suis absolument ravie, lui pose plein de questions sur sa traversée, combien de temps le pot au noir, combien de temps ???!!! Je n’en reviens toujours pas qu’avec Pilhouë on y ait passé quatre jours, ça me dépasse, ça m’horripile, ça m’exaspère !! Je n’ai rencontré encore personne qui y ait passé plus de temps que nous ! Alice est très sympa, elle a un visage large et ouvert, thibétanesque, des grands yeux océans, elle inspire tout de suite la confiance, et à son sourire grand comme une vague, on sent qu’elle est douée pour le bonheur. Elle est ici avec Coralie, étudiante en erasmus à Natal, la ville, selon elle, la plus moche et morte du Brésil. Coralie est très nature, très jolie et pas coquette pour deux sous, aussi avenante et ouverte qu’Alice. Elles ont loué avec la maman de Coralie, venue aussi lui rendre visite, une petite maison toute mignonne à deux pas de Pituba, la rue principale. Très gentiment, elles me proposent de garder là mes affaires de musique, et donc tous les soirs je viendrai chercher et déposer mon bardas chez elles. En échange je prête mon notebook à Coralie qui doit rédiger son mémoire. On prend des cafés ensemble, des caïpis, des clopes, et on passe de bons moments à discuter, à parler de la mer, de Natal, du Braziou, c’est patate ! Après le show, on leur propose de venir avec nous passer la soirée chez nos potes qui viennent d’une ville et habitent dans une autre, et elles acceptent. On va dans la petite maison de nos copains, ça joue de la guitare, ça boit de la bière, ça parle portugais et anglais dans tous les sens, et ça part faire la fête dans un bar. Malheureusement, Leandro, un surfeur bérsilien, me pourrit la soirée, en me demandant pourquoi les français détestent parler anglais. J’avais prévenu Sophie à son arrivée : tu vas voir, tous les brésiliens vont te demander pourquoi les français détestent parler anglais, moi perso, je n’en peux plus, ça me tue à chaque fois qu’on me le demande. Je réponds toujours la même chose, et pour une fois, au lieu de pourrir mon pays, je le défends ; mais vous ne comprenez pas, la France est la destination la plus touristique du monde, à Paris, c’est bourré de gens qui parlent anglais, on est comme un grand musée rempli d’étrangers, si on se laisse faire, dans cinquante ans tout le monde est anglophone et personne ne saura plus parler cette langue que vous trouvez si romantique, dans les alpes, quand je prends le bus pour monter sur les pistes, j’entends que des anglais, il y a même une station de ski, où il y a un bar qui n’accepte pas les français, nen mais tu rends compte mon pauvre ami ? Alors scandale !!!! Alors on se rebelle, et si vous ne savez pas au moins dire bonjour aurevoir s’il vous plait et merci, on vous envoie chier, c’est normal, regarde moi, je parle portugais non ? C’est la moindre des choses ,et le minimum, c’est les quatre mots magiques, voilà, maintenant tu sais. Mais là ce soir, un brésilien, qui me demande, pour la centième fois pourquoi les français n’aiment pas parler anglais, c’est trop, je lui réponds oui oui c’est vrai en soupirant d’impatience, et une fois arrivée au bar, je me dis, je vais rencontrer tout plein de brésiliens qui vont me poser la même question, et alors qu’un grand blond dreadlocké dégueulasse se permet de me passer la main dans les cheveux, je craque et rentre à la maison, abandonnant là la sophie, qui, une skol à la main, entourée de quinze mecs, est comme un poisson dans l’eau, en plus elle préfère mille fois plus parler anglais que portugais, les brésiliens seront ravis qu’elle fasse mentir le mythe international du français anglophobe.
Le lendemain, nous partons visiter la plage numéro 3. Vide, vierge, cette plage là n’est pas le théâtre des m’as-tu vu, il n’y a quasiment que nous, à l’ombre, et les danoises, qui rôtissent au soleil et ont la couleur appétissante des tomates italiennes.. On se baigne, on mange des pasteis salés, de l’açaï, on lit, on bronze, journée parfaite. Le soir, je vais chanter. Je vais à mon poste habituel, mais là, le patron de la pousada d’en face m’exhorte à aller faire mon bordel ailleurs. Je lui dis que non, c’est la rue, c’est publique, le trottoir, il est pas à toi, il est à tout le monde, il me dit qu’il va appeler la police. Je bataille, mais bats finalement en retraite, non sans lui tirer une langue grande comme les champs Elysées, pestouille de six ans d’âge mental… Je vais finalement me poster à l’entrée de la rue. Je fais un concert génial, les gens adorent, il y a une ambiance au top du top, largement due à un petit jeune en t-shirt rose, qui lance des applaudissements a chaque fois que quelqu’un met de l’argent dans la boîte, et tape des mains en rythme sur chacune des chansons. Ils ne veulent pas que je termine, j’en fais une dernière, puis encore une, puis encore une, et enfin je m’arrête, fourbue, mais heureuse comme jamais ! Un des meilleurs concert que j’aie jamais fait, super vivant, chaleureux, mémorable ! La caisse n’ a qu’une petite soixantaine de réais, mais le moral est au plus haut. Sophie est ravie, je suis trop contente qu’elle m’aie vu chanter pou la première fois dans ces conditions, et sa présence me chamboulait à tel point que dès que je la regardais, j’avais presque les larmes aux yeux, très spécial…Les danoises et les françaises sont là, et après le show nous allons toutes ensemble prendre un pot chez le français. Mais nous devons rentrer bien vite avec Sophie, car je ne me sens pas bien du tout. Nous ne fermons pas l’œil de la nuit, car je la passe à vomir au dessus des toilettes dans des cris épouvantables d’agonie, je crois que ma dernière heure arrive à chaque crise, tellement je souffre. Je frissonne de froid alors qu’il fait quarante degrés, donc nous ne mettons pas le ventilo, et dormons la fenêtre ouverte, ce qui nous vaut d’être harcelée par les moustiques. A cinq du mat ’, exaspérées, à bout, on allume tout, on explose sur le mur tous les moustiques tous pleins de notre sang, on ferme toutes les fenêtres, et enfin, on s’endort. Je me réveille à 9h, et part pieds nus, toujours agonisante, sans réveiller Sophie, trouver le français du café pour qu’il me trouve un médecin en mesure de me sauver d’une mort certaine. Au café, on me dit que le français n’est pas là. Je fonds en larmes, le sort en est jeté, je suis perdue. Il faut que tu aille à l’hôpital mon petit, on va t’y conduire. Et là, qui débarque au volant de sa fiat ?Ll’insupportable patron de la pousada à qui j’avais tiré la langue la veille. Tout désolé de me voir dans cet état, il m’ouvre une portière avenante, alors que j’entre, pleurant de plus belle, dans la charrette du grand méchant loup. Il me conduit à l’hôpital, m’enregistre, et m’abandonne là, parmi tout un tas de brésiliens malades, dans cette bâtisse froide aux murs de plâtres, où j’ai la certitude qu’il traine tout un tas de maladies nosocomiales. C’est mon tour de passer devant le docteur. J’arrive, pieds nus, le cheveu en bataille, en petite robe d’été, l’œil rouge, la lèvre fiévreuse. Elle me demande ce que j’ai, je lui explique que je suis à l’article de la mort et qu’il faut sans doute faire venir un prêtre pour qu’il m’entende en confession. Elle me fait une ordonnance et me dit de revenir la voir avec les médicaments qu’elle me prescrit. Je vais à la pharmacie, et on me sort des étagères, des poches remplies de liquide transparent. Je panique, je me roule par terre en hurlant. Ah mais qu’est-ce que c’est que ça ??? ça sert à quoi ? Qu’est-ce que je dois en faire ? Ah c’est ce qu’il y a marqué sur l’ordonnance, c’est du sorro. Mais c’est quoi le sorro, c’est de l’eau bénite ? !! Je rentre à l’hôpital, mon eau bénite sous le bras. Je vais voir la docteur, elle me dit qu’ils vont me faire une perfusion d’eau bénite, et que je vais rester toute la journée à l’hôpital. Je chiale comme un moutard. Non, je ne veux pas, je veux les bonnes vieilles pilules, je veux un traitement rapide et efficace, je ne veux pas de perfusion !!!! Ah, c’est ça , ou tu continues à vomir mon petit, comme tu veux. Bon, je préfère ça, mais t’es sûre que ça marche ??? Mais qu’est ce que j’ai d’ailleurs ? Tu as ce que 90% des gens qui sont là, ont, un virus, on ne sait pas ce que c’est, tu vomis et t’as la diarrhée, on donne du sorro et ça passe. Je vais dans la salle commune des pestiférés, m’allonger sur un lit pourri, on me perfuse le bras, ça fait un mal de chien, mais finalement, épuisée, je m’endors. Soudain je me réveille, tousse comme c’est pas permis, en sanglottant comme une perdue, transpirant comme une marathonienne, ça y est, elle vient, elle est là, la grande faucheuse, je vais mourir étouffée dans un hôpital de seconde zone, et le prêtre qui n’est toujours pas là !!! Soudain, je crois être en plein délire, je vois débarquer un homme en soutane, tenant une bible grosse comme le quid, à la main. Sans déconner… Vraiment ma dernière heure est venue, il le sait, il est venu m’entendre ! Mais il se dirige vers ma voisine, une petite vieille qui tousse gras, et sans mettre la main, au point que je m’empêche de respirer pendant ses crises, histoire de ne pas chopper le mal qui la ronge. Quand je pense mon calvaire achevé, on vient me re-perfuser un autre sac de sorro, alors que je pleure de désespoir à la vue de cette poche de souffrance qui visiblement ne fait aucun effet, puisque certes, je ne vomis pas, mais me sens toujours très proche de la grande porte de Saint-Pierre. Finalement mon calvaire prend fin, et je rentre, chancelante, nus-pieds, vers Pituba. Pendant ce temps, Sophie a fouillé toutes les pharmacies et les centres médicaux de la ville pour me trouver. Elle va voir les gens en leur demandant, au désespoir, onde anna, onde anna, Anne, où ça, où ça ? Très optimiste, elle pense que les pharmaciens connaissent mon nom, sans doute se dit-elle que je suis allée les voir en leur disant bonjour, je m’appelle Anne, et je suis malade, peux tu m’aider ? Bref, elle retourne tout ce qui ressemble de près où de loin à un endroit où je serais aller chercher de quoi me guérir. En chemin elle rencontre, la rirette la rirette, Coralie, qu’elle implique dans sa quête du Saint-Périer. Et finalement, en remontant Pituba, je les croise, qui la descendent, grandes retrouvailles, mais brèves, car je pars bien vite me coucher, je suis au plus mal. Mais, après une courte sieste, pendant la quelle Sophie profite de la compagnie de nos nombreux amis, je me sens mieux, et nous partons au QG des gens qui viennent d’une ville et habitent dans une autre, la crêperie. Là, je mange, Sophie mange, on nous fait des assiettes perso avec nos noms, des guitares et des tours Eiffel, dessinées à la sauce caramel, il y a les israëliennes, les brésiliens, c’est la fête, on se friendrequest sur facebook avec le laptop d’un copain, c’est le début d’une grande histoire d’amitié, officialisée sur la toile. On part tous en soirée, au jungle bar. Comme je ne bois pas, comme je suis fatiguée de me raconter et d’entendre toujours les mêmes questions, les mêmes histoires, je décide de mettre à exécution un petit concept très simple que j’ai imaginé. Prendre des gens que je ne connais ni d’Eve ni d’Adam en photo, de manière très évidente, sans se cacher. Débarquer et les flasher impunément, la photo étant le témoin de la réaction qu’ils ont face à cette démarche très sans-gêne et intrusive. Toute la soirée donc, je mitraille absolument tout le monde. Les réactions sont très différentes, et semblent montrer la relation qu’on les gens avec leur propre image. Par exemple, je prends une femme en photo, elle est surprise, choquée, déstabilisée, et pas très contente après moi. Je lui montre ensuite la photo, et là, elle se trouve affreuse. Et bien qu’elle n’aie pas apprécié que je la prenne en photo, elle oublie tout de suite que je suis l’inconnue un peu bizarre qui l’ a flashée impunément, et pose avec un grand sourire, car l’important, qu’elle me connaisse ou pas, c’est que j’aie une belle photo d’elle. L’important à ses yeux, ce n’est plus ma démarche intrusive, c’est le résultat de ma démarche, c’est l’image que je vais garder d’elle. Très spécial. Et si la photo est bonne, il faut ABSOLUMENT que je la lui envoie, parce que les bonnes photos, ça vaut de l’or, ça fait plein de comments sur facebook, alors elle me laisse son adresse mail, et toute la soirée, j’accumule les adresses, sans savoir à qui elles appartiennent. J’explique pourquoi je fais ça, et les gens, passée la surprise de mon flash impudique, sont très réceptifs, et assez contents. Ça me vaut d’avoir quelques conversations intéressantes, non plus centrées sur ou tu viens qui tu es ou tu vas, mais sur la photo, la relation des gens à l’image, etc… Ce qui me fait dire que cette démarche est un bon moyen de connaître la relation des gens à leur image, c’est la chose suivante. En marchant dans la rue, je croise des camés de chez camés, des artisans de bijoux sur-drogués, qui rejettent sûrement la société, société qui ne doit pas leur renvoyer une image très bonne d’eux-mêmes, parce que la drogue, on la voit sur leur visage, dans leur aspect, on la devine dans tout leur être, et c’est un peu triste à voir. Ces trois camés, sont les seuls qui ont catégoriquement refuser de me « donner » leur image, et ils se sont cachés la tête derrière leurs panneaux d’artisans. Je crois même qu’ils m’ont insultée. Ce sont les seuls de qui je n’ai pas réussi à obtenir une réaction un tant soit peu positive. Car même les gens qui réagissaient négativement, me laissaient au moins m’expliquer sur mon geste, et après coup approuvaient. Mais eux, les artisans drogués, ne m’ont pas laissé une seule chance de capturer leur visage, ni de leur expliquer pourquoi je voulais le faire. C’est là que je me suis dit que plus les gens étaient à l’aise avec leur image, plus ils réagissaient avec naturel et sympathie. Mais je me trompe peut-être. En tout cas j’ai passé la nuit à faire ça, j’ai bien rigolé, et je trouve qu’il n’y à rien de plus sympa que de passer une soirée entière à discuter et à s’amuser, sans avoir à boire une seule goutte d’alcool.
Le lendemain, le mal reprend de plus belle, je me remets à vomir, et cette fois-ci, pardonnez mon impudeur, j’ai la diarrhée. Je passe la journée à dormir et à me vider. Sophie n’est pas abandonnée à elle-même, puisque nous avons plus de copains que jamais, et passe la journée avec les uns, avec les autres, parle anglais et portugais, se promène, bronze et boit des coups, journée très sympa pour la Sophie, heureusement que je suis malade dans cet idéal camp de vacances, où nos copains sont plus nombreux que les cheveux que nous avons sur la tête. Le soir je suis toujours assez mal en point, Sophie dine gentiment avec les danoises en parlant musique et culture scandinave, passe la soirée avec nos copains de la crêperie, et revient au petit matin se coucher, fraîche comme la rosée. Le lendemain, je vais un peu mieux, mais suis toujours mal, et je décide de partir à la poursuite du français, pour qu’il me donne le nom d’un médecin privé que je suis prête à payer des miliards de reais pour qu’il me sorte de mon état. Je vais au café du français, bien faiblarde, deux jours que je ne mange plus et me vide de tout ce qui me reste dans les entrailles, j’arrive, le français n’ets pas là, qu’à cela ne tienne, appelez-le pour moi, faites le mander !! On me passe le téléphone, je l’appelle, pour lui faire un peu peur, je lui dis que c’est le jour où j’ai pris un jus d’orange chez lui avec des glaçons qui étaient sûrement de l’eau du robinet, que je suis malade, il me dit qu’il va faire venir son docteur au café, rendez-vous est pris pour 18h. Là, ça va tout de suite mieux, et revigorées par la joyeuse perspective d’une guérison certaine, nous partons fêter mon futur rétablissement en allant faire du shopping. Arrive l’heure du rendez-vous, le médecin m’écoute, m’explique que c’est le virus mystérieux, que j’ai de la chance de l’avoir attrapé maintenant, je suis immunisée avant qu’il ne mute et ne devienne pire encore, me donne des médicaments, et avant même de les avoir acheté, je suis déjà sur pied. C’est notre dernier soir à Itacaré, je décide de chanter, concert sympa sans plus, le t-shirt rose n’est pas là pour mettre l’ambiance et faire la clappe. Ensuite nous allons retrouver nos copains de la crêperie au jungle bar, et là, nous dansons le forro, la danse la plus sensuelle du monde. On s’encastre les jambes et on dandine des fesses joue contre joue. Je danse trois fois avec Tiago (Fernanda nous a quittée la veille), et tombe complètement amoureuse de lui. Je m’abandonne totalement dans ses bras,, balance mon bassin contre le sien, je ne fais plus qu’un avec Tiago, nous dansons, suons, j’ai ma tête sur son épaule, et s’il me le demandait, je lui roulerait volontiers le patin du siècle. Mais Tiago, le seul brésilien par lequel je sois attirée, et vraiment, est maqué, et ça, c’est dégueulasse. Mais ! Je sens que je ne laisse pas Tiago indifférent. Et danser avec Tiago a eu un tel effet sur moi que je ne pense qu’à une chose, me blottir dans ses bras câlins, et danser le forro avec lui, toute la vie si Dieu le veut. Je me mets donc en tête de partir vivre à Curitiba, la ville où tous nos potes habitent, et dont on a enfin retenu le nom, et briser l’ harmonieux couple qu’il forme avec Fernanda. Elle est très amoureuse, mais lui m’a dit qu’elle était loin d’être la femme de sa vie, ce qui veut tout dire, et ça n’est pas tombé dans l’oreille d’une sourde ! Je décide donc je passerai deux mois, ou toute la vie, à Curitiba, une fois que Sophie aura regagné la France. Sophie de son côté, s'est acoquinée avec un nain de la meilleure éspèce et danse collée serrée tout contre lui, ils forment un couple improbable et très photogénique, que je mitraille à tout va, il se dégage une tendresse de leur duo, qui ferait fondre la banquise antarctique... Nous terminons la soirée tous les trois avec Tiago, et d’autres noctambules, dans la station service du coin, ouvert h 24, on joue de la guitare, on chante des chansons, c’est trop symmpa ! On ne se couche pas avec Sophie, et partons au petit matin, attraper le bus qui nous mènera à notre prochaine étape, Belo Horizonte.
Itacaré c’était super, absolument magnifique, une nature pure et simple, des plages, de l’eau, des arbres, du bleu du blanc du vert, des bars tous plus sympas les uns que les autres, des copains par miliers. Mais Itacaré, c’est un peu du vent, un endroit qui sans touristes, doit être complètement mort, un endroit où le paraître compte plus que l’être, un grand camp de vacances où on passe de la plage au resto, du resto au bar, du bar à la boîte, de la boîte à la pousada, et ainsi de suite, Itacaré, c’est un petit paradis, mais un paradis artificiel, et je suis bien contente de n’avoir finalement pas posé mes valises là bas. A voir maintenant, un nouvel horizon, l’horizon de Belo Horizonte.

lundi 15 février 2010

Le retour au bercail

Je suis retournée à la maison, à Ilha Grande, mon île préférée au monde. Je le préfère à Ré, Oléron, à la Guadeloupe, à Saint-Martin, à Madère, aux Canaries, au Cap Vert, Ilha grande c’est mon paradis sur terre. J’ai retrouvé ma pousada, mes gentils propriétaires, Claus et Teresa, qui ont acheté pour moi et ceux qui me suivront, un lit superposé avec un matelas tout neuf sur lequel je passe de longues nuits confortables et pleines de rêves, et une glace en pied où oh bonheur, je peux me voir toute entière… A priori je resterai là 15 jours, jusqu’à fin février, mais rien n’est jamais certain, comme toujours. J’ai retrouvé Jade la grande tata et son mp3 qui crache toute la journée Lady Gaga et I wanna know what love is, j’ai retrouvé le ventripotent Roberto , j’ai retrouvé TV5 monde, la cascade au fond du jardin, les cafés da manha, Masi et Nati les deux femmes de ménages, Rafael le réceptionniste de la pousada Verde, Wilson le pizzaïolo, et surtout et surtout, j’ai retrouvé o padrao (le patron) de mon resto de la plage qui me garde toujours mon bardas à chanter, j'ai retrouvé ma plage et mes touristes qui sont nombreux en ce moment, carnaval oblige…. Je mène une vie tout à fait sage et tranquille. Cela fait pratiquement un mois que je n’ai pas bu une goutte d’alcool auquel je suis devenue quasi allergique, je me couche tôt, et je me lève aux aurores, vers 6h30 du mat, pour aller jogger à la fraîche. Je me suis fait un petit itinéraire très sympathique, je cours d’abord le long du front de mer, puis dans la forêt, puis je monte une colline verdoyante en haut de laquelle j’ai un panorama magnifique des îles qui plongent à pic dans l’océan turquoise, et ensuite je redescends le tout à fond la caisse. Au bout d’une heure trente de pur bonheur j’arrive à la pousada, je m’étire devant une nounou d’enfer, je vais rincer ma sueur dans la cascade, et je petit-déjeune de fuits frais et de café chaud. Ce matin il m’est arrivé quelque chose d’assez cocasse, alors que je dévalais à toute vitesse une pente de la colline, dans le touffu de la forêt, je croise un couple qui copule gaiement sur un rocher au bord du chemin. En me voyant cavaler ils se rhabillent très vite dans un grand désordre et se mettent en route dans des gloussements gênés. Je les dépasse et lève le pouce de dos pour signifier que je ne juge pas, et que même, j’approuve ! Ensuite, je me suis perdue dans le haut de la colline. J’ai cru qu’en redescendant de l’autre côté j’arriverais au même endroit, et en fait je partais dans une autre direction. Je tourne en rond en montant et descendant pendant une demi-heure, et qui je croise de nouveau, tous frais tous contents, gambadant gaiement, mon couple e chauds lapins. Je leur explique d’où je viens, où je vais, et ils me remettent sur la bonne route.
Après le sport, J’ai quartier libre jusqu’à 13h, je vais chanter, je ramasse plein de sous ( aujourd’hui record brésilien battu, 170 reais pour 30mn d’effort…), quartier libre jusqu’à 20h, musique toute la soirée, et dodo bien mérité, sur mon super matelas tout confort.
Mon retour fut très joyeux, surtout au resto du padrao. Cris de joie, longues embrassades, padrao était trop content, et me montre tous les jours son enthousiasme en me faisant manger gratos après mes tours, d’énormes assiettes remplies de riz et d’haricots. Il me dit qu’il m’aime comme un père, que je suis courageuse et méritante, que je suis une bonne fille, et je le crois volontiers ! Je le considère aussi comme mon père, mon papa da ilha. Aujourd’hui au déjeuner j’ai fait un très bon tour, sans fautes, sans larsens, avec deux terrasses bondées qui sont venues remplir ma panthère. Deux personnes m’ont donné 20 reais, et une 30, qu’elle m’ a exhibé avant de les rentrer dans la boîte. J’ai failli tout arrêter et lui sauter au cou, 30 reais c’est beaucoup ! C’est une nuit de pousada. J’ai rencontré un joueur de foot, Rafael, ami de Pelé et d’un autre dont je ne me souviens plus du nom. Les deux compères ont ouvert une chopperia à Rio où il pense que je pourrais chanter, il rentre vendredi dans la ville merveilleuse, et dit que ce week-end il me contacte pour me prévenir si jamais les propriétaires sont intéressée pour m’engager. Il m’a dit qu’ à Rio, on est payé 700 reais la soirée pour chanter dans ce genre d’endroit. J’ai bien regretté de lui dire que je prenais minimum 150 reais pour une heure….
Ce soir j’ai chanté, mais j’avais une sacrée concurrence. De la bossa live juste à côté de ma terrasse, des groupes de percussions dans la rue, je n’avais nulle part où me poser. Il y a maintenant quatre restos côtes à côtes sur la plage, le dernier vient juste d’ouvrir à l’endroit précis où je chantais. Je vais donc les voir, je leur demandé une table et une chaise, et au lieu de me mettre entre les restos, je me pose sur la plage bien en évidence devant les quatre terrasses. Pour que tout le monde me voie bien je m’assieds sur la table, l’ampli est sur la chaise, le jamman sur mon tabouret. Malheureusement comme le dernier resto de la plage crache de la bossa, je ne peux pas me mettre devant mon resto de d’habitude qui est juste à côté. Je dois donc me décaler devant celui qui vient d’ouvrir, qui n’a pas encore énormément de succès. Et sur la place, il fait tout noir, les autres terrasses n’ont donc pas vu grand-chose, et je ne pouvais pas monter trop le son de l’ampli parce que ça faisait des larsens. Je fais donc une soirée assez molle, 65 reais, bien loin des 170 du déjeuner. Mais les clients étaient très attentifs et enthousiastes, j’ai donc quand même pris du plaisir, et le moral reste bon, c’est l’essentiel.

J’ai pris beaucoup de retard dans le récit de notre voyage avec Sophie, j’ai écrit ce poste pour tenir au courant les proches, et j’écrirai la suite de nos aventures au fur et à mesure la semaine qui vient. Sophie a retrouvé son jules et ils sont à Rio, ils devraient venir me rejoindre sur l’ïle mercredi.

vendredi 5 février 2010

Salvador: la baie de tous nos saints

Salvador, c’est simple, on a-dore. Cette ville, au départ, je la detestais. Débarquée fraîchement de la grande traversée, je passais mon temps entre la marina et le quartier mondialement connu du Pelourinho, je tournais en rond, j’étais crevée, un peu déprimée, et n’en pouvais plus de vivre sur un bateau. Dès que j’ai quitté la baie de tous les saints, dès que le bus est parti, je me suis sentie libre, merveilleusement seule, et vivante. J’angoissais un peu d’ y revenir pour retrouver Sophie là-bas. Mais grâce à la charmante et enthousiaste compagnie de ma bonne copine, Salvador m’apparaît comme étant désormais un véritable paradis terrestre. Avec Sophie nous nous sommes complètement approprié l’endroit, nous l’avons fait nôtre, Salvador n’est pas la baie de tous les saints, c’est la baie de tous nos saints. Notre préféré étant Bonfim, le saint patron des lieux, le saint des saints. Nous le portons à nos poignets, sur de jolis rubans colorés où est écrit son nom. Au moment où je vous parle, il décore dignement mon arrière-train, car en souvenir de lui, j’ai acheté un short où Bonfim est partout, et de toutes les couleurs. J’ai l’impression d’avoir des fesses sacrées… Nous résidons à Barra, un quartier assez proche du centre historique, dans une charmante pousada, la pousada Ambar. Elle se situe dans une rue calme et ombragée, à deux minutes à pied du bord de mer. Munies de nos deux guides, le guide Evasion et le Routard, nous nous composons chaque jours de petits programmes dont Sophie a le secret. Elle dissèque page par page plans et commentaires, tire le meilleur de nos livres et nous partons à la découverte de la ville. Nous assistons ainsi à un concert gratuit de Géronimo, éminent artiste Bahiannais, qui se produit tous les mardis devant les nombreuses marches d’une église dans une petite rue du Pelourinho. Tout le monde est là, les touristes bien sûrs, les bahiannais, les brésiliens, les curieux, les amoureux du folklore, les fans de Géronimo. Munies d’acarajés, délicieux petits beignets fourrés de crudités et de purées mystères, et de caïpi sans sucre, nous tapons des mains sur Géronimo, nous chantons les refrains de Géronimo, nous bougeons nos fesses au rythmes de ses percus endiablées, nous kiffons grave quoi. On finit à quatre pattes sur les rues pavées du Pelou, on rentre en taxi qui blinde et brûle tous les feux rouges, musique à fond toutes têtes dehors chevents aux voeux, et on termine, allongée, gisante, toute beurrée, sur le sol de la pousada, pour moi, et dansant frénétiquement le forro dans le salon de la même pousada avec un brésilien lourdingue pour Sophie. Le lendemain, je suis pas fraîche, et le personnel est assez amusé à l’évocation de mon état de la veille. Et j’ai appris un nouveau mot, bebada .

Attardons nous un peu sur la relations qu’ont les brésiliens avec le sucre, avec la nourriture en général. La cuisine brésilienne est bonne, riche en fruits, mais pauvre en légumes. C’est bien simple, moi depuis que je suis au Brésil, je ne mange que des haricots rouges et du riz, tous les jours. A tel point que je me suis prise de passion pour les haricots rouges, les blancs, les beiges, et même lorsque j’ai d’autres choix, eh ben j’en prends quand même, et je me régale, il faut le dire. Les brésiliens mangent et boivent très sucré. L’expresso se fait rare au Brésil, on boit souvent du café en thermos, qui est systématiquement servi déjà sucré, et pas qu’un peu. Le jus d’orange pressé, il vous le sucrent aussi automatiquement, et dans la caîpirinha, ils mettent plus de sucre que de glace pilée, c’est sûr. Du coup avec Sophie on s’est prise d’aversion pour le sucre, alors le café, la caïpi et le jus pressé, on les demande sans sucre. Les serveurs, les yeux hors de leurs orbites, nous font répéter trois fois notre commande, ils pensent qu’on ne sait pas ce qu’on dit, , ils croient qu’on parle un portugais approximatif en confondant avec et sans, (l’affront, l’intolérable insinuation !!!) et ensuite alors qu’on a expressément précisé, en articulant bien, qu’on veut nos boissons SEM AZUCAR, ils nous les apportent en nous disant sur un ton qui relève plus de l’avertissement effaré que de la simple annonce de notre commande : um suco, SEM AZUCAR, ATTENTION !!! Pauvres folles !!! Les locaux se gavent de bonbons qui sont vendus dans les bus, à tous les coins de rues, sur la plage, partout, et le soda pour eux, c’est un peu comme le champagne pour nous. C’est très sud-américain ça, on sent l’influence des Etats-Unis tous proches, et déjà l’année dernière en Argentine, je m’étonnais que mes potes me proposent avec un enthousiasme débordant d’aller se taper une bonne bouteille de Sprite au parc…. Les fruits par contre, on adhère à fond, tous les matins on nous sert des kilos d’ananas, de mangues, de papayes, de pastèques, de bananes, dont on se gave, et qu’on subtilise discrètement dans un tuperwear acheté spécialement pour ça. On le bourre tous les jours et ça nous fait le dej ou le diner… Ouais, je sais, on est pires que Thelma et Louise….

A Salvador on se fait des copains. Il y a tout d’abord Caty, une baroudeuse canadienne rencontrée à Lençois. Elle habite à Salvador, elle est là principalement pour apprendre le portugais et la capoeira. Elle a notre âge, 25 ans, blonde comme les blés, bronzée comme un caramel au beurre salé, les yeux bleux comme la mer des caraïbes, bon cul bons seins, elle passe pas inaperçue. Elle a un bel accent québequois, qui, assorti des expressions plus qu’imagées de cette région, nous fait complètement fantasmer sur le Canada. C’est sûr, il va falloir aller faire un tour là-bas ! Caty nous a fait connaître une de ses copines, Laura, une slovène de 30 ans, qu’elle a rencontré dans son cours de capoeira. Laura est là pour les mêmes raisons que Caty. Nous avons passé une journée trop sympa toutes les quatre. Avec Sophie nous nous sommes rendues à pied au Pelourinho, une bonne heure de marche ou presque. Rien de tel pour s’approprier un endroit que de se le promener en marchant. On a retrouvé les deux capoeristas Praça da Se, et nous sommes rendues ensuite, toujours à pied, dans, oh bonheur, un resto végétarien où l’on mange à volonté pour 10 reais, ce que fait à peu près quatre euros. Il y a là tous les légumes du monde, en purée, en macédoine, en beignets, en empanadas, en tarte, en tourte, en salade, du jus de fruit frais , du pain complet, tout ça autant qu’on veut pour trois fois rien. J’ai des envies compulsives de remplissage de tuperwear… Mais je n’ai pas de tuperwear, et bon, je respecte tellement l’endroit que même le lendemain lorsqu’on y retourne, je renonce à l’idée d’en acheter un spécial resto végétarien. Ce resto c’est juste le paradis sur terre, tellement bon, tellement pas cher, tellement sympa, tellement Brésil en somme. On apprend à se connaître entre voyageuses d’ Europe et d’Amérique, on se raconte, on raconte, on partage, on échange, entre filles exclusivement, et ça c’est trop patate. Laura nous emmène ensuite dans un café avec un petit jardin très zen en arrière-cour, on continue de papoter en savourant de bons expressos, le bonheur. Laura aussi est une grande baroudeuse. Une partie de l’année elle est guide en Slovénie, Yougoslavie et d’autres pays pour des touristes japonais et chinois, et le reste du temps elle voyage. Elle parle couramment chinois, japonais, anglais, portugais, slovène. On dirait qu’elle connaît le monde comme sa poche, qu’il n’est rien qu’elle n’aie vu ou fait. Elle est du genre à dire, lorsqu’elle parle de ses voyages : « Phuket ? Massages et plongée. Salvador ? Plage et capoeira. Amsterdam ? Vélo et Marie-Jeanne ». D’ailleurs elle truste complètement la conversation et on l’écoute religieusement. Une belle rencontre, elle va à Itacaré, on la reverra sûrement, on compte sur Bonfim pour la mettre sur notre route.

Salvador est une ville très vaste. Et on connaît à peine cinq pour cents des trésors qu’elle recèle. On a été dans pas mal d’endroits mais en gros on traîne nos havaïanas entre notre quartier de Barra, le centre historique du Pelhourinho, et le mercado modelo, un grand bazar en plein air et en bordure de mer autour duquel on trouve deux marinas et le MAM.
Ces derniers jours , on se fait la même promenade, on va de l’hôtel jusqu’ au Pelhou, à pied. ça prend bien 45 minutes. On longe la mer, on monte une pente qui la surplombe superbement, et qui nous la montre lisse et bleue, toute parsemée de tankers, paquebots et porte-containers, puis on entre dans le coin vraiment résidentiel de Barra, monté de hauts immeubles pseudos-designs, mais quand même un poil impressionnants, avec leurs portiers, leurs halls lustrés et plante-vertés. Ils viennent remplacer peu à peu de belles bâtisses coloniales complètements en ruines, mais portant beau malgré tout, toutes fières qu’elles sont de leurs vieilles pierres. Les trottoirs sont dans un bon état de délabrement, ça travaille et construit de partout, on zigzague entre les hauts arbres et les marteaux-piqueurs, dans un joyeux bordel de voitures. Mais l’ombre bien rafraîchissante et la diversité architecturale de cette partie de la rue de 7 septembre, offrent une parenthèse bienvenue entre l’harassante pente qui la commence et le troisième tronçon qui la termine, dans une folie et une frénésie tout à fait bahiannaises. Là il y a des milliers d’enseignes qui se succèdent, des super-boulangeries, des vendeurs d’électroménager, de baskets et de perruques, de TV et de chaïnes hi-fi, des vendeurs de pacotilles qui se promènent et installent leurs étals devant tout ça, qui fourguent des p’tites culottes, des antennes TV, des acarajés, du tout et du rien. Ajoutez à ça la foultitude de gens qui circulent dans ce paradis de la super-promoçao, tous les postes et chaînes hi-fi qui tous les deux mètres vous crachent à balle de la samba , du MPB ou du forro, et vous avez là le joyeux-bordel qui atteint son paroxysme, au bout de l’avenue du 7 septembre. Il n’y plus assez de trottoir pour marcher, donc, plus assez de route pour circuler, les piétons marchent sur les voitures, les voitures roulent sur les piétons, et nous, on se balade entre le pavé et la chaussée. On arrive au Pelhou et on retrouve nos petites places, nos petites rues, nos petites madames en costumes traditionnel, et toutes les petites curiosités qui font le charme de ce quartier. Mais le Pelhou nous frustre. Et oui le Pelhou n’est pas tout rose. Et quand j’étais en France c’est hallucinant le nombre d’horreurs que j’ai pu lire dans les forums internet sur ce petit coin de paradis. Quand on va en taxi dans le Pelhou, pour descendre au Mercado Modelo par exemple, on passe par des petites rues, toutes aussi migonnes que les autres, mais sans enseignes, un peu dans l’ombre, où se traînent parfois des gens qui n’ont pas l’air vraiment catholiques. En pleine journée, des policiers sont postés devant ces ruelles, et si par malheur vous voulez vous y aventurer, ils vous en empêchent. En pleine journée ! A deux pas des rues où on se balade la main à l’appareil numérique, où on sifflote distraitement en promenant un œil curieux sur les façades, les gens, les choses, à deux pas de cette bulle fantastique et colorée, se trouve un enfer où il nous est interdit de pénétrer. Bien au frais dans le taxi, on y passe cependant, et l’on découvre, bon certes, des gens un peu inquiétants et des vieux murs crasseux, mais aussi des immeubles d’époque à l’entrée coquette, des musées, des maisons design, des petits chemins qui sentent la noisette, et qui la sentent d’autant plus qu’ils nous sont interdits, à nous bleues, touristes, oies blanches, demoiselles qui s’y feraient bruler leurs ailes… Bon, on regarde de loin, et on se dit, quand-même, vivre ici, ça serait le panard…

A Salvador, on est à la chasse aux couchers de soleils. On en a vu deux superbes et aussi remarquables l’un que l’autre. Au premier, nous sommes postées sur des rochers qui regardent la mer de haut, juste en dessous du farol, le phare de Barra. Il y a au dessus de nous des petits groupes de gens assis, qui discutent, boivent de la bière, fument des pétards ou qui tout simplement regardent le spectacle les mains dans les poches. Deux groupes de trois policiers armés jusqu’aux dents arrivent pour interpeller cette jeunesse contemplative, on nous fait lever, et mitraillette au poing, braquée sur nous, on nous demande nos papiers. Nous ne les avons pas, nous sommes mains dans les poches. Mais comme on a des bonnes têtes et qu’on nous donnerait le bon dieu sans confession, on nous laisse très vite tranquilles. Le coucher de soleil, magnifique par ailleurs, fut largement épicé par ce petit frisson que nous a donné l’arme virile des policiers pointée sur nous, et on s’en souviendra avec bonheur ! Le deuxième coucher de soleil, grandiose, fut le bouquet final d’une journée qui fut en tous points parfaite. A 9h du matin nous retrouvons tous nos amis, Caty, Garett l’Irlandais et Café le brésiliens (non ce n’est pas une blague, il s’appelle Café), à la plage. On se bronze, on se baigne, on discute, on regarde, on admire les bahiannais vivre à cent pour cent, se rouler dans le sable, se jeter dans les airs, se plonger dans la mer, on aproveta. Ensuite tout ce petit monde se sépare, et on va avec Sophie, déjeuner à nouveau, dans notre super-resto végétarien à volonté pour 10 reais que nous a fait découvrir Laura, la slovène polyglotte. Puis on se met en tête d’être chic. Nos havaïanas nous donnent un air très populo et vulgaire qui ne colle pas du tout avec le style que nous voulons pour notre voyage. il nous faut être chic, parce que le Brésil, c’est très chic. Les habitants ici font de grands efforts de coquetteries, les femmes ont le cheveu tiré à quatre épingles, et promènent leurs escarpins sur le béton, le sable où le pavé. Notre cocktail petite robe de plage/ flip-flop bon marché est de très mauvais goût, il nous faut accorder nos instruments aux leurs. On se met d’abord en quête de trouver des tongs d’apparat, que viendront sublimer des robes de gala, pour que nous soyons enfin totalement dignes de glisser élégamment de la savate dans Salvador, et en parfaite harmonie avec l’allure altière de ses habitants. On trouve de ravissantes sandales en cuir que nous négocions fermement. Puis je fais la découverte d’une merveilleuse robe, soyeuse, légère et colorée. Sophie quant à elle porte déjà une divine tunique de mousseline prune. Les petits détails qui viennent donner toute leur classe à nos allures de princesse, sont les sacs plastiques que nous tenons fermement à nos bras. C’est le must-have de la touriste bahianaise. En cette matière nous sommes tout-à-fait avant-gardistes , mais on ne doute pas que cette mode que nous initions, sévira dans tout le brésil, l’Amérique et bientôt dans le monde entier. Cette tendance relève du domaine de la mode utile, de la mode intelligente. Le sac plastique est pratique, économique, léger, il se décline dans plusieurs tons et plusieurs tailles, et surtout, il est le meilleur antivol qui soit. Le sac plastique, on ne se la fait pas chourer à la tire. Alors nous, on a adopté le sac plastique. C’est donc sous notre meilleur jour et dans nos plus beaux atours, robes qui virevoltent et sacs plastiques qui froufroutent, que nous nous rendons à pied, au MAM.

Le MAM, c’est tout à fait exceptionnel. C’est le Musée d’Arts Modernes de Salvador qui se trouve au dessus de la mer, non loin des catways de la « so yacht » Bahia Marina. D’instinct j’ai tendance à me précipiter au café du musée, mais Sophie me rappelle à mes devoirs de touriste pensante, il faut quand même jeter un œil, histoire de. Et bien je n’en jette pas un, mais deux, je suis absolument emballée, tout comme Sophie, par les œuvres de ce musée, assez fantasques et dénuées de sens parfois. Il y a, en haut d’un large escalier en bois qui colimace, et que chacune voudrait avoir dans sa propre maison plus tard, mais beaucoup plus tard, une galerie de photos assez intéressantes, dont une superbe, d’un poteau électrique pris d’en bas, sur fond d’étoiles scintillantes, qui me fait complètement rêver. J’adore être conquise par la beauté que veut faire sortir un artiste du banal, du vulgaire, de l’insignifiant. Bref, c’est bientôt assez et nous attaquons le clou du programme musée, le coucher de soleil sur la terrasse du café, le routard en parle, et nous on en bave. Nous arrivons sur un ponton désaffecté dont le vieux bois s’avance dans une mer émeraude et transparente, et la baie de tous nos saints nous ouvre ses bras, toute illuminée qu’elle est des rayons mordorés d’un soleil qui va bientôt se coucher. Tables, tabourets coussinés, guirlandes de lumières, harmonieuses pousses vertes, un décor de café chic vient magnifiquement mettre en valeur nos merveilleux habits. Nous sommes aux premières loges pour assister au coucher du roi, qui nous en met plein la vue, et nous fait frissonner de bonheur devant sa superbe parade, que nous buvons au cappuccino et à la caïpirinha. Tout cela est absolument muuuuuito maraviliooooso, et muuuuito tranquiiiiilo. Bon, le service est désastreux. On a la totale, le garçon hautain et méprisant, conscient qu’il sert dans un lieu d’exception, complètement imbu du superbe de l’entroit, et le parfait abruti, qui nous explique, quand on lui demande l’heure de fermeture du MAM, que l’établissent restera ouvert, jusqu’à ce qu’il ferme, information dont le surprenant contenu nous fait tomber de nos chaises…

Nous quittons le musée, et rentrons dans notre gentille pousada. Sophie part hamaquer d’un bon livre pendant que je tape la causette à notre nouvelle copine, Karine, une superbe gazelle noire d’origine Haïtienne, qui vit à New York et vient à Bahia pour étudier devinez quoi, la musique… On raconte, on se raconte, nos envies, nos frustrations nos rêves de réaliser. Jusqu’ à deux heures du mat nous conversons, ne voyons plus le temps passer, entre musiciennes frustrées, il y a tellement de choses à se dire… Ah lala. Chacune rêve d’avoir du temps et de l’espace ; je ne m’arrête pas de bouger, impossible pour elle de se trouver un appart avant le carnaval, qui change toutes les donnes. Je suis absolument emballée par cette femme et peut deviner à sa voix et à sa personnalité qu’elle a un sacré talent qui ne passera certainement pas inaperçu. Enfin je me couche, dernière journée parfaite à Salvador, et Sophie déjà dort, d’un sommeil bienheureux, j’en suis sûre.
Le lendemain il faut faire tout un tas de choses horribles, mais qui revêtent toujours un caractère particulier et ont une certaine saveur, quand on les fait à l’étranger. Il faut acheter les billets pour Itacaré, faire envoyer des sacs remplis de livres, d’affaires de bateaux et de fringues, à Rio, pour se décharger un peu, boucler les bagages et prendre ledit bus pour Itacaré. Nous nous rendons à la rodoviaria en bus, achetons les billets, demandons où se trouve le service des envois de paquets, nous y rendons, nous perdons, sommes re-digirées par des bahiannais bienveillants qui voient à nos têtes de touristes que nous n’avons rien à faire dans les bas-fonds vers lesquels nous nous dirigeons, ne nous rendant absolument pas compte que le service des envois ne peut pas se trouver des ces casbahs insalubres, nous trouvons enfin les service des envois, qui nous envoie nous faire faire une facture dans un autre service qui se situe dans le shopping center de l’autre côté du périf, on y va, on se fait facturer, on rentre à Barra faire les bagages, et on repart en taxis cette fois, chargées comme mille baudets, d’abord déposer les sacs aux envois, puis attendre notre bus. Le taxi explose de rire quand je lui dis que le gramme de cocaïne même pas pure se vend environ 100 euros en France quand il se brade ici 30 reais, et je le comprends, mais je me retiens de lui dire que pour le prix qu’ils payent leurs 100 grammes de Nutella, nous en avons un Kilos, parce que là il pleurerait, et ça ne serait pas chic de ma part. Nous arrivons à la rodo, et attendons le bus. Juste avant d’embarquer, je remarque trois jeunes filles dont je n’arrive absolument pas à discerner l’origine, leur langue et leur accent m’est parfaitement étranger. Un peu agacée j’ose leur demander d’où elles viennent, et mon cœur bondit dans ma poitrine, mon sang ne fait qu’un tour, quand elles me répondent : Israël. Dieu du ciel, tous mes saints ! Enfin, enfin je les retrouve ! Mes bien-aimés israéliens, parmi lesquels j’ai passé un mois magique à Rosario en Argentine, mes Israéliens chéris, ze tov, sababa !! L’année dernière j’ai habité un mois dans un hostel qui me faisait un prix, et j’ ai cohabité tout ce temps avec des israéliens uniquement, j’étais la seule personne qui ne venait pas de Terre Promise. Les maudissant d’abord de me voler tout mon espace, je me suis peu à peu laissée apprivoiser, puis conquérir totalement, par ces jeunes qui m’ont appris un peu de leur langue, de leurs chansons, de leur gastronomie et de leur vie. Je savais qu’il y en aurait beaucoup au Brésil car tous ceux que j’ai rencontré l’année dernière se rendaient d’abord à Iguazu puis à Rio ou Salvador pour le carnaval. Mais jusqu’ici je n’en ai rencontré aucun. Et là, trois jeunes israéliennes se rendent avec nous à Itacaré, c’est du pain bénit. Je me rappelle tout ce que j’ai appris, leurs chante les chansons, leurs dis tous les mots que je connais jusqu’aux plus mauvais, flash back Rosario. Grâce au super notebook, elles me passent des chansons de leur pays, j’en écoute une, Hatuna Lavana, pendant toute la nuit, je suis transportée, je ne rêve que d’une chose, chanter à Tel-Aviv, apprendre l’hébreu. C’est sûr je vais le faire. Quand j’aurai trouvé mon cameraman, on ira jusqu’en Israël à dos de chameau, en passant et chantant au Maroc, en Algérie, en Tunisie, en Lybie et en Egypte, ça fera un super docu. J’habiterai six mois à Tel- Aviv, je chanterai dans le rue, tomberai amoureuse d’ un beau jésus aux yeux noirs et au cheveu dru, je me convertirai au judaïsme libéral, on se mariera, on aura Rebecca, Eliette, David et Aaron et avec tout l’argent de Jésus on s’achètera une ïle dans le pacifique où on coulera des jours heureux en mangeant des falafels et du boulou, en chantant tous les jours les louanges de Yahvé ! Vite, viiiiiiite !
On arrive à Itacaré.